LE LIBRE-ÉCHANGE EN AFRIQUE: LE CAS DU MALAWI

Par Mijail Raigorodsky

L’intégration régionale est aujourd’hui largement pratiquée par la quasi-totalité des pays dans le monde, tendance qui est très répandue dans le continent africain. En effet, on peut compter plus d’une trentaine de traités régionaux dans le continent le plus pauvre de la planète, chaque pays adhérant en moyenne à quatre traités. Ces traités sont une réponse aux vagues d’intégrations mis en avant par l’Union Européenne et son élargissement progressif, l’ASEAN et la négociation d’une Zone de Libre-Échange en Amérique. Cependant, il semble que malgré la présence de ces accords, l’Afrique est toujours dépourvue de toute croissance économique et encore plus de développement. L’analyse de ce billet va surtout se centrer  autour du cas particulier de Malawi, pays soumis sous la pauvreté extrême et membre de la Communauté de développement d’Afrique australe (ou SADC, acronyme de l’anglais Southern African Development Community), organisation regroupant 15 États, dont l’Afrique du Sud(Yang et Gupta 2005, 1). Dans un premier temps, on verra dans quelle mesure l’intégration des pays au sein du SADC est souhaitable, pour ensuite étudier ses limites.

Tel que dit précédemment, l’Afrique subsaharienne n’a toujours pas profité adéquatement de la mondialisation, malgré la création fréquente de nouveaux traités régionaux. Les États membres du SADC recherchent, à travers cet accord commercial, une opportunité de participer activement dans le marché international qui viendrait pallier la crise économique structurelle dont ils sont victimes. Cette stratégie permettrait une intégration progressive en mesure de développer les secteurs les plus faibles et par conséquent les moins compétitifs, toujours visant l’intégration mondiale au sein d’un marché  agissant  comme une sorte de protectionnisme (Flatters 2002, 1). On remarque donc que la création d’une telle association viendrait en principe rompre avec la dépendance envers les pays du Nord, mettant de côté la relation centre/périphérie au profit d’un modèle de développement basé sur les ressources nationales et la coopération régionale.

Cependant, malgré le caractère quasi utopique d’une telle proposition, la réalité de l’économie du Malawi et de la plupart des pays intégrant la Communauté de développement d’Afrique australe ne correspond pas au profil requis. Ainsi, le  »potentiel de création de commerce pour ces pays  est faible, ceux-ci ayant des structures d’échanges très semblables, important et exportant des biens similaires » (Cadot, de Melo, et Olarreaga 2000, 6). Ceci est confirmé par l’indice de complémentarité commerciale de Michaely, qui indique que les pays membres de l’ALENA (accord de libre-échange nord-américain) et ceux de l’UE-15 ont entre eux des indices de complémentarité douze fois supérieur à celui des pays d’Afrique subsaharienne, tandis que le MERCOSUR a un indice trois fois supérieur. L’intégration régionale tant préconisée au plan économique n’a donc jamais été concrétisée, d’où une stagnation évidente du développement dans cette partie du monde.

Une deuxième limite réside sur le fait que le marché du travail du Malawi (et de la plupart des États de la région) est très dépendant du secteur primaire. Une libéralisation de l’économie à part entière conduirait sans doute à une perte importante d’emplois dans le domaine agricole, l’arrivée de nouveaux produits étrangers étant à l’origine de ce problème. Ceci aurait non seulement un impact à court terme, mais risque de s’imposer aussi à long terme par le manque important d’opportunités dans d’autres secteurs: 80% des Malawites sont employés dans l’agriculture (WIIG et SELEKA, 302). Suivant les postulats énoncés ici, une révolution industrielle, qui n’a jamais été atteinte par nombreux pays de l’Afrique subsaharienne, viendrait répondre aux besoins du Malawi dans ses premiers pas vers le développement. On se trouve toujours dans une société traditionnelle suivant la théorie de la modernisation, le décollage ne pouvant être atteint qu’avec une entrée importante d’investissements étrangers comme ce fut le cas de l’Asie du Sud-Est, qui est aujourd’hui le modèle à suivre pour l’ensemble des pays en voie de développement.

De plus, le SADC est une organisation très faible, comptant  très peu de ressources, où le manque de coopération entre États se manifeste par le faible degré de flexibilité dans les politiques commerciales nationales que les États membres sont prêts à offrir. Ceci est du en partie aux fortes asymétries de tailles entre pays membres qui caractérisent la plupart des accords d’intégration régionale au niveau continental:  »le Kenya domine la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), la Côte d’Ivoire l’UEMOA, le Cameroun l’Union douanière de l’Afrique Centrale (UDAC), l’Afrique du Sud la Coopération pour le Développement d’Afrique du Sud (SDAC), et l’Égypte domine le futur Marché Commun pour l’Afrique de l’Est et du Sud (MCAES). À chaque regroupement correspond un « pays dominant » dont la présence entraîne les remarques suivantes » (Cadot, de Melo, et Olarreaga 2000, 5).

Tout ceci nous emmène à penser que l’intégration régionale en Afrique australe, qui conduirait à un développement soutenu et indépendant des pays du Sud est difficilement réalisable. C’est la raison pourquoi plusieurs auteurs favorisent un accès unilatéral à l’Union Européenne plutôt que le modèle employé actuellement, le commerce se réalisant déjà dans une plus grande mesure avec cette organisation qu’à l’intérieur même du SADC, tout en évoquant que l’économie d’Afrique du Sud n’est pas suffisamment importante pour servir comme pôle de croissance régionale (Lewis, Robinson, et Thierfelder 2003, 203).

Finalement, il est important de relever que malgré les progrès très substantiels dans la croissance économique du pays, Malawi a connu des améliorations très importantes dans d’autres domaines, dont la sécurité et la stabilité politique, mais surtout dans l’accès à l’eau potable et à l’éducation où maintenant plus de 95% des enfants comptent avec l’accès à l’éducation primaire. Ceci reflète des avancées très importantes dans le développement du pays, avancées qui ne sont pas comptabilisées dans les calculs du FMI.

Bibliographie

Cadot, O., J. de Melo, and M. Olarreaga. 2000. «L’intégration régionale en Afrique: où en sommes-nous?». Revue d’économie du développement 2: 247–261.

Flatters, F. 2002. “SADC rules of origin: Undermining regional free trade.” In TIPS Forum, Johannesburg, p. 9–11.

Lewis, Jeffrey D., Sherman Robinson, and Karen Thierfelder. 2003.  «Free Trade Agreements and the SADC Economies».J Afr Econ 12(2): 156-206.

WIIG, A., and T. B SELEKA. «Will intra-regional trade liberalisation within SADC reduce poverty? The case of Malawi».TOWARDS POLITICAL AND ECONOMIC INTEGRATION IN SOUTHERN AFRICA: 203.

Yang, Y., and S. Gupta. 2005. Regional trade arrangements in Africa. International Monetary Fund.

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05 2010

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