La sexualité et les femmes en Asie du Sud-Est

Par Elina Wattebled

La sexualité des femmes en Asie du Sud-est est ambivalente. Les femmes sont d’un coté souvent utilisées comme objet par les hommes à travers la prostitution et la « traite des blanches »  mais commence toutefois à mieux maîtriser cet aspect de leur vie comme on peut les voir à travers la contraception, qui prend de plus en plus d’importance dans leur quotidien.

Prostitution, cybersexe et trafic

Dans la seule région de l’Asie du Sud-Est, près de 70 millions de femmes et d’enfants ont été victimes du trafic sexuel depuis 10 ans. Environ 400 000 jeunes femmes[1] sont livrées à la prostitution.

Aux Philippines, le trafic sexuel via internet est très important et tout est fait pour le cacher aux autorités répressives. Ce trafic de femmes, souvent très jeunes, peut être mis en relation avec le problème de la prostitution enfantine. Tout cela est possible à cause de l’anonymat et de la rapidité des échanges. Les nouvelles technologies, telles que la webcam, jouent aussi un rôle important.

Ce média est aussi un passeport pour le tourisme sexuel et ce sont les jeunes filles qui en sont les principales victimes. En 2004, est apparu un forum intitulé « General principles is [sic] picking up girls »[2]. Ce forum donne des informations afin de pouvoir rencontrer des femmes pour du sexe, il explique comment et où trouver ces prostituées malgré elles. Il est partagé en deux sections : newsgroups et les chats vidéo.

Les Philippines sont aussi en tête de liste en ce qui concerne la pornographie que ce soit à travers les films, les images et les « chats en direct ». Les sites de ce type se comptent en centaines de milliers, ils concernent tant la simple pornographie que les mariages forcés avec des jeunes filles.

Cependant, le cybersexe reste le plus courant et peut se trouver dans divers lieux à travers le pays. Mais il arrive que ce soit les femmes qui sont attirées par ce « travail » car elles sont extrêmement bien rémunérées (environ 1000 $ US/mois) et cela les amène parfois à trouver un mari occidental qui pourrait l’emmener avec lui. De plus, ce type de prestation est moins dangereux (aucun contact direct avec le client) que les maisons closes.

La police se trouve souvent en difficulté pour endiguer ce problème car elle n’a pas les moyens matériels de le faire. En effet, le web est un espace si important qu’il n’est pas aisé de trouver les criminels malgré les lois qui protègent en principe ces personnes. De plus, cela se heurte au droit au respect de sa vie privée. De plus, l’Etat a du mal à distinguer celles qui ont choisi la voie du sexe rémunérateur aux esclaves sexuelles (souvent mineures).

La prostitution en devient un travail comme un autre, source de revenus pour l’Etat. On en arrive au déplorable constat que «si les choses se passent comme lors de la récession du milieu des années quatre-vingt, il y a fort à parier que, lorsqu’elles perdront leur emploi dans le secteur manufacturier et le secteur tertiaire, les femmes dont le revenu est indispensable à la famille, seront contraintes de chercher du travail dans l’industrie du sexe.»  par Mme Lin Lim, du BIT (Bureau international du travail qui est un organisme rattaché à l’ONU)[3]

Contraception[4]

Un des problèmes majeurs des femmes en Asie du Sud-est est celui de la contraception. La sexualité de la femme étant une sorte de tabou, il leur est difficile de parler de contraception ou de protection contre les IST (Infection Sexuellement Transmissible). Les femmes sont souvent mariées très tôt et on attend souvent d’elles qu’elles enfantent le plus rapidement possible. L’information est quasi-nulle ou carrément inexistante et ce sont les adolescentes qui en pâtissent le plus.

Les rôles respectifs de la femme et de l’homme est un élément crucial du problème de la contraception, l’éducation est différente, la place professionnelle est différente, les attentes de la société sont différentes. La fertilité de la femme doit être prouvée le plus rapidement possible dès lors que l’adolescente ou la jeune femme se marie. Toutefois, on peut noter qu’une majorité de femmes mariées sont au courant des méthodes de contraception modernes telles que la pilule (99% en Thaïlande par exemple), tout comme l’IUD (IntraUterine Device ou stérilet) est devenu la méthode la plus courue au Vietnam par l’intermédiaire d’une politique étatique. Le Vietnam est aussi un des pays les plus informés en matière de préservatifs, talonné de près par l’Indonésie (53%), les Philippines et la Thaïlande (85-89 %). 22% des Philippines, 43% des Thaïlandaises et 45% des Indonésiennes utilisent un contraceptif, le plus souvent dit réversible. Les méthodes irréversibles sont de moins en moins utilisées, voire utilisées de manière infinitésimale (0,5% en Thaïlande). Il se passe plus ou moins la même chose pour les méthodes traditionnelles.

Un autre problème que rencontre la contraception en Asie du Sud-est est celui de l’utilisation discontinue de celle-ci, surtout chez les adolescentes. Le manque d’éducation sexuelle se fait cruellement ressentir et c’est le facteur le plus important dans l’incompréhension des méthodes contraceptives chez les jeunes femmes. Autres facteurs : le mari et la religion qui ont un ascendant certain chez les jeunes épouses.

Toutefois, il reste que les adolescentes déjà mariées sont plus au courant que les autres. Le sexe hors mariage est tabou et peu de jeunes femmes acceptent de révéler qu’elles sont sexuellement actives avant le mariage (2% au Vietnam). L’utilisation d’un contraceptif dans leur cas est très inégale, et seuls, d’après les rares études qui ont été faites, 32% utiliseraient des préservatifs ou une contraception traditionnelle. Un cas particulier : les Philippines où 50% se protègent.

Les femmes en Asie du Sud-est sont souvent mariées très jeunes et ce n’est que rarement de leur plein gré. Elles ne peuvent jouer que deux rôles : celui de l’épouse et celui de la mère. Les carcans qui entourent cette visions sont serrés tant socialement qu’économiquement. Toutefois, la lutte étatique pour protéger ces femmes d’une patriarchie annihilante est en marche, tant dans le cas des violences sexuelles que dans celui de la contraception qui donne à la femme le choix de faire ce qu’elle veut de son corps, d’apprendre à le maîtriser.


[1] The cyber-trafficking of Filippino Girl-children : weakness of Philippines policies, Violeta A. Umali (Magasine Asian Women, volume 20, 2005)

[2] http:/www.mindanaotimes.com.ph/news/eforum/index.php?v=stopic&c=70 mais a fermé.

[3] Communiqué de presse « Essor de l’industrie du sexe en Asie du Sud-est » 19 août 1998

[4] Chiffres provenant de S. Pachauri et K.G. Santhya  Reproductive choise for asian adolescents : A focus on contraceptive beahavior (International family planning perspectives Vol. 28 n°4)

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