LES INÉGALITÉS DES CONDITIONS DE VIES URBAINES AU BRÉSIL

Par Jean-Baptiste Cubilier

Ces derniers mois, nous avons eu l’occasion de présenter à travers ces billets plusieurs inégalités que connaît la population brésilienne à différentes échelles. Celui-ci va se concentrer sur un problème d’actualité : les inégalités des conditions de vies dans les grandes villes comme Rio de Janeiro ou Brasilia. En effet, la catastrophe du 7 Avril 2010, où un glissement de terrain détruisit la grande partie d’une favelas, faisant plus d’une centaine de victimes nous oblige aujourd’hui à observer comment le gouvernement de Lula compte améliorer cette situation catastrophique, pour dans un second temps nous concentrer sur comment aller au-delà du développement comme théorie alternative au développement actuel afin de proposer une certaine efficience de la prise de décision  concernant le développement des communautés locales.

Une bulle coupée du « tissu social » brésilien

Les favelas sont aujourd’hui considérées comme des espaces de pauvreté des grandes villes. Connues à l’international comme synonyme de misère, on ne comprend pas comment est-ce possible qu’une telle situation ne se soit pas encore résolue. Certaines d’entre elles ne sont même pas faites de maisons solides mais de bidonvilles où les populations s’entassent sur le flan d’une montagne comme nous pouvons le voir sur la photo juste en dessous. Annie Gasnier nous explique dans un article du Monde comment l’intervention étatique du Président Lula s’est organisée afin de résoudre cette question. Le « Programme d’Accélération de la Croissance » (PAC) a pour but de moderniser l’intégralité du pays. Sur la question des habitations, selon cette journaliste, l’habitat devrait représenter un investissement de 114 milliards de dollars. De même : « Dans les villes, il va faire l’objet, avec le service des eaux, de multiples chantiers. La construction de 2 millions de « maisons populaires » pour réduire l’énorme déficit en matière de logement et l’extension de la distribution d’eau potable et des réseaux d’égouts, auxquels la moitié des Brésiliens n’ont pas accès » [1]. Les infrastructures, projets d’urbanisation  et projets sociaux représentent en somme environ 91 milliards d’euros selon France 24. Selon ce quotidien : « Le gouvernement Lula et l’État de Rio de Janeiro veulent se réapproprier ses territoires et réintégrer les 2 millions de favelados dans le tissu social » [2].

Cet effort d’intervention étatique pourrait produire des résultats intéressants en ce qui concerne la création d’une nouvelle structure, d’un nouvel environnement permettant non seulement de réduire les inégalités socio-économiques en accordant des conditions moins de vie moins désastreuses, mais aussi d’insister sur une nouvelle dynamique de productivité en permettant à ces communautés de s’intégrer dans la sphère économique. La question que nous devons nous poser est de savoir si ces efforts, qui, nous devons l’admettre, sont une très belle initiative de discrimination positive, vont permettre de bien répondre aux besoins des favelados? Comment le gouvernement peut-il être si sûr que chaque point du PAC correspondra parfaitement à la situation que connaissent ces individus? Ne risque-t-on pas d’assister plus à une imposition de l’intervention étatique qu’à une compréhension éclairée des besoins de chacun? Licia Valladares voit à travers cette question une réflexion « des relations entre l’État, la planification urbaine et les mouvements sociaux urbains » [3].

