En mémoire du comité femmes GGI-UQAM (2012-2013)

Par Camille Tremblay-Fournier

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Il sera question ici de suivre les traces du comité femmes Grève générale illimitée-UQAM, qui s’est formé au début de la grève étudiante québécoise de 2012. Devant une impossibilité de s’organiser au sein des structures formelles du mouvement étudiant en temps de grève, puisque ce mouvement s’était avéré hostile à la lutte autonome des femmes, plusieurs personnes ont décidé de s’organiser de manière autonome en non-mixité. Les différentes démissions du comité femmes de l’ASSÉ et celles d’anciennes femmes impliquées dans les associations étudiantes de l’UQAM donnèrent le ton critique à la démarche du comité. Je propose en mémoire de celui-ci un «patchwork» des différents zines diffusés au cours des actions du groupe qui illustre le cheminement du comité femmes GGI-UQAM, de son origine, sa pertinence, à ce qu’il en reste peut-être aujourd’hui.

Contexte de création du comité femmes GGI

Nous avons choisi l’auto-organisation dans un comité non-mixte femmes au cours de la mobilisation contre la hausse des frais de scolarité, pour la gratuité scolaire et dans le mouvement de grève générale illimitée. Nous avons comme objectif d’apporter une perspective féministe à l’analyse de l’accès à l’éducation et au militantisme dans le mouvement étudiant. Notre besoin de nous regrouper en non-mixité sur une base féministe vient de nos expériences de lutte, de nos malaises de lutte, de nos blessures de lutte et de la compréhension qu’il s’agit d’une situation partagée, causée par le patriarcat qui modèle nos expériences de femmes, d’opprimées, même au sein d’un mouvement de contestation.

Nous avons créé le comité femmes GGI cet automne dans le but de prendre conscience des diverses réalités vécues par les femmes militant dans les mouvements étudiants et d’écouter leurs voix pour ensuite pouvoir passer à l’action de manière organisée. Notre but n’est pas de créer deux luttes parallèles, mais bien de s’organiser autour des revendications féministes, au cœur du mouvement étudiant. Nous entendons briser le mythe selon lequel les organisations féministes empêchent l’unité du mouvement. Nous croyons au contraire que la multiplication des comités autogérés ne peut qu’enrichir le mouvement étudiant par une diversité des tactiques de lutte et des représentations de la population étudiante. Ainsi, nous refusons de faire des concessions par rapport à nos revendications féministes, qui nous semblent souvent balayées par l’urgence de mener « la lutte principale ».

Le comité femmes GGI appelle les militantes des différents campus du Québec à la création de comité femmes qui joueront un rôle actif et déterminant dans la lutte qui s’amorce.

Québécois debout, Québécoises à genoux! La marche pour les femmes et l’accès à l’éducation du 8 mars 2012

Nous étions dix? Nous étions vingt, nous étions cent féministes qui se sont rendues, enthousiastes, à la marche pour les femmes et l’accès à l’éducation. Cette manifestation était organisée à l’occasion de la journée internationale des femmes, le 8 mars 2012 et avait comme point de départ le parc Émilie-Gamelin, à 15h. Pour les membres du comité femmes Grève générale illimitée de l’UQAM, il n’y a pas à dire, nos attentes étaient grandes!

Pour nous, le mandat féministe de cette manifestation n’était pas un sous-entendu : nous étions présentes pour marcher en solidarité avec les femmes et pour notre accès à l’éducation. Toutefois, le manque de sensibilité féministe chez certaines participantes qui se sont ralliées à « l’universalité », qui rappelle uniquement le masculin en défendant les attitudes machistes de certains militants: tenez-vous le pour dit, les termes « peuple » et « étudiants », entre autres, excluent de manière systématique la réalité des femmes et des étudiantes.

Si Isabelle Dubé, journaliste à La Presse, nous a appris que la seule arrestation qui avait eu lieu en ce 8 mars était un incident isolé lors de cette marche calme et pacifique pour l’éducation des femmes, notre expérience fut toute autre. On assume qu’il n’y aura pas de violence pendant une marche lors de la journée des femmes, il s’agit ici d’une conception très limitée de la violence. Il n’y a peut-être pas eu de brutalité policière lors de la manifestation, mais notre expérience a été profondément violente. Le patriarcat dominant et ses représentations antiféministes, misogynes et machistes se sont manifestés très concrètement ce 8 mars dernier. Slogans injurieux : « Québécois debout, Québécoises à genoux », résistance à la féminisation des slogans bien connus, messages machistes sur certaines pancartes, un service d’ordre masculin, des difficultés à respecter la place que les femmes prenaient au-devant de la manifestation.

