par Alicia Mersy
Les images de la révolte Safran au Myanmar, images de moines vêtus de tuniques orange ont déjà fait le tour du monde plusieurs fois. Le 15 août 2007, en pleine période de saison des pluies, le régime militaire birman décide de hausser le prix de l’essence et du gaz naturel ce qui plonge le pays dans une crise socio-économique. Rapidement, des militants et des moines bouddhistes descendent dans les rues de Rangoun et autres villes de Birmanie et défient publiquement les militaires. Suite aux protestations, Le Myanmar se voit coupé du monde; les lignes téléphoniques et internet ne sont plus accessibles. Sur place, les autorités opèrent une répression brutale qui coûtera la vie à plusieurs personnes. Comment expliquer que des revendications exprimées pacifiquement aient généré une telle violence de la part du régime militaire?
La population était sous le choc car les religieux, habituellement silencieux et sages ont pris part à la manifestation contre le régime pour démontrer leur solidarité au peuple. Les moines ont une grande emprise spirituelle sur la population, leur engagement a donné une crédibilité à la révolte populaire et a encouragé encore plus de gens à manifester. Les manifestations ont duré deux semaines et elles comptaient environ 30 000 moines et 70 000 civils. Après quelques jours, elles ont été violement réprimées. Selon Amnistie Internationale, « au moins neuf personnes, huit manifestants et un journaliste japonais ont trouvé la mort lors de l’intervention des autorités, un chiffre, qui, de l’avis général est bien inférieur à la réalité ». Pagodes et monastères sont depuis sous haute surveillance, les moines sont menacés d’emprisonnement à vie par les autorités.
On a surnommé ces évènements de 2007, la «Révolution Safran » à cause de la couleur des costumes des bonzes (moines). Ces manifestations avaient pour but de réclamer la baisse de prix des produits de matières de première nécessité. Les premiers à se mobiliser, avant les moines furent la Ligue Nationale pour la Démocratie (LDN), un parti politique birman fondé en 1988. Leurs manifestations ne mèneront à rien. Cependant, les autorités ont maintenu leur position.
L’impact de ces hausses sur la société est sévère, entre autres, le transport en commun devient inaccessible et la hausse des aliments de bases (lait, charbon, thé, + 30% du prix du riz) est vertigineuse. Les manifestations auront duré que deux semaines, la révolte passe, tout revient à la normale.
Le Myanmar est considéré par certains comme une dictature militaire depuis la prise de pouvoir de Ne Win en 1962. La liberté de presse et les droits de l’homme ne sont pas respectés. Le régime est contesté et la population est soumise à des pressions politiques. Si en apparence, les bonzes ont pris part aux manifestations de septembre 2007 à cause de leur désaccords face à la hausse du prix de l’essence et du diesel, ils se battaient en fait pour que les droits de l’homme soient respectés et pour réclamer un régime démocratique. “Leur protestation ne portait en apparence que sur l’augmentation du prix de l’essence et du diesel, arbitrairement décidée par un régime militaire sans scrupules. Mais au fond, il en allait du respect de la dignité humaine, des droits humains, et de tout le reste.” (http://www.amnesty.ch/fr/actualite/magazine/51/birmanie-myanmar).
Thomas Ojea Quintana, rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme au Myanmar affirme qu’ « [I]l faudra des générations pour instaurer une démocratie, mais en attendant je voudrais relever quatre éléments qui peuvent nous servir de repères, pour ouvrir la voie à la démocratie. Il s’agirait de revoir et d’amender les lois nationales pour les mettre en conformité avec les normes internationales des droits de l’homme et les dispositions de la nouvelle Constitution, de libérer progressivement tous les prisonniers de conscience, de réformer les forces armées et de les former aux droits de l’homme et de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire ». (http://www.amnesty.ch/fr/actualite/magazine/51/birmanie-myanmar)
La communauté internationale dénonce l’usage de la force par les autorités birmanes. Les États-Unis et l’Union Européenne ont tenté de renforcer leurs sanctions contre le régime mais sans succès. Nicolas Sarkozy affirmait d’ailleur que « La France n’acceptera pas que l’opposition birmane soit muselée ». (http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=58).
Reste que la Chine et la Russie considèrent que cette révolution est une affaire interne, car elle n’est pas une menace à la communauté régionale ou internationale. Considérant la situation géographique du Myanmar, il joue un rôle tampon entre la Chine et l’Inde. En passant par le Myanmar, la Chine peut s’épargner un long détour en mer de Chine ainsi que le passage du détroit de Malacca, qui peut être dangereux. Ces deux puissances mondiales préfèrent ne pas prendre parti dans cette affaire à cause de la junte militaire fortement établie au Myanmar. L’Occident n’a pas avantage à intervenir au Myanmar car ses investissements économiques sont moindres et la junte birmane n’accepte aucune ingérence dans ses affaires intérieures. Pour les militaire de la junte au pouvoir, la révolte des moines était perçue comme téléguidé par des idéologies de l’extérieure. « Derrière les protestations des moines bouddhistes de ces jours derniers se dissimulent des manœuvres occidentales pour déstabiliser le Pays, afin de s’emparer de ses ressources et d’y installer un régime “démocratique”, plus favorable aux intérêts financiers et économiques de l’Occident ». (http://www.no-media.info/17/focus-apres-la-revolution-orange-la-revolution-safran)