Favela

Crédit photo: http://leblogkodak.fr/wp-content/uploads/2010/01/Favela.jpg

Une coopération internationale serait plus efficace qu’une intervention étatique

Nous devons nous servir d’une théorie allant au-delà du développement où l’on pourrait privilégier des alternatives de développement, c’est-à-dire encourager le renforcement d’une structure déjà existante : la coopération internationale entre les Organisations de Coopération Internationale (OCI) et les communautés locales afin de répondre aux besoins jugés prioritaires par ces communautés. Certaines organisations ont-elles aussi leur rôle à jouer pour assurer le bien-être des moins favorisés? Maintenant il faut savoir que l’intervention des ONG au niveau des agglomérations remonte aux années 1970, mais si la situation dessine encore aujourd’hui certaines inégalités c’est qu’il y a nécessité de redéfinir l’action des ces OCI afin de refléter le plus possible l’efficience. [4] Les Accords de Paris de 2005 ayant entrainé comme conséquence, comme l’ont annoncé Favreau, Fréchette et Lachapelle, une diminution du financement par les États du Nord de ces ONG ainsi que leurs compétences, cela limite aujourd’hui l’impact éventuel sur le terrain de cette coopération internationale. Ces derniers auteurs présentent aussi la montée en puissance des Fondations, qui sont à l’initiative de certaines multinationales comme Rockefeller ou Gates. Disposant de dizaines de milliards de dollars, ce qui n’a jamais été le cas des ONG (et ne le sera jamais) leur possibilités d’interventions au niveau des communautés locales sont des plus importantes. Bien qu’animées par la philanthropie, ces Fondations souffrent d’un manque de légitimité pour ce qui est de leur choix d’intervention, malgré les nombreux experts travaillant pour celles-ci. Aussi il est essentiel aujourd’hui qu’un partenariat se forme entre ces deux protagonistes, chacun ayant une compétence spécifique : la possession des capitaux pour les Fondations et la connaissance du terrain pour les OCI, et surtout un intérêt commun : développer les besoins des communautés locales que ce soit en fonction de la philanthropie ou des raisons morales spécifiques à la formation de coopérations internationales.

Dans le cadre des favelas, cette association permettrait la formation d’une sphère autonome de ces quartiers où au lieu d’essayer tant bien que mal de s’intégrer à l’économie des grandes villes passerait par une période de transition où son développement s’effectuerait dans sa zone. Le développement économique ne serait plus cet essai d’implanter des racines avec la sphère économique des grandes villes afin d’essayer de fusionner avec, mais la formation d’une communauté autonome capable de se concentrer sur elle-même afin de se renforcer suffisamment pour pouvoir réduire l’écart économique avec la grande ville et s’adapter à un nouveau rythme. Il ne s’agit plus de dépendre de l’autre. Ces communautés doivent se recentrer sur elle-même afin de se développer. Et si l’association des OCI et des Fondations devient possible, alors un véritable programme d’action peut sans l’ombre d’un doute être mis en place. Une application de ce nouvel agenda des priorités créera une structure suffisamment solide pour son développement : une réorganisation de ces capacités efficaces au point, sur le long terme, d’assister à une intégration des zones métropolitaines.

En conclusion nous pouvons dire que les favelas sont confrontées à un dilemme : être directement réintégrées dans le tissu social ou se développer de façon autonome. L’avantage d’appliquer dans cette situation une alternative de développement avec la coopération internationale plutôt que de s’abandonner à l’intervention étatique réside dans le fait que les communautés locales savent mieux que n’importe qui quels sont leurs besoins les plus urgents. Les OCI sont à l’écoute de ces personnes et leur personnel devient une sorte de « pont de la compréhension », une « passerelle » agissant comme témoin à une règle qui se doit d’être appliquée à l’échelle planétaire aujourd’hui : l’auto-organisation. Et si certains sceptiques souhaiteraient remettre en question cette volonté d’auto-gestion de leur développement, alors un conseil à donner serait de visiter le site de  Community Solution Database regroupant l’ensemble des efforts effectués à Rio de Janeiro par ces communautés. Le plus important reste à éviter à tout prix de revivre les événements du 7 Avril 2010.

Références

[1] Gasnier, Annie. 2010. « Le Brésil lance un second « Programme d’accélération de la croissance » de 660 milliards d’euros sur six ans ». Le Monde (Paris), 31 mars. En ligne. http://www.lemonde.fr/economie/article/2010/03/31/le-bresil-lance-un-second-programme-d-acceleration-de-la-croissance-de-660-milliards-d-euros-sur-six-ans_1326827_3234.html (consulté le 17 Avril).

[2]

Les favelas de Rio embourbées dans une bulle de misère. 2008. France 24. Actualité Internationale. En ligne. http://www.france24.com/fr/20080801-reporters-bresil-rio-janeiro-favelas-lula-guerre (consulté le 17 Avril).

[3] Valladares, Licia. 1987. « La Recherche Urbaine Au Brésil : Bref Aperçu de son Évolution ». Cahier du Brésil Contemporain, n°1 : Recherche Urbaine Au Brésil. Pp.11-14.

[4] Favreau, Louis, Lucie Fréchette et René Lachapelle. « Les Politiques Canadiennes de Développement International et les Organisations de Coopération Internationales » et « La Coopération Internationale du Québec », Coopération Nord-Sud et développement: Le défi de la réciprocité. Montréal : Presses de l’Université du

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03

05 2010

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