La santé humaine et la ville : au cœur de « corriverts » intra-urbains revitalisants

 Par Jean Désy, vice-président des Verts boisés du Fjord

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L’aménagement et l’entretien de sentiers urbains s’inscrivent depuis près de vingt ans maintenant, dans les interventions majeures de l’OSBL saguenayen Les Verts boisés du Fjord, dont le rêve est fondamentalement de voir la ville se doter d’une véritable politique de foresterie urbaine. Cette obsession constante de préserver et de mettre en valeur le patrimoine forestier saguenayen, rejoint bien sûr toutes les vertus reliées à la santé écologique du territoire municipal global, que sont :

  • L’amélioration de la qualité de l’air en milieu urbain ;
  • Le rôle bactéricide et antimicrobien des boisés ;
  • L’action climatique et modératrice de l’évapotranspiration des arbres ;
  • L’amélioration de la qualité de l’eau et la régulation des nappes phréatiques ;
  • La protection des espèces vivantes et des habitats.

 

À ces processus bienfaisants des forêts urbaines, s’ajoutent des bénéfices à forte dimension sociale, tels que :

 

  • Leur action bienfaisante sur la santé physique et psychique citoyenne ;
  • Leur rôle éducatif dans les activités scolaires et parascolaires ;
  • L’amortissement du bruit généré par le trafic urbain croissant ;
  • La production de petits fruits comestibles, à portée de main ;
  • La réduction des accidents (éblouissement, vents, poudreries,…) ;
  • Leurs propriétés médicinales.

 

Le premier effet souligné sur la santé physique et psychique des résidents mérite quelques explications complémentaires : si, de tout temps, les vertus régénératrices de la forêt ont pu se vérifier –au-delà du milieu nourricier et protecteur traditionnel– de nos jours, c’est le stress qu’elle parvient à tempérer, un élément pathogène majeur de notre société. La forêt permet de renouer avec les rythmes naturels quotidiens et saisonniers, en favorisant détente et recentrage, équilibre physique et mental. Sa grande accessibilité aux concentrations humaines la rend d’autant plus précieuse. On aura compris que le citoyen s’inscrit au cœur de cette démarche, l’existence de sentiers ne se justifiant que par leur utilisation optimale, à des fins de loisir, de détente et de relaxation, mais aussi de santé globale des résidents : cœur, muscles, poumons et santé mentale s’y donnent rendez-vous !

 

La première tentative dans ce sens par notre organisme (LVBF), fut la production d’une Trousse du marcheur en 2001 (5 000 exemplaires), en collaboration avec la Ville et de nombreux partenaires du réseau de la santé et du plein-air. Elle a été rééditée en 2005 et en 2011 (la carte seulement).

La seconde tentative fut le March’Atout, un effort concerté des mêmes organismes pour intéresser les citoyens à la marche à travers les rues et sentiers forestiers de la ville (2003-2006), d’abord sur une semaine complète, puis sur une fin de semaine. (pour plus de détails, voir ce point aux Réalisations antérieures, sur notre site, à l’adresse : www.lvbf.org).

 

Depuis, dans la foulée de cette première activité de mobilisation citoyenne à la marche, nous avons opté pour la création d’un Club de marche, grâce à la contribution financière des CSSS de Chicoutimi (2006) et de Jonquière (2009) qui, d’année en année, financent nos animateurs pour assurer des marches quotidiennes d’une heure, jusqu’à sept fois par semaine, du lundi au vendredi, sauf l’été. L’entente avec le CSSS de Jonquière a pris fin à l’automne 2013, en raison du trop faible achalandage de marcheurs désireux de se joindre au Club, sans pour autant préjuger que les Jonquiérois ne marchent pas individuellement.

Enfin, la Carte du marcheur de Jonquière a pu être réalisée en 2013 grâce au PAL (Plan d’action local) du CSSS de Jonquière.

