Singapour, une économie influencée par la diaspora chinoise?

Par Ève Lortie-Fournier

En détenant 47,31 % du produit intérieur brut [1], les entreprises chinoises de Singapour démontrent que l’économie de Singapour est dominée par la diaspora chinoise. L’immigration chinoise à Singapour a eu beaucoup d’impacts sur cette cité-État. Plus précisément, les valeurs véhiculées en Chine se sont déplacées avec les immigrants pour construire une partie des valeurs singapouriennes. Les valeurs que les immigrants chinois ont apportées avec eux ont influencé les valeurs singapouriennes.

En Asie du Sud-Est, le commerce entre les pays a commencé avec l’arrivée de colons. Les déplacements entre Singapour et la Chine sont fréquents pour les commerçants chinois. À Singapour, la diaspora chinoise commence vers 1819 avec la fondation d’un établissement commercial britannique, par Thomas Stamford Raffles. Cet établissement a augmenté le nombre de plantations de cachou et de poivre. Des ouvriers agricoles, des cultivateurs et des commerçants chinois s’installent massivement dans de nouvelles plantations. Par la suite, les Chinois s’installent définitivement à Singapour et ils se créent des commerces. Les immigrants amènent leur famille avec eux [2] [3].

Bien que des Malaisiens et des Tamouls se soient établis à Singapour, les Chinois restent les plus influents et les plus nombreux. Le confucianisme est une école de pensée très populaire en Chine. Le développement économique de Singapour sera très influencé par cette idéologie. En fait, celle-ci véhicule des valeurs telles que de travailler fort, le désir d’apprentissage, l’harmonie et la famille [4]. Les individus doivent se recentrer vers leur famille ce qui mène à l’harmonie, au consensus, à la confiance et à la responsabilisation [5].

En suivant cette idéologie, la communauté chinoise s’est rapprochée et unifiée à l’intérieur de la cité-État. Des associations chinoises ont été créées ce qui a permis aux Chinois de s’entraider. De cette façon, les Sino-singapouriens ont établi des institutions chinoises, à l’intérieur des frontières singapouriennes. Par exemple, la création de banques et de commerces leur a permis de se faire une place au sein de la cité-État. Les valeurs confucéennes ont amené les Sino-singapouriens à s’unifier pour créer des commerces. À l’intérieur de leur commerce, ils font travailler leur famille. Cela leur permettait de garder un contrôle et de toujours avoir un support [4].

La conservation des valeurs chinoises à Singapour a été possible grâce à la création des écoles basées sur l’éducation en chinois et l’intégration de leurs valeurs. En effet, les Chinois s’installent en permanence à Singapour et les générations reprennent les entreprises familiales [5].

Il est à noter que les Chinois n’auraient pu transformer l’économie sans les politiques coloniales. En fait, ces dernières pour l’ouverture de commerce étaient très strictes. Il fallait s’y soumettre pour réussir économiquement, à Singapour. Les Sino-singapouriens se sont donc adaptés à ces politiques pour créer leurs banques et leurs entreprises. Ils se sont démarqués économiquement des étrangers et même des Singapouriens, dès la colonisation [2].

L’exportation de produits singapouriens vers la Chine et en Asie du Sud-Est est explicable par la diaspora chinoise établie à Singapour. Pendant la période coloniale, ils étaient des intermédiaires entre les grandes compagnies de l’Ouest et l’économie locale [2]. Ce rôle leur a permis d’apprendre les lois du marché et les techniques de manufacture. De plus, cela leur permettra de construire des relations commerciales et des réseaux financiers à travers l’Asie [6]. L’expérience du commerce pour les Chinois a modifié leur attachement aux valeurs confucéennes. Ils ont réalisé une sorte de globalisation de l’économie. Les entreprises familiales se sont donc transformées en corporations familiales. Ces dernières sont en fait des associations entre d’anciennes entreprises familiales et la collaboration d’amis de famille au sein de la nouvelle entreprise. Ce nouveau type d’entreprises leur permettait d’avoir plus d’impacts sur l’économie mondiale. L’économie de Singapour est alors passée d’une économie locale à une économie internationale [4].

Le développement de la communauté chinoise à l’intérieur de Singapour a permis à la ville de devenir un exportateur important. De plus, le commerce entre Singapour et la Chine est essentiel à la compréhension de l’expansion économique de la cité-État. Durant le régime communiste, la Chine échangeait énormément de produits avec Singapour qui est devenu le principal importateur en raison des pressions internationales envers le communisme chinois. Les hommes d’affaires sino-singapouriens qui connaissaient les valeurs de la Chine ont tiré profit de leur héritage. Depuis la chute du communisme, Singapour reste le sixième pays importateur de la Chine qui est le premier importateur de Singapour. Ces relations ont permis à Singapour de devenir une puissance économique dans l’Asie du Sud-Est [6].

L’apport de la diaspora chinoise à l’économie de Singapour est considérable. Que se soit par l’entremise des valeurs héritées ou des contextes mondiaux dont ont tiré profit les Sino-singapouriens, la diaspora chinoise a permis d’une certaine manière de façonner l’économie de cette cité-État. Ce qui n’est pas arrivé sans créer des tensions. Mais cela c’est une autre question.

 

Bibliographie

[1] Daniel Haber et Jean Mandelbaum, La revanche du monde chinois ? (Paris : Édition Économica, 1996).

[2] Lynn Pan, (dir.),   Encyclopédie de la diaspora chinoise (Paris : Les Éditions du Pacifique, 2000).

[3] Maurice Freedman et Majorie Topley, « Religion and Social Realignment among the Chinese in Singapore », Journal of Asian Studies, 21 (1961) 3-23.

[4] Gordon C. K. Cheung, « Chinese Diaspora as a Virtual Nation: Interactive Roles between Economic  and Social Capital », En ligne. http://web.ebscohost.com/ehost/pdf?vid=2&hid= 111&sid=f01e6055-fcc2-4101-8091-ef54674ec6ce%40sessionmgr111 Political studies 52 (2004), 664-684. (Page consultée le 6 octobre 2009)

[5]  Kwok Bun Chan et See Ngoh Claire Chiang, « Cultural values and immigrant entrepreneurship : the Chinese in Singapore », En ligne. http://www.persee.fr/articleAsPDF/remi_0765-752_1994_num_10_2_1409/article_remi_076 50752_1994_num_10_2_1409.pd f?mode=light Revue européenne des migrations internationales 10 (1994),  87-117, (page consultée le 6 octobre 2009).

[6] Heidi Dahles, « Venturing across borders: investment strategies of Singapore-Chinese Entrepreneurs in Mainland China » Asian journal of social science 32 (2004) 19-41.

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