Par Guillaume Lévesque
Après la chute/libération de Saigon, de nombreux Vietnamiens ont fuit le pays de peur de vivre dans un régime communiste totalitaire. On les appelle souvent les boat peoples, car la plupart du temps, le moyen le plus simple de fuir le pays était par la voie maritime. Mais plus généralement, le terme employé pour définir les Vietnamiens vivant à l’étranger est Viet Khieu. En 1999, la population de Viet Khieu comptait plus de deux millions d’individus et aujourd’hui, elle atteint plus de trois millions(1). Évidemment, le pays qui compte le plus grand nombre d’expatriés vietnamiens est les États-Unis avec plus d’un millions d’individus. Il serait intéressant de noter que le drapeau auquel ils s’identifient n’est pas celui de la république socialiste du Vietnam, mais celui de la défunte république du Sud Vietnam. Cela pourrait s’expliquer par l’attachement de ces Vietnamiens aux politiques économiques libérales et dans le fait que pour eux les États-Unis soit le seul pays légitime d’aider les Vietnamiens ou par une simple nostalgie de l’ancienne république. Mais ce ne sont pas tous les Vietnamiens qui sont politisés ou favorable aux politiques américaines (4). Paradoxalement, de nombreux Vietnamiens qui se sont enrichis aux États-Unis investissent maintenant dans l’économie vietnamienne depuis la libéralisation économique du pays. Certains retournent même au pays fonder leur famille. Mais quelle est la situation des Viet Khieu en Amérique et quels facteurs favorisent leur retour dans la république socialiste du Vietnam ?
La plupart des Vietnamiens expatriés après 1975 ont pu se créer une situation confortable. Notamment, aux États-Unis, il y a plus d’une dizaine de milliardaires vietnamiens, qui, à leur tour, réinvestissent au Vietnam et les élèves américano-vietnamiens sont souvent réputés pour leurs excellentes performances académiques. Mais étonnamment, dans les grandes villes américaines, de nombreuses bandes criminalisées sont d’origine vietnamienne. La situation des américano-vietnamiens reste très contrastée.(3) Également, il y a un grand écart entre la mentalité des parents qui ont connu la vie dans la république du Sud Vietnam qui sont souvent, moins éduqués et moins adaptés et leurs enfants qui ont seulement connu la vie aux États-Unis. Par contre, aujourd’hui, il y a encore certains Vietnamiens, comme ceux habitant dans les «little Saigon» (Chinatown Vietnamiens), qui vivent presque complètement isolés de la culture américaine. Certains ne parlent pratiquement pas l’anglais. Il faut comprendre que les immigrants vietnamiens ont deux choix, soit de s’intégrer et de s’assimiler ou soit de «Refuser de changer ses habitudes et rester isolés à l’intérieur d’une communauté restreinte» (4). Même si l’isolement demeure la solution la plus facile, elle entraîne divers problèmes comme le manque de communication avec les autres communautés culturelles. Le dilemme que vivent les diasporas vietnamiennes ressemble beaucoup à celui des diasporas chinoises, de plus les deux diasporas ont comme caractéristiques la solidarité et l’entraide.
Après 1975, de nombreuses familles vietnamiennes ont pu survivre grâce aux colis envoyés par des membres de leurs familles à l’étranger. La diaspora a toujours gardé contacte avec son pays d’origine. Qu’elles soient pour ou contre le régime actuel, les associations vietnamiennes à l’étranger ont toujours apporté un support morale non-négligeable à la population du pays (4) . Après l’introduction du Doi Moi en 1986, certains Viet Khieu sont retournés au pays soit pour visiter leur famille ou pour des vacances. Cela est entre autres dû à la normalisation des relations avec les pays occidentaux qui s’est faite entre autre avec l’entrée du Vietnam dans l’ASEAN en 1993 et à l’assouplissement du régime économique. Selon le gouvernement vietnamien, il y a plus d’un million de Viet Khieu qui visitent le pays chaque année(2). Certains sont même retournés au pays définitivement souvent dans le but de contribuer au pays ou tout simplement pour se trouver une épouse. Les raisons sont nombreuses, mais le fait reste que les Viet Khieu sont en général beaucoup plus attachés au Vietnam qu’au pays dans lequel ils ont émigré. Plusieurs Viet Khieu veulent entre autres y investir, mais ce que recherche le plus le gouvernement vietnamien ce n’est pas de l’argent, mais bien le savoir et l’expertise, car cela permettrait de contribuer au développement du pays.
Bien que de nombreux Vietnamiens ont fuit la république socialiste du Vietnam après la réunification du pays, ont assiste à un retour graduel des Viet Khieu dans leur pays d’origine. Cela est dû à de nombreux facteurs sociaux et économiques, mais surtout à l’assouplissement du régime. Tandis que certains autres Viet Khieu ont choisis de s’intégrer à la société occidentale attirée par l’économie libérale. Dans les deux cas, le Viet Khieu ne renie pas sa culture et ses frères de sang, il reste un Vietnamien.
Lien youtube : http://www.youtube.com/watch?v=yuozzUP_FIs
1. Abuza Zachary.2001. Renovating politics in contemporary Vietnam. Londres : Lynne Rienner.
2. Barbieri Magali et Bélanger Daniel (2009. Reconfiguring Families in Contemporary Vietnam. Stanford: Stanford University Press. P 238-250
3. Zhou Minh.(2000). The Biculturation of the Vietnamese Student. ERIC/CUE Digest Number 152.NewYork. ERIC Clearinghouse on Urban Education.
4. Nhung Augustoni-Phan.(1995). Vietnam, nouveau dragon, ou, vieux tigre de papier: Essai sur le Viet-Nam contemporain. Paris : Olizane