LA FIN DU NÉOLIBÉRALISME EN AMÉRIQUE LATINE?

Par Dominic Garant

Dans les années 1990, le néolibéralisme domine l’agenda de développement des organisations internationales. Cependant, les problèmes économiques et sociaux associés à ces politiques ainsi que les alternatives à celles-ci permettent de croire en un changement dans les rapports centres-périphéries. Dans un premier temps, ce billet présentera comment le néolibéralisme, via les organisations internationales, profita aux centres. Il montrera dans un deuxième temps comment ces politiques engendrèrent de sérieux problèmes et, par conséquent, de nombreuses protestations. Finalement, un exemple d’alternative à ces organisations sera offert.

Le néolibéralisme apparut dans les années 1980 aux États-Unis et au Royaume-Uni. Il s’étendit ensuite aux organisations internationales, c’est-à-dire le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM). Aux prises avec une crise de la dette généralisée, l’Amérique latine n’eut d’autre choix que d’accepter l’intervention de ces organisations. Afin de remédier à la crise de la dette en Amérique latine, le FMI offrit un plan d’austérité, le Consensus de Washington, qui incluait des mesures de diminution des dépenses publiques, de privatisation des entreprises d’État, de dérégulation du marché et de réduction de la masse monétaire.[1] En Amérique latine, cela signifia la vente d’entreprises nationales au profit des firmes transnationales, dont la majorité étaient originaires des centres. Celles-ci se trouvèrent donc à contrôler des secteurs-clés comme la distribution de l’eau, le transport et les banques. Au Mexique, seulement un tiers des banques étaient mexicaines après les réformes, les autres étant soit d’origine espagnole, américaine ou suisse. Ces mesures étaient supposées améliorer l’efficacité et la compétitivité des banques, et donc d’offrir des prix plus bas aux consommateurs. Mais la privatisation entraîna plutôt une hausse des tarifs et une diminution des rendements sur l’épargne,[2] nuisant ainsi grandement aux petites et moyennes entreprises et aux fermiers. Plus généralement, les gouvernements nationaux perdirent une partie de leur pouvoir de regard sur les activités des entreprises étant donné qu’elles effectuaient certaines de leurs activités à l’extérieur du pays[3]. Cette perte de pouvoir, couplée à l’ingérence des centres dans la gestion des affaires publiques des états périphériques, représente un dur coup à la souveraineté des États latinos.

Plusieurs événements relativement récents permettent cependant de remettre en cause l’avenir du néolibéralisme comme théorie et pratique du développement. Tout d’abord les problèmes économiques et financiers font douter de la capacité du néolibéralisme à stabiliser les économies nationales. La crise argentine est un bon exemple. Les réformes entreprises sous l’égide du FMI entraînèrent une crise financière et économique, poussant les gens dans les rues alors que le taux de chômage varia entre 14% et 19% entre 1997 et 2002[4]. Ces gens accusèrent le FMI non seulement de ne pas avoir su assurer un certain développement économique et une stabilité macroéconomique dans le pays mais aussi d’avoir entraîné une crise sociale et politique[5]. Un autre exemple pertinent est la bataille de l’eau en Bolivie. En 1999, pour alléger sa dette, le gouvernement bolivien céda aux pressions de la Banque Mondiale qui voulait privatiser l’eau de Cochabamba. Cela était supposé améliorer l’efficacité et diminuer les coûts. Mais dans les faits, les prix montèrent et certains perdirent l’accès à l’eau[6]. La réaction de la population fut très vive et les «cochabambinos» exigèrent un retour de l’eau en tant que droit humain et culturel. Dans ce cas, tant la capacité de livrer la marchandise de l’organisation que sa vision marchande furent remises en question. Ces deux exemples montrent d’un côté comment les institutions internationales n’ont pas su accomplir ce qu’elles proclamaient pouvoir faire et de l’autre côté comment ces politiques ne furent pas sans opposition de la part de la population concernée.

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Source : http://www.acme-eau.org/photo/1671172-2252796.jpg

Finalement, il est crucial de regarder les événements qui, sans être un échec direct, jouent à la défaveur de l’idéologie des centres au niveau international. En 2007, le président vénézuélien Hugo Chavez, après avoir terminé de rembourser la dette nationale envers le FMI et la BM, formalisa son retrait de celles-ci et proposa la création d’une Banque du Sud, qui se veut une alternative aux outils de domination capitaliste des centres.[7] La Bolivie, l’Équateur, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay ont décidé de se joindre à cette banque, dont la création fut officialisée le 26 Septembre 2009, lors du sommet Amérique du Sud-Afrique. Des questions demeurent, entre autres sur l’utilisation des fonds, mais il s’agit là d’une importante alternative aux institutions internationales capitalistes, en particulier pour la région. Cette banque constitue un sérieux défi pour le FMI et la BM  en Amérique latine.

Au plan international, les centres purent s’imposer à travers leurs organisations. Cependant, les crises et les problèmes engendrés ont remis en cause la validité de l’idéologie néolibérale des centres. De plus, des événements, tels que la création d’un fond alternatif, diminue le pouvoir effectif de ces organisations. Dans le prochain billet, il sera question de l’intégration régionale en Amérique latine et des implications pour les relations centres-(semi)-périphéries.

Bibliograhie

Simon, David. 2002. “ Neoliberalism, strutural adjustment and poverty reduction strategies ” Dans Vandana Desai et Robert B. Potter, dir., The Companion to Development Studies. New York : Hodder Arnold, 86-92.

Assies, Willem. 2003.  “ David versus Goliath in Cochabamba: Water Rights, Neoliberalism, and the Revival of Social Protest in Bolivia. ” Latin American Perpsectives 30: 14-36.

Franko, Patrice. 2007. The Puzzle of Latin American Economic Development. Lanham: Rowman & Littlefield Publishers, Inc.

MacEwan, Arthur. “Economic Debacle in Argentina: The IMF Strikes Again” The Third World Network. En ligne. http://www.twnside.org.sg/title/twr137b.htm (dernière consultation le 1er Mars 2010).

Millet, Damien et Eric Toussaint. 2007. “ Banque du Sud contre Banque Mondiale ” Le Monde Diplomatique. En Ligne http://www.monde-diplomatique.fr/2007/06/MILLET/14861 (dernière consultation le 1er Mars 2010).


[1] David Simon. “ Neoliberalism, strutural adjustment and poverty reduction strategies ” Dans Vandana Desai et Robert B. Potter, dir., The Companion to Development Studies. (New York : Hodder Arnold, 2002), 86-92.

[2] Patrice Franko. 2007. The Puzzle of Latin American Economic Development. Lanham: Rowman & Littlefield Publishers,     Inc.

[3] Ibid., 195.

[4] Ibid., 133.

[5] Arthur MacEwan. “Economic Debacle in Argentina: The IMF Strikes Again” The Third World Network. http://www.twnside.org.sg/title/twr137b.htm (1er Mars 2010).

[6] Willem Assies. « David versus Goliath in Cochabamba: Water Rights, Neoliberalism, and the Revival of Social Protest in Bolivia. » Latin American Perpsectives 30 (2003): 14-36.

[7] Damien Millet et Eric Toussaint. 2007. « Banque du Sud contre Banque Mondiale » Le Monde Diplomatique. http://www.monde-diplomatique.fr/2007/06/MILLET/14861 (1er Mars 2010).

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03 2010

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