Visuellement, la manifestation était exaspérante. Chaque pancarte non-féminisée, à caractère « universel » et même antiféministe nous atteignait comme une claque au visage. Nous avons aussi été horrifiées par certaines pancartes affichant des grossièretés sexistes telles que « Le Québec et ses femmes » aux côtés de bateaux colonisateurs qui s’approchent du Nouveau-Monde et « L’éducation, c’est féminin ».

Quand, dans une marche pour les femmes et l’accès à l’éducation, le simple fait de remplacer dans les slogans « étudiants » par « étudiantes » provoque des réactions agressives, de la résistance machiste et des accusations de la part d’hommes (et même de certaines femmes) comme : «vous êtes discriminatoires envers les hommes », on prend conscience que les réflexions féministes sont plus jamais que nécessaire au sein du mouvement étudiant.

Manif-action Féminismes manifestés, pas récupérés!

La manifestation nationaliste du 8 mars a fait l’effet d’une bombe au sein du comité naissant. La réplique n’en fut que plus stimulante. Les grévistes se sont rassemblées par une journée très chaude en fin mars et ont marché ensemble pour dénoncer la hausse sexiste des frais de scolarité. Des manifestantes ont participé à une occupation des bureaux de la ministre de la Condition féminine Christine Saint-Pierre. La manifestation s’est finalement dirigée vers le parc Lahaie où ont lieu chaque année des vigiles anti-choix tenant leurs « 40 jours pour la vie ». En cette occasion, la vigile sexiste et rétrograde a été saccagée sous les cris des manifestantes : Gardez vos prières loin de nos ovaires!

La manifestation Féminismes manifestés, pas récupérés! visait à lancer le coup d’envoi de la grève dans une perspective féministe, mais pas simplement sur la question de la hausse sexiste. S’inspirant des constats des grèves étudiantes précédentes, le comité femmes GGI a articulé le thème de sa première manifestation autour de la question de la récupération politique des revendications et du travail de mobilisation des comités femmes et anti-oppressions par les organisations nationales étudiantes. Rappelons-nous qu’à ce moment, certaines tendances politiques au sein de l’ASSÉ travaillaient à développer une alliance avec les fédérations étudiantes, historiquement connues pour leur lobbyisme en vue de la grève qui s’amorçait. Il faut comprendre cette initiative du comité femmes GGI comme une réponse autonome à cette dérive concertationniste de l’ASSÉ.

À la veille de la tentative de récupération du mouvement de grève par les fédérations étudiantes, manifestons nos féminismes! Parce que les fédérations étudiantes n’ont jamais porté de revendications féministes. Parce qu’elles méprisent ouvertement ce mouvement qui ne se limite pas à un 8 mars de temps en temps. Dans la rue, car la FECQ-FEUQ ne nous représente pas! Une manifestation dans la culture combative. La seule qui historiquement a fait progresser les mouvements sociaux: sans trajet dévoilé, sans char allégorique, ni dossards, ni truck de son qui enterrent nos slogans!!!

Cette manifestation dénonçait aussi l’absence de valeurs et de principes féministes au sein des fédérations étudiantes nationales et du féminisme de façade en temps de lutte de l’ASSÉ : « L’État ignore nos cris, la FECQ-FEUQ se les approprie, étudiantes contre la hausse sexiste! »

Non seulement cette hausse est une mesure malhonnête qui vise à faire de l’éducation un privilège pour une élite, mais elle se trouve à être une décision politique sexiste. La hausse des frais de scolarité touchera davantage les femmes en raison des inégalités structurelles qui perdurent entre les sexes. Les difficultés économiques engendrées par cette mesure sexiste auront des impacts majeurs envers les personnes vivant des oppressions au niveau de leur origine, leur sexe, leur orientation sexuelle, leur âge, leur condition physique et/ou mentale. La hausse des frais de scolarité est une mesure qui s’inscrit dans l’hétéronormativité qu’impose le système d’oppression patriarcal, qui s’ingère dans toutes les sphères de nos vies, sur des plans personnels et collectifs.

