CROISSANCE CONTINUE, RESSOURCES LIMITÉES?

Par Benjamin Peyre

« Surfez sur internet de manière illimitée », « bénéficiez d’un temps de communication illimité », « vivez plus longtemps grâce à… » sont tout autant de slogans véhiculées par la publicité cherchant à entretenir l’idée d’une consommation infinie rendu possible par le progrès. Ce que l’on oublie souvent, c’est que derrière le plus simple appareil se cache souvent une chaîne complexe d’échanges et d’extraction de ressources afin d’en assurer le bon fonctionnement. Le message véhiculé par ces publicités est-il en adéquation avec les possibilités énergétiques de notre planète? Les réserves pétrolières sont-elles en mesure de satisfaire notre soif de consommation? Telles seront les questions qui guideront ce billet. Afin d’y répondre, voyons tout d’abord quel est l’avenir des ressources énergétiques premières tel que le pétrole puis, voyant que l’épuisement des énergies essentielles à notre mode de vie est inéluctable, demandons nous quelles solutions s’offrent à nous.

Ordinateurs, grille-pain, voitures, chauffage électrique, lave-linge, four micro-ondes… sont tout autant d’appareils qui rythment notre quotidien (du moins au sein des pays « développés ») et dont l’idée de s’en séparer peut fortement déranger. Pourquoi s’en débarrasser me direz-vous ? À cela je vous répondrai que tous ces appareils, aussi utiles soient-ils, ont un point commun, celui de fonctionner à partir d’énergie et que cette énergie n’est pas inépuisable. Les ressources nécessaires à la production de cette énergie sont très diverses : pétrole, gaz, charbon, uranium. Cependant,  chacune de ces ressources possède une durée de vie limitée. En effet, le rythme auquel nous consommons les ressources dépasse amplement le temps nécessaire pour que celles-ci se reconstituent. Prenons par exemple le cas du pétrole. Outre le fait qu’il est l’énergie de base de toutes les industries mécanisées, ses dérivés chimiques servent à la fabrication de toutes sortes de produits, qu’ils soient hygiéniques (shampooing), alimentaires, de protection, de contenant (matière plastique), tissus, etc. le rendant ainsi indispensable. De plus, même si le fait que le pétrole ne représente qu’une mince fraction de la production agricole, il n’en reste pas moins que c’est ce secteur qui rend la dépendance la plus vitale; sans le pétrole dont dépendent les pesticides et les machines agricoles, il ne serait pas possible d’avoir les rendements agricoles actuels, ni de nourrir une population mondiale aussi nombreuse. Même si le débat se poursuit pour ce qui est de savoir quand surviendra le pic pétrolier (période à partir de laquelle, la production de pétrole ne cessera de chuter), certains affirment qu’il peut nous rester une centaine d’années (si l’on prend en compte de nouvelles techniques de raffinement, l’usage des sables bitumineux etc.) et d’autres estiment qu’il nous reste tout au plus une dizaine d’années. Il n’en reste pas moins qu’à terme, l’épuisement du pétrole est inéluctable.[i]

À ceci, certains répondront que les énergies renouvelables sont là pour pallier à ce problème.  Les énergies renouvelables peuvent en effet pallier à la pénurie des ressources fossiles qui approche à grand pas mais pour combien de temps? Le problème n’est-il pas ailleurs? Par exemple, pourquoi est-ce que nos ordinateurs n’ont qu’une durée de vie de tout au plus 3 ans? Il s’avère que cette durée de vie réduite est calculée par le producteur, la possibilité d’avoir recours à des pièces de rechange plutôt que de changer la machine au complet se raréfie au point qu’il est souvent plus cher d’avoir à réparer la machine que de la changer. Ce genre de comportement n’incite-t-il pas au gaspillage des ressources qui pourtant sont loin d’être infinies.[ii]

Ainsi, si les énergies renouvelables peuvent effectivement constituer une alternative (provisoire), il n’est reste pas moins que la racine du problème à laquelle il nous faut nous attaquer n’est autre que notre structure de consommation. Dans un monde où les ressources ne sont évidemment pas illimitées, il nous faut arrêter de penser que notre mode de consommation peut se poursuivre tel quel éternellement.  Cette idée d’illimité est notamment véhiculée par la volonté politique de perpétuer un taux de croissance constant (ou encore l’idée de développement durable) alors que, comme ne manque pas de la souligner Bernard Ginisty, membre du comité d’éthique de la NEF : « La biologie nous apprend que la croissance indéfinie n’existe pas dans l’ordre du vivant ou, quand c’est le cas, cela s’appelle un cancer. »

Untitled1Le problème des alternatives est que rien ne nous certifie qu’elles n’auront pas de conséquences néfastes (ou d’externalités négatives pour employer un euphémisme bien connu des économistes) sur l’environnement, que ce soit sur le court ou sur le long terme. En effet, chaque technique, en résolvant des problèmes, en crée toujours de nouveaux. Pour combattre ces  »effets secondaires », il faut réaliser de nouveaux progrès techniques qui nécessitent de plus en plus de sophistication. Par exemple, les engrais chimiques peuvent améliorer la productivité des cultures, mais ils polluent les sols et les ressources en eau. Un traitement plus poussé est alors nécessaire pour rendre l’eau potable. Ce traitement génère des déchets supplémentaires difficiles à détruire, etc. En parallèle à ce phénomène, existe aussi ce qu’on a appelé « l’effet rebond » c’est-à-dire, lorsque le progrès permet de « consommer mieux » (avec moins d’impact sur l’environnement), le confort et/ou l’économie qui en résultent se traduisent par du «consommer plus ». Par exemple, les ménages occidentaux profiteront des gains financiers liés aux économies d’énergie pour voyager plus souvent. Paradoxalement, ils pollueront donc davantage.[iii]

À ce problème de la finitude des ressources, on en oublierait presque de mentionner où et comment se font ces extractions de matières premières. Pour conclure, nous rappellerons que l’essentiel des ressources énergétiques provient de pays de Sud et que, comme le montrent les « dependentistas », l’échange de matières premières entre le Nord et le Sud est foncièrement inégal. Le prix des matières premières exportées ne permet pas de suppléer à l’importation de produits manufacturés en provenance du Nord…

Bibliographie

Houssin D.,  Études , Vers la fin du pétrole ?, 2005/5, Tome 403, p. 463-474. IFP, « Les réserves de pétrole : où en est-on? » Juin 2006

Jean-Luc Porquet Jacques Ellul, l’homme qui avait (presque) tout prévu, éd Le Cherche Midi, 2003

Les renseignements généreux, Les illusions du progrès, http://www.les-renseignements genereux.org/var/fichiers/brochures-pdf/broch-progres-20080217-web-a5.pdf


[i] Houssin D.,  Études, Vers la fin du pétrole ?, 2005/5, Tome 403, p. 467

[ii] Jean-Luc Porquet Jacques Ellul, l’homme qui avait (presque) tout prévu, éd Le Cherche Midi, 2003

[iii] Les renseignements généreux, Les illusions du progrès, en ligne

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03 2010

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