 

Nous continuons même à entretenir l’hiver, en raquettes, plusieurs passages piétons inter-rues dans les districts 12 et 13 de Chicoutimi, afin de favoriser l’écomobilité des résidents. Les deux conseillers de l’arrondissement se sont pliés de bonne grâce à des demandes répétées de résidents, frustrés que l’hiver les prive de leurs connexions quotidiennes estivales.
Le réseau rêvé de parrainage au sein d’écoquartiers en 2025

 

Un exercice de prospective réunissait en 2004 de nombreux intervenants universitaires, municipaux et communautaires autour d’une Vision à long terme de notre ville en 2025. LVBF participait à l’événement et proposait alors un réseau dense de boisés urbains interreliés[1], qui structurerait un territoire profondément remodelé. Encore faut-il entretenir et animer ces boisés sans que ces tâches reposent principalement sur un cahier de charges municipal. C’est au contraire le véhicule privilégié d’une responsabilisation croissante des citoyens, institutions et associations locales quant à la prise en charge de leur cadre de vie. Les propositions suivantes vont dans ce sens :

 

  • Chacun des boisés relève d’un écoquartier de quelques dizaines de familles ou citoyens, au sein d’un système de parrainage dynamique interactif veillant à la protection et à la mise en valeur de ces boisés (entretien des sentiers, surveillance, conscientisation, activités éducatives et aménagements sommaires). Des associations de plein air, collèges et écoles adhèrent aux écoquartiers ou s’y substituent là où la proximité des boisés fait défaut. Le parrainage se traduit notamment par une cinquantaine de Contrats de boisés auprès d’institutions scolaires et de citoyens.

 

  • La fiducie foncière LVBF chapeaute et appuie quotidiennement ce parrainage, en établissant le lien entre les parrains des écoquartiers et les autorités municipales pour veiller au respect intégral du statut de « territoire d’intérêt écologique» qu’ils ont acquis et qui limite sévèrement toute construction sur ces espaces.

 

  • Des incitatifs annuels sont proposés aux parrains (par exemple un Vert boisé d’Or (prix lancé en 1999 par LVBF)) pour stimuler les réalisations accomplies par les écoquartiers ou les associations dans les boisés, qu’ils soient publics ou privés.

 

  • L’activité annuelle du March’Atout, lancée en 2003, a pris une envergure insoupçonnée à travers tous les arrondissements de la Ville et permet la tenue de deux semaines intensives de marche, au printemps et à l’automne, impliquant entreprises, écoles, institutions diverses, groupes de marche et citoyens de 7 à 97 ans !

 

  • La Ville s’inscrit dans le réseau étendu des grandes agglomérations urbaines québécoises et canadiennes adhérant à une politique de développement viable, notamment par une gestion serrée de leurs forêts urbaines, conformément au souhait du Congrès forestier mondial de Québec qui a eu lieu en 2003.

 

  1. Conclusion : le sens ultime de cette vision d’avenir

 

Dans le contexte social trouble des sociétés occidentales, glissant dangereusement vers le chacun pour soi, vers l’étiolement des valeurs spirituelles au profit d’un matérialisme dévorant, vers la fébrilité croissante du tandem famille-boulot, la piste des Forêts urbaines nous semble particulièrement prometteuse. En effet, elle permet la convergence d’apprentissages comme :

  • le plaisir d’une activité physique facile, rapide et accessible, condition sinon suffisante, du moins nécessaire, de santé et de mieux-être ;
  • l’engagement social, individuel et collectif soutenu par un écoquartier, dans la préservation d’un Capital Nature tout proche de chez soi ;
  • l’assouvissement d’une curiosité intellectuelle que permet la découverte des autres quartiers de la ville sous un regard neuf ;
  • La randonnée ou le travail individuel ou collectif (corvées), dans des milieux naturels propices au retour sur soi, à la décompression, à l’évacuation du stress accumulé, aux échanges sociaux décontractés. Certains redécouvrent en forêt la Source même de la Beauté, de la Vérité et de l’Unité de toutes choses, à la façon amérindienne.

 

Comment et pourquoi ne pas miser sur cette démarche toute naturelle, apte à épanouir individus, propriétés, quartiers et arrondissements de notre ville de demain ? Un défi de taille, mais aux rejaillissements multiples !

[1] Désy, J. (2004). « Espaces verts pour ville béton et rase campagne », Organisations et territoires, vol.13, no 2, printemps-été : http://lvbf.org/pdf/h.pdf

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