Par Vo Viet-Anh
Les Vietnamiens d’Outre-mer ou « Viet kieu », ces anciens exilés et boat people de l’après-guerre ainsi que leurs descendants, sont environ 3 millions dans le monde, répartis sur tous les continents du globe. Au Canada, ils sont plus de 150 000, et plus de 40 000 à Montréal selon le site d’information montréalais Vietnamville.
Les Vietnamiens hors du Vietnam représentent une manne de capitaux incroyables pour le développement économique de la « mère patrie » [1]. De 1991 à 2005, les expatriés ont renvoyé plus de 15 milliards de dollars dans leur pays d’origine. C’est l’équivalent de plus de 60% des investissements directs à l’étranger. Toutefois, cet argent est principalement destiné à l’utilisation personnelle des familles des exilés encore restées au Vietnam et ne sont pas de réels investissements directs dans l’économie du pays.
Pour pallier à ce problème, le gouvernement communiste offre de plus en plus de programmes encourageant les expatriés à revenir dans leur pays pour y investir leur argent et développer l’économie locale. En 2003, le Ministère des Affaires Étrangères du Vietnam créa le Fund for Assisting and Mobilizing Overseas Vietnamese Communities (FAMOVC) dans le but de promouvoir la coopération et l’entraide entre les entreprises locales et les investisseurs d’Outre-mer. Les résultats sont satisfaisants (en 2004 les « Viet kieu » ont investi dans plus de 1300 projets [2]), mais le Ministère compte bien continuer dans ses efforts [3].
Le pouvoir en place fait aussi appel à la fibre nationaliste des expatriés. En 2004, le Politburo du Comité Central du Parti Communiste du Vietnam adopte une résolution affirmant que les Vietnamiens d’Outre-mer sont une partie intégrante de la nation vietnamienne et qu’ils ont un rôle très important pour le développement du pays [4].
Depuis la levée de l’embargo économique des États-Unis en échange du retrait des troupes vietnamiennes du Cambodge, le pays s’est de plus en plus ouvert sur le monde, établissant des liens économiques et diplomatiques avec ses anciens ennemis, culminant avec la visite du président Clinton en 1995. Cette atmosphère d’ouverture crée un climat favorable pour le retour d’une partie des expatriés. D’ailleurs, depuis 2007, le gouvernement offre des exemptions de visa pour certains Vietnamiens vivant dans d’autres pays, notamment le Japon et l’Australie, mais aussi la France, pour faciliter le voyage entre les pays. Cette mesure vise principalement des universitaires et investisseurs potentiels qui peuvent contribuer au développement du Vietnam avec leur expérience entrepreneuriale et leur capacité à transmettre leurs connaissances [5].
Binh Tran-Nam, professeur à l’University of New South Wales en Australie, met un bémol à l’enthousiasme des dirigeants vietnamiens. La très large majorité des Vietnamiens d’Outre-mer sont des réfugiés de guerre. Ils sont des gens ayant quitté leur pays pour fuir le régime communiste. Ces gens-là restent encore très réticents à retourner au Vietnam pour y faire des affaires pour des questions idéologiques et historiques [6]. Ceux qui le font risquent beaucoup de s’attirer les foudres de leurs communautés locales, les accusant de traitres ou de sympathisants communistes.
Le professeur Tran-Nam croit que cette tendance va à la baisse avec la montée en âge et en autonomie de la jeunesse vietnamienne d’Outre-mer. Cette génération n’est plus divisée de leur terre ancestrale par des considérations idéologiques puisqu’elle n’a pas été victime de la répression de l’après-guerre. Elle est prête à revenir pour investir leur argent dans le pays. Cependant, ce n’est pas leur argent qui importe le plus pour le Vietnam selon Tran-Nam, c’est leurs différentes habilités qui font d’eux une ressource des plus importantes [7]. C’est leur expérience de travail et surtout leurs réseaux internationaux qui vont le plus aider le Vietnam sur la route de la prospérité et de la modernité.
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[1] Tran-Nam, Binh. 2005. Mobilizing Overseas Vietnamese Human Capital to Promote Economic Growth in Vietnam. ASEAN Focus Group.
[2] Vietnam News. 2004. Viet Kieu Invest in 1300 Domestic Projects.
[3] Hai Phong Department of Foreign Affairs. 2004. Interview with Pham Gia Kim about the Importance of Overseas Vietnamese.
[4] Embassy of the Socialist Republic of Vietnam in the United States of America. 2004. Politburo Resolution reaffirms Overseas Vietnamese’s Role.
[5] Investment and Trade Promotion Center : Ho Chi Minh City. 2007. Overseas Vietnamese in Australia receive Visa Exemption Certificate.
[6] Tran-Nam, Binh. 2005. Mobilizing Overseas Vietnamese Human Capital to Promote Economic Growth in Vietnam. ASEAN Focus Group.
[7] Iidem