Par Guillaume Lévesque
En 1986, à l’occasion du sixième congrès du parti communiste vietnamien, est établie une réforme économique appelé Doi Moi. Celle-ci vise à permettre et même promouvoir l’économie de marché au Vietnam(1). Cette réforme fut établie suite aux mauvaises conditions économiques dans lesquelles le pays fut plongé durant la période suivant l’unification (1975-1979)(3). Aujourd’hui, malgré les changements concernant la doctrine économique, le pays reste dirigé par un gouvernement communiste à parti unique. Cependant, quels sont les changements socio-économiques produits dans la société vietnamienne depuis l’introduction de la politique du Doi Moi ?
Tout d’abord, il serait important de comprendre les causes ayant résulté à l’adoption du Doi Moi. Le pilier économique du Vietnam était depuis l’époque coloniale, Ho Chi Minh Ville (Saigon). À la réunification du pays, la ville avait déjà atteinte un niveau de prospérité économique plus élevé qu’au Nord-Vietnam. Cela déstabilisa en quelque sorte le système d’économie planifiée présent au nord et fut l’un des facteurs déterminant à l’adoption du Doi Moi. Mais plusieurs autres facteurs furent importants comme :
« l’échec à mettre en œuvre le processus de planification et la faiblesse dans la mise en valeur des potentialités économiques de l’État »(6).
Concrètement, La détresse de la population ayant constamment à subir des pénuries, des famines et seulement aidé par les autres pays du bloc de l’Est fut aussi un facteur déterminent à l’adoption du Doi Moi.
Les effets du Doi Moi ne tardèrent pas à se faire sentir. De 1990 à la crise asiatique de 1997, la croissance économique est supérieure à 8%. La croissance diminue de 5.8% en 1997 et de 4,8% en 1998 et 1999. Aujourd’hui, le gouvernement vise à stabiliser la croissance du PIB à environ 8%. Dans certains domaines, le pays demeure très compétitif. Notamment, il fait partie des cinq premiers exportateurs de café, de riz, de poivre et de cajou. Malgré ces faits encourageants, le Vietnam reste un pays relativement pauvre. Selon le rapport des Nations unies concernant l’Indice de développement humain (IDH), le Vietnam se classe à la 116ème place sur 182 pays(4). De plus, le salaire annuel moyen n’est que d’environ 320 dollars. Cette faible moyenne est entre autre dû à l’écart considérable de richesse entre la population citadine et la population rurale qui compte 57% de la population, mais seulement 20% du PIB (2). Avec la crise économique de 2008, ces écarts de richesse risquent de s’accentuer, car le pays dépend surtout de l’exportation.
Durant la période précédent la réunification du pays, Nord-Vietnam avait établi la gratuité de l’éducation, la gratuité des soins de santé et le système de coopérative agricole. Aujourd’hui, certaines de ces mesures socialistes furent abandonnées. Le système de santé bien qu’encore géré par l’État, n’est plus gratuit. Pour des soins de santé complexes, les Vietnamiens doivent se tourner vers des services hospitaliers privés qui sont généralement très couteux. L’éducation reste encore gratuite, mais l’État ne dispose plus des mêmes ressources financières et de plus en plus pour les études supérieures, les Vietnamiens se tournent vers le privé. De plus, «l’État ne parvient plus à faire vivre une structure éducative capable de se réformer» (1). Encore une fois, cela crée de nombreuses inégalités entre les classes sociales. Certains paysans ainsi qu’une bonne partie des minorités ethniques montagnardes ont de la difficulté à obtenir un confort minimum tandis qu’à Hanoi et Ho Chi Minh Ville les jeunes de la classe moyenne et aisée ne sortent pas sans leurs téléphones cellulaires et leurs scooters. Pour l’instant le but premier du parti communiste vietnamien est la croissance économique du pays et il ne peut qu’en partie offrir des services à la population qui doit maintenant se tourner vers les services privés.
Credit photo 1: http://www.travelvivi.com/wp-content/uploads/2009/09/Hanoi-.jpg
Aujourd’hui, la position économique du Vietnam ressemble à celle de ses voisins du sud-est asiatique dans la mesure où le pays s’intègre dans une économie de marché globale dans laquelle le système capitaliste est dominant. « Certes, l’État vietnamien a renoncé à tout programmer et diriger, mais il intervient encore de façon importante si ce n’est pas décisive »(5). Le pays est marqué par un haut taux de croissance et une exportation de riz importante, mais aussi par de nombreuses inégalités sociales. Comme le reste de l’Asie, le pays est frappé par la crise économique actuelle. Enfin, il reste à savoir si le Vietnam va sortir de la crise rapidement et si la croissance va continuer au pays de l’économie socialiste de marché.
- Chéron, Bénédicte. 2009. Le Viet Nam, des blessures de l’histoire à l’Asie du XXIème siècle. Paris : Éditions du Jubilé.
- Dorvert, Stéphane, Benoit de Tréglodé. 2004. Viet Nam contemporain. Paris : les Indes Savantes.
- Abuza Zachary. 2001. Renovating politics in contemporary Vietnam. Londres : Lynne Rienner.
- ONU. 2009. Rapport Mondial sur le développement humain. New York. Programme des Nations Unies pour le développement
- Brocheux,Pierre .2009. Une histoire économique du Vietnam. Paris : Indes savantes
- Nguyen Xuan Oanh. 2000.The making of doi moi . the new economic policy. Ho Chi Minh Ville.