Thaïlande: Culture, prostitution infantile et mondialisation

Par Marie-Soleil Verville Allard

L’une des grandes caractéristiques de la mondialisation est l’accès plus facile aux autres pays, via le tourisme qui est de plus en plus présent et lucratif. En effet, plusieurs régions du monde comptent parmi leurs revenus nationaux d’importance cette activité, qui permet aux voyageurs avides d’exotisme d’aller où bon leur semble sur la planète. L’un des problèmes relevés de cette pratique, notamment en Asie du Sud-est, est l’émergence de plus en plus importante du tourisme sexuel, et de l’exploitation sexuelle des enfants. En Thaïlande, ce problème est en partie causé par la culture historique thaïlandaise, par le marché plus accessible dû à la mondialisation, mais aussi par la demande des clients d’avoir des relations sexuelles avec des personnes d’allure très jeune. Le gouvernement thaïlandais et la communauté internationale font des efforts pour lutter contre le problème, mais ceux-ci semblent être insuffisants pour régler définitivement le problème.

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L’une de causes de l’exploitation sexuelle des enfants dans cette région semble historique. En effet, avant 1865, la vente des femmes et des enfants y était légale, jusqu’à ce que le roi Rama IV impose une loi qui interdisait de vendre un enfant sans son consentement. La loi fut modifiée ensuite en 1901, puis en 1934 pour interdire complètement cette pratique. Cependant, la rapide industrialisation du pays, et la lente évolution des traditions firent en sorte que la famille a encore beaucoup de pouvoir sur les enfants, ce qui signifie que l’enfant a une obligation envers ses parents[i]. C’est ainsi que beaucoup d’enfants qui se prostituent en Thaïlande voient leur situation : ils travaillent pour la prospérité et la survie familiale.

Une autre cause de l’avènement de l’exploitation sexuelle des enfants en Thaïlande (comme dans plusieurs autres pays de l’Asie du Sud-est) est l’accès au marché, facilité par la mondialisation. Il est important de comprendre que le tourisme sexuel existe aussi principalement, car il y a une demande pour celui-ci. En effet, la loi de l’offre et de la demande s’applique au milieu de l’exploitation sexuelle des enfants en Thaïlande.

La recherche de prostituté(e)s d’apparence jeune cause aussi le problème de la prostitution infantile[ii]. En effet, beaucoup d’hommes[iii] qui participent au tourisme sexuel en Thaïlande ont une préférence marquée pour les femmes (ou les hommes), très jeunes, de petite taille, et avec des caractéristiques prépubères (par exemple, l’absence de poils sur le corps).[iv]  Ces traits, que l’on retrouve fréquemment chez les jeunes femmes thaïes (même si elles sont majeures), sont aussi les traits qui seraient associés à de jeunes enfants. Une autre raison de la recherche de quelqu’un qui a une apparence jeune a aussi rapport avec la peur des maladies transmises sexuellement. Plusieurs touristes croient (souvent à tort) que plus la personne est jeune, moins il y a de risque d’attraper une MTS. Ainsi, plusieurs analystes s’entendent pour dire que plusieurs clients seraient incapables de faire la différence entre une prostituée d’âge légal (18 ans et plus), et une prostituée de 16, 15, 14 ou même 13 ans. Le fait n’est donc pas que ces gens participent consciemment à l’exploitation sexuelle de jeunes enfants, mais qu’ils encouragent la recherche de ces critères dans la sélection des prostitué(e)s par les tenanciers de bars, les proxénètes, etc.

