Les femmes giraffes: Tourisme vs. Éthique

Par Mercedes Lussier-Trépanier

La région du sud de la Birmanie et du Nord de la Thaïlande est l’une source des plus importante de diversité ethnique de ce monde. Ces montagnes aux paysages tropicaux renferment, une multitude de tradition et de croyance différentes. Nous pouvons bien sur parler des Môns, des Karens, les Kachins et des Shans, mais ces minorités ethniques « dominantes » sont en fait subdivisées en sous-ethnies qui elles aussi sont divisées, en d’autres sous-groupes selon les régions où elles habitent. L’une dont on entend souvent parler en Occident est la tribu des Padaung; la tribu des femmes girafes. Ces femmes qui portent une quantité importante d’anneaux de couleur or autour de leur cou, depuis leur plus jeune âge, sont pour l’Occident d’un attrait spectaculaire. Qui n’a jamais dans sa jeunesse étudiée attentivement et une curiosité, les photos de ces femmes étranges dans le National Geographic un dimanche après-midi lorsqu’il pleuvait? Ces femmes long cou font partie de l’ethnie Karens, principalement situés dans le sud de la Birmanie. Les Karens se divisent en deux sous groupes ethniques distincts; les Karens birmans et les Karens Môn. La population karen birmane réside dans les montagnes de la frontière birmano-thaïlandaise et les Môn dans le delta de Tennesserim en Birmanie. « Parmi eux, il  convient de classer les Padaungs, dont une communauté importante habite dans le sud de l’État de shan; ils sont connus en Occident grâce à la réputation de leurs femmes surnommées femmes girafes à cause des anneaux qu’elles portent autour du cou pour l’allonger » [1] Ainsi, plusieurs organismes qui défendent les droits de la personne sont impliqués, depuis quelques années, pour défendre les droits de ces femmes qui sont relocalisées dans le nord de la Thaïlande dû aux pressions de la junte birmane. En effet, quelques familles ont été déportées par la junte en bordure du lac Inle afin de relancer l’attrait touristique de la région. La Thaïlande du Nord est devenue un important carrefour touristique, où ces dernières années, diverses formes d’infrastructures se sont développées comme résultat direct du tourisme. Dans un article du journal Washington Post, Amit R. Paley, raconte son voyage dans la jungle de Chiang Mai en Thaïlande à seulement 50 kilomètres au sud des frontières birmanes, celui-ci nous divulgue les témoignages de femmes girafes qu’il a rencontrées. Premièrement, il faut comprendre d’où vient cette tradition de mettre des anneaux autour du cou des femmes. Et bien, cette tradition provient de croyances spirituelles. Les femmes padaungs seraient des anges dans leur vie antérieure et les mâles chasseurs (humains) ayant vu ces magnifiques créatures, les auraient attrapés avec des anneaux pour les amener sur terre près d’eux. C’est ce que raconte Nae Naheng, 52 ans qui dit ne jamais enlever ses anneaux, que brièvement sous la douche une fois par année, car sinon elle se sent malade et triste. Elle affirme aussi que si une femme au long cou enlève ses anneaux elle tombera malade ou encore elle peut en mourir. Plus loin dans l’article, le chef du village, Nanta Asung dit au journaliste que les femmes doivent porter le costume traditionnel parce que c’est la tradition, mais il parle aussi du fait que ceci permet d’attirer les touristes. Le fait d’adhérer à cette industrie du routisme provient simplement de l’instinct de survie, celui-ci étant la seule source de revenu du village et que les 30 000 de dollar par année qu’elle génère l’industrie du tourisme est essentiel pour la survie du village. Ainsi, si les touristes cessent de les visiter, ils migrer vers le village simulé des femmes long cou. Ce village créé artificiellement par les autorités thaïlandaises, près de Chaing Mai (la 2e ville la plus populeuse), est la résidence de près de 12 femmes girafes entassées dans 50 mètres carrés autour de vieux « shacks », où les touristes doivent payer environ 10$ pour y entrer et constater la vie « traditionnelle » de ces femmes. L‘attrait touristique de cette étrange coutume est jugé malsain et dévalorisant par de nombreuses organisations non gouvernementales et celles-ci militent activement pour faire réaliser aux touristes qu’ils encouragent le délit des droits de la personne dont sont victimes les Padaungs en continuant d’aller visiter ces « faux » villages. Souvent réfugiées politiques de Birmanie, les femmes sont exposées comme des bêtes curieuses dans des villages reconstitués en Thaïlande où les touristes payent un droit d’entrée et photographient des « scènes de la vie quotidienne ». Il n’y a aucun homme qui y vit, les pères de famille sont en périphérie de la cité et les femmes n’ont pas le droit d’en sortir. Les familles ne gagnent en général que 45$  par mois pour leur « travail » qui consiste à se faire prendre en photos et à être observé comme des animaux de zoo par les touristes, 365 jours par année, sept jours sur sept. Les denrées essentielles (comme la nourriture, les produits de toilettes et les vêtements) sont apportées une fois par jour par motocyclette, par l’entrepreneur qui dirige le commerce découlant des femmes girafes. Malgré ce style de vie ennuyeux et opprimant, Mamombee jure :« I would much rather be here than in Burma »[2]. La problématique de ces minorités est dans cette phrase, les familles choisissent la moins pire des deux options qui s’offrent à eux : soit se faire exploiter par l’industrie du tourisme et avoir un minimum de revenu ou bien tenter de survivre dans les montagnes birmanes où la junte militaire ne cesse de les opprimer physiquement et psychologiquement, car pour eux « les minorités ethniques sont, par définition, considérées comme rebelles au régime Myanmar »[3] . Finalement, la question éthique qui émerge de la situation des femmes au long cou est à savoir si l’on doit en tant qu’Occidentaux retenir nos pulsions de voyage exotique d’aventure pour tenter de faire tomber cette industrie du tourisme qui bafoue les droits l’homme, où se dire qu’une fois de plus ou de moins, cela ne changera rien à la situation des femmes girafes.

Vidéo sur femmes girafes :

http://www.youtube.com/watch?v=KdPy4XeU9Ew

Bibliographie

Cohen, Erik.2008. Southeast Asian ethnic tourism in a changing world. Hong Kong : Asian Anthropology.

Coudry, Jean-Claude. 2004. Birmanie la mosaïque inachevée. Paris : Éditions Belin.

Gallaire, Jean-Sebastien. 2004. « Le tourisme des femmes-girafes ». En ligne. http://www.hermaphrodite.fr/article461.

Michel, Frank. 1995. En route pour l’Asie : Le rêve orientale chez les colonisateurs les aventuriers et les touristes occidentaux. Paris : L’Harmattan.

Paley, R. Amit. 2009. « Peening Tourist ». The Gazette (Montreal), 17 octobre: H1-H2

Wintel, Justin. 2007. Perfect hostage. New York : Skyhorse Publishing.


[1] Jean-Claude Coudry, Birmanie la mosaïque inachevée (Paris : Éditions Belin, 2004), 24.

[2] Amit R. Paley, « Peeding tourists », The Gazette 17 octobre (2009), H1-H2

[3] Gallaire, Jean-Sébastien. Le tourisme des femmes-girafes. En ligne.

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