Par Benjamin Labrecque
Le gouvernement thaï a récemment mis en place (de 1997 à 2001) le Master Plan qui comprend le développement des communautés des hautes terres, l’environnement et le contrôle des narcotiques dans la région montagneuse du nord. Les principaux objectifs du Master Plan était de donner la citoyenneté au plus grand nombre possible de gens des tribus des montagnes, d’établir des zones d’utilisation de la terre, fournir une administration gouvernementale plus efficiente des hautes terres ainsi que de faciliter la participation des montagnards dans le processus développemental à l’intérieur duquel une conscience environnementale (de préservation de la forêt) serait mis de l’avant [1].
Ce programme gouvernemental s’est déroulé sous le RFD (Royal Forest Department) qui contrôle actuellement d’énormes surfaces de terres dans les montagnes du nord. Il y a vingt ans seulement, le RFD clamait posséder déjà 31 sanctuaires naturels (2 470 054 hectares) et 22 parcs (1 136 543,5 hectares). Si la politique nationale forestière était pleinement suivie et par le fait même accomplie, 1 048 566 hectares additionnels seraient désignés comme des forêts préservées (conservées) [2]. Cela a pour effet direct de restreindre la surface de terre disponible pour les minorités des hautes terres.
Paradoxalement à cette conservation de la forêt, le gouvernement thaï encourage la déforestation qui est également nuisible aux autochtones. En effet, un directeur du Centre de Recherche sur les Tribus des montagnes écrivait déjà (en 1981) que « le principal problème des tribus montagnardes est la déforestation ayant lieu avec l’accord tacite de gouvernement » [3]. Il présentait ensuite l’information montrant que la déforestation était plus rapide dans le nord-est et qu’un large pourcentage de celle-ci était du aux coupes illégales des entreprises privées. Toutefois, à cause de leur pratique de la culture sur brûlis le gouvernement thaï est plus prompt à blâmer les tribus montagnardes [4]. Historiquement, la foresterie est un important facteur dans le développement du pays et de la construction de la nation, si bien que l’État thaïlandais ne veut pas mettre les compagnies forestières en cause.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’histoire des forêts en a été une d’accaparation progressive des terres rurales par l’État. Dès 1941, le Forest Act déclarait certaines zones comme terre d’État, et ce, sans aucun regard pour les villages (autochtones) existant [5]. En 1956, le Ministère de l’Intérieur a accru la superficie contrôlée en déclarant terre d’État toutes les terres à l’intérieur d’un périmètre de 40 mètres à partir du pied d’une montagne. Conséquemment, ces dernières ne pouvaient plus être utilisées par les autochtones [6]. En 1964, avec le Reserved Forest Act, l’État thaïlandais accentua encore plus le sentiment d’aliénation des tribus montagnardes en s’accaparant la majeure partie des ressources disponibles dans les hautes terres où ils habitaient [7]. Entre 1962 et 1977, l’espace utilisé pour les cultures agricoles dans le pays augmenta de 500% et la valeur des récoltes se multiplia par huit, faisant augmenter la valeur des hautes terres [8]. Le gouvernement voulant augmenter son contrôle sur cette nouvelle source de richesse, la fréquence des disputes entre les tribus et le gouvernement augmenta.
Dans les années 80, le contrôle de la région montagneuse du Nord se poursuivit avec l’extension des classifications des lignes de partage des eaux (watershed en anglais) en IA (terre sur laquelle il n’est pas autorisé à l’humain d’y vivre, de pratiquer l’agriculture ou n’importe quelle culture et d’utiliser la forêt). Par ce geste, le gouvernement plaçait les tribus montagnardes comme des squatters dans leur propre foyer.
Les inquiétudes sociales du gouvernement thaï concernant les montagnards (tribus) des hautes terres ont commencé à ressembler à celles qui touche des fermiers des basses terres, c’est-à-dire que l’État à récemment commencé à prendre ces populations autochtones en considération (à se préoccuper d’eux) lors des politiques qui les concernent malgré le fait que l’État de Thaïlande tente encore trop souvent de préserver d’autres intérêts (ceux des entreprises et de la majorité de la population vivant dans les basses terres du sud); principalement à propos de la gestion de l’eau. En effet, un des buts de l’État dans sa préservation des lignes de partage des eaux des forêts des montagnes du nord est de fournir assez d’eau pour les barrages hydroélectriques produisant l’énergie nécessaire pour les réfrigérateurs et les airs conditionnés de Bangkok ainsi que comme réservoirs d’eau pour l’agriculture des rizières qui produit le riz qui est exporté pour payer les airs conditionnés, les réfrigérateurs et les automobiles de luxe de Bangkok. En somme, c’est le vieux cycle de la roue des inégalités face au pouvoir qui poursuit sa course, mais ça, c’est une autre histoire.
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[1] Gouvernement Royal Thaï. 1997. Office of the Secretariat for Policy on and Solving Problems of the Hilltribes Regarding Communities, the Environment, and Forest Destruction, 2540-2544.
[2] Wun’Gaeo, Ecological Movements and the Challenges to Sustainable Development in Thailand, 14.
[3] Wanat Bhruksasri, Hill Tribes Today: Problems in Change (Bangkok: White Lotus-Orstom, 1989), 15.
[4] Carl Spencer, « Tuenjai Deetes, porte-parole des minorités de Thaïlande », Courrier de l’Unesco 53 (2000), 49.
[5] Anan Ganjanaphan, Land Tenure in Thailand. Papier présenté à la Conférence Internationale, 1987. « Thai Studies in ASEAN: Sate of the Art », Thai Khadi Research Institute, Bangkok: Thammasat University.
[6] Id.
[7] Wun’Gaeo Surichai. 1992. Ecological Movements and the Challenges to Sustainable Development in Thailand. Center for Social Development Studies, Bangkok: Chulalongkorn University, 19.
[8] Paul E. Durrenberger, The Economy of Sufficiency (New York: Oxford University Press, 1983), 63.