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Crédit photo : http://newsimg.bbc.co.uk/media/images/45222000/jpg/_45222476_stop-child-porn-manila466x3.jpg

Mais que fait le gouvernement thaïlandais pour contrer ce problème? Serait-il prêt à prendre des mesures coercitives, et ainsi réduire une partie importante de l’industrie qui lui rapporte 6,7 % de son PIB[v] ? Selon le HumanTrafficking.org, plusieurs rapports, provenant notamment des États-Unis, établissent que le gouvernement thaïlandais ne prend pas assez de moyens pour régler le problème de l’exploitation sexuelle (dont celle des enfants). Le gouvernement fait des efforts réels pour lutter contre le problème en ajoutant de nouvelles lois contre le trafic humain et le droit des enfants et en signant des accords avec d’autres pays de l’Asie du Sud-est comme le Laos et le Cambodge qui connaissent le même problème. Plusieurs pays occidentaux s’entendent cependant pour dire que les autorités thaïlandaises ne luttent pas assez efficacement contre l’exploitation sexuelle et le trafic humain sur son territoire. Certains officiels gouvernementaux seraient même soupçonnés de participer au trafic humain[vi].

De plus, le marché de l’exploitation sexuelle des enfants en Thaïlande est caractérisé par l’avènement d’un outil propre à la mondialisation que tout le monde utilise chaque jour : l’Internet. En effet, la Thaïlande a été classée 5e productrice de pornographie infantile[vii] en 2006. Ces sites sont produits par des étrangers ainsi que par des Thaïlandais. Cette industrie se présente aussi comme très lucrative, et est aussi de plus en plus difficile à punir, car les producteurs sont souvent plus difficiles à repérer. Malheureusement, plusieurs organismes s’entendent pour dire que le gouvernement thaïlandais est mal équipé pour faire ce type de lutte, qui demande des ressources et des forces policières spécialisées.

Qu’en est-il de la communauté internationale? Car, en contexte de mondialisation, il est logique de s’attendre à des actions communes des pays pour éradiquer les problèmes qui nuisent à leurs populations. Plusieurs pays ont pris des mesures coercitives à l’intérieur de leurs frontières pour punir les gens trouvés coupables d’abus sexuels sur des enfants lors de voyages à l’étranger. De plus en plus de gouvernements et d’organismes non gouvernementaux travaillent à la sensibilisation du problème de l’exploitation sexuelle des enfants, autant en Thaïlande que dans les autres régions de l’Asie du Sud-est, et aussi partout où ce problème est présent.


[i] Jeremy Seabrook, Travels in the Skin Trade.  Tourism and the Sex Industry, (Londres: Pluto Press, 2001), 147-149.

[ii] On exclut ici le problème des pédophiles qui profitent du tourisme sexuel pour assouvir leurs désirs. Cette catégorie de clients est par contre souvent décrite comme moins importante.

[iii] Le tourisme sexuel est, en effet, surtout associé aux hommes. Différentes recherches sur le tourisme sexuel fait par les femmes ont été menées, mais montrent toujours que la plus grande partie des touristes sont masculins.

[iv] Heather Montgomery, «Buying innocence : child-sex tourists in Thailand», Third World Quaterly 5 (2008), 903-917.

[v] Diethelm Travels, « Thailand Tourism Review », (2007) En ligne. http://www.bangkokpost.com/tourismreview2007/10.html, (page consultée le 25 octobre 2009).

[vi] États-Unis, Bureau of Democracy, Human Rights, and Labor, Human Rights Report: Thailand, (États-Unis : Departement of State, 2006).

[vii] ECPAT International, Global monitoring: Report on the status of action against sexual exploitation of children – Thailand, 2006, p.12.

Bibliographie

Diethelm Travels, 2007, Thailand Tourism Review, En ligne. http://www.bangkokpost.com/tourismreview2007/10.html, (page consultée le 25 octobre 2009).

ECPAT International, 2006, Global monitoring: Report on the status of action against sexual exploitation of children – Thailand, Bangkok: ECPAT International.

États-Unis, Bureau of Democracy, Human Rights, and Labor, (2006) Human Rights Report: Thailand, États-Unis : Departement of State.

Montgomery, Heather, 2008, «Buying innocence: child-sex tourists in Thailand», Third World Quaterly 5 (no.29) : 903-917.

Seabrook, Jeremy, 2001, Travels in the Skin Trade.  Tourism and the Sex Industry, Londres: Pluto Press.  

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