Les femmes en Asie du Sud-Est et leur place politique

Par Elina Wattebled

Depuis plusieurs années, les femmes en Asie du Sud-est, malgré l’avènement d’un nouveau siècle et des avancées dans plusieurs domaines, n’ont toujours pas accès, de manière égale avec les hommes, à la scène politique. Peu d’entres elles ont la possibilité de participer aux décisions cruciales de leur société. Tout est retenu dans les mains des hommes, qui détiennent les ressources et les aides pour faire partie intégrante de ce pouvoir. De plus, comme c’est un monde essentiellement masculin, les femmes politiciennes ne soutiennent pas forcément les droits et les intérêts de celles qui les ont élues.

Vision globale

En général, les femmes ont un droit égal en ce qui concerne le vote aux élections, mais quantitativement, le nombre de votantes est infinitésimal. On peut relier ce que nous avons vu dans un billet précédent. En effet, le rôle de la femme est cantonné à celui d’épouse et de mère dès leur plus jeune âge. Ce constat nous montre que le lieu de prédilection de la femme en Asie du Sud-est est la maison ; la femme est un être d’intérieur, contrairement au mari qui lui s’occupe des affaires à l’extérieur du foyer, c’est celui qui travaille et qui rapporte l’argent à la maison. Le temps que la femme passe à la maison ne lui laisse que peu de temps pour s’intéresser à ce qui se passe « dehors ». Si elle peut avoir le rôle de votante, celui de politicienne n’est pas à l’ordre du jour. Très peu d’entre elles accèdent aux institutions telles que le Parlement, le Conseil des ministres.[1] Le rôle des femmes dans la sphère publique est limité par de nombreux facteurs : légaux, culturel, économique voire même psychologique.

Le cas des Philippines

Les Philippines est un des pays qui a connu le plus de fluctuations en ce qui concerne le rôle politique des femmes. En effet, avant la colonisation, une égalité existait entre hommes et femmes que ce soit pour imposer leurs droits mais aussi pour diriger le pays, en occupant des postes importants. Le système féodal imposé par les Espagnols a fait table rase de cette position, les reléguant à une place d’inférieure et d’être soumis au régime patriarcal. L’oppression les concernait ainsi tout particulièrement. Elles étaient vues comme « her father’s meek daughter, her husband’s faithful subject, the church’s obedient servant and a chaste virgin who yielded only to her husband. » (Ma traduction : douce fille de son père, fidèle sujet de son mari, obéissante servante de l’église et vierge pure qui ne s’offre qu’à son mari)[2]

Sous l’emprise espagnole, les femmes se sont retrouvées à voir leurs droits bafoués sans aucune possibilité de changer quoi que ce soit, car elles n’avaient plus aucun droit politique, que ce soit le droit de vote ou (encore moins) le droit d’être élues. Sans plus de considération qu’un animal, elles pouvaient alors être vendues en paiement de dettes, devaient être accompagnées d’un chaperon si elles sortaient dans la rue avec un homme, n’avait aucun droit à l’éducation, n’avait que la possibilité de se marier et d’enfanter pour avoir un minimum de considération sociale. Les hommes seuls menaient le pays et la société. Elles acquièrent pourtant le droit de vote en 1937.

Toutefois, c’est à la mort d’Aquino, leader de l’opposition politique du Président Marcos que les femmes prirent conscience de leur condition, ce qui les a amenées à prendre du recul et à se rendre compte de la misère sociale qui était la leur. Peu à peu, elles recommencèrent à s’intéresser à la vie politique, comme après des années de léthargie ou de coma. Cela a pris surtout naissance en 1995, avec la Déclaration de Beijing aux Nations-Unies, prise lors la 4ème Conférence des femmes qui a renversé la tendance en encourageant la participation des femmes en politique. Un rapport de 2005, les Nations-Unies ont vérifié l’application de cette déclaration et il est apparu qu’aux Philippines, les femmes avaient pris une part active dans la vie politique du pays (30% de participation au gouvernement tous postes confondus)[3].

Il faut néanmoins souligner que ces femmes n’accèdent pas au pouvoir avec pour seul but la reconnaissance des droits de la femme. Ce ne sont pas des féministes en puissance, elles dirigent pour le bien-être de la  société en général. Des dispositions spéciales pour la gent féminine ont été malgré tout prises comme le Code de la Famille en 1987 (divorce civil, fin de la pénalisation de l’adultère féminin), ou la mise en place de sièges électoraux spécialement créés pour les femmes.

Aujourd’hui on peut compter deux femmes présidentes : En 1986, Corazón Aquino, et l’actuelle présidente Gloria Macapagal-Arroyo. Le Congrès compte 17% de députées. Il y a, de plus, 19% de gouverneures feminines (2001) contre 2,9% en 1992. On est encore loin du but de 30% pour chaque institution posé par la Déclaration de Beijing mais on s’en rapproche de plus en plus. Les Philippines est le pays d’Asie du Sud-est qui a connu le plus grand développement de la femme sur la scène politique.

Cependant, il existe encore des différences entre politiciens et politiciennes, montrant que la tradition a tout de même la dent dure : les femmes sont très souvent mariées, et ont entre 60 et 65 ans, âge où leurs enfants sont devenus autonomes. De plus, elles ont souvent tendance à suivre les traces de leurs conjoints (comme Corazón Aquino, veuve de Benigno Aquino). Il faut qu’elles aient mené une vie des plus conventionnelles afin de pouvoir s’émanciper et apparaître dans la vie publique et plus spécialement, politique.

Bibliographie

 

Political Empowerment of women, Dr. Gabriele Bruns

Report on Regional Workshop Towards Women’s Political Empowerment Economic and social commission for Asia and the Pacific, 26-29 October 1999 Bangkok

The political role of southeast Asian Women, A. Raksasataya (Annals of the American academy of political and social science, 1968)

Women and politics in the Philippines, Patria C. Agustin (Journal of Feminist Studies in Religion, Vol. 3, No. 2, Indiana University Press)

Women’s Political Role on Rise in Philippines, Angilee Shah

http://www.international.ucla.edu/asia/article.asp?parentid=31539


[1] The political role of southeast Asian Women, A. Raksasataya (Annals of the American academy of political and social science, 1968)

[2] WOMEN AND POLITICS IN THE PHILIPPINES, Patria C. Agustin (Journal of Feminist Studies in Religion, Vol. 3, No. 2, Indiana University Press)

[3] Women’s Political Role on Rise in Philippines, Angilee Shah

http://www.international.ucla.edu/asia/article.asp?parentid=31539

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