Le mariage est une institution qui perpétue cette idée dans l’imaginaire collectif. Sachant que plusieurs mesures concrètes d’aide financière sont attribuées aux couples mariés (entendons par là hétérosexuels), comme la contribution parentale dans le calcul de l’aide financière, la hausse des frais de scolarité se trouve au cœur d’une mesure d’oppression hétéro-normative. De plus, nous dénonçons que des mesures d’aide financière censées apporter une aide aux étudiantes et étudiants créent plutôt des dépendances. Rappelons aussi que les étudiantes étrangères et étudiants étrangers ont des frais de scolarité différenciés faramineux. Cette discrimination est inadmissible et a des impacts non-négligeables sur les femmes étrangères. La mesure des frais de scolarité différenciés pour la population étudiante étrangère est une politique responsable de la précarité et de l’appauvrissement d’une partie importante de cette population étudiante, affectant directement la diversité sociale des étudiantes et étudiants au niveau post-secondaire.

Qui nous protège de la violence de l’État? Manifeste de la manif-action contre l’État paternaliste

Déjà quelques mois qu’on traînait nos semelles à travers Montréal et sa périphérie, accompagnées de nos collègues, amies (et aussi de l’escouade anti-émeute), pourfendant ceux et celles qui s’affairaient à rendre le mouvement spectaculaire et docile. Cette manifestation est allée visiter le bureau de l’école des Garda, agence de sécurité privée omniprésente en ces temps de piquetage.

Tout comme l’agresseur tente de justifier sa violence en responsabilisant sa victime, le gouvernement et les administrations scolaires tentent de nous faire avaler que les manifestant-es méritent la brutalité policière et celles des gardien-e-s de sécurité parce que nous n’obéissons pas à l’ordre établi. Nous, étudiantes féministes en grève, accusons le gouvernement libéral patriarcal de consciemment exacerber les inégalités entre les sexes, via la hausse des frais de scolarité, qui s’attaque à l’un des mécanismes piliers de l’atteinte de l’égalité de fait entre les femmes et les hommes: l’éducation accessible.

En bon papa de l’État policier, il nous demande de collaborer avec ceux-là mêmes qui nous répriment depuis les débuts de notre grève reproduisant une attitude paternaliste corroborant le patriarcat. On nous demande, par cet appel pernicieux, de nous diviser nous-mêmes pour leur permettre de mieux régner. Nous dénonçons les individus s’autoproclamant pacifistes qui s’opposent au vandalisme de la propriété privée marqueur du capitalisme. Elles et ils s’en prennent directement ensuite à l’intégrité physique de celles et ceux qui militent à leur côté ou la mettent en danger par la délation, n’étant en fait rien d’autre que des complices de la brutalité policière. Il n’est en aucun cas pacifique de demeurer passifs ou passives face à la répression de cet État paternaliste.

Les dociles agent-e-s de sécurité et la police sont l’instrument de la violence structurelle: politique et institutionnelle de l’État. Ils et elles agissent en véritables mercenaires du pouvoir en place. Refusons d’entrer dans leur jeu et de reproduire leur violence. En réprimant violemment ceux et celles qui défendent le bien commun, la principale fonction des gardien-e-s de sécurité et de la police est de servir les intérêts du pouvoir en place, ceux de ce gouvernement qui brutalise tout un peuple et hypothèque les générations à venir avec une hausse qui créera encore plus d’exclusion, de marginalisation et d’inégalités sociales. Nous refusons le paternalisme politique, moral, économique et social encouragé par l’État et appliqué par nos administrations scolaires notamment via la brutalité policière et celles des agent-e-s et agents de sécurité, sous prétexte d’assurer notre sécurité. De quelle sécurité parle-t-on? La sécurité protégeant les intérêts de qui et de quoi? Nous refusons le paternalisme de l’État libéral patriarcal envers le mouvement étudiant – mais aussi envers toute une société – par un gouvernement qui nous voudrait soumises et silencieuses.

Y’a personne comme la CLASSE pour marchander sa position féministe. Le cas du spectacle de la CHI

Au théâtre St-Denis, les spectateurs et spectatrices font la file sur le trottoir pour entrer au spectacle-bénéfice de la Coalition des humoristes indignés (CHI). Des membres du comité femmes GGI déguisées en mimes leur font face, en silence, avec en main des cartons indiquant des citations ridiculement sexistes des humoristes en prestation ce soir-là. Une personne du comité répond aux multiples interrogations qui fusent.

La CHI présente un spectacle d’humour, dont 50% des profits seront versés à la CLASSE pour la défense des arrêtées. L’ensemble des profits seront versés à Juripop, qui défend la FECQ, la FEUQ et la TaCEQ pour l’invalidation de la loi 78. En vertu d’un mandat de congrès, nous collaborons avec Juripop pour les affaires légales. Par contre, puisque nous avons nos propres avocats, nous avons signé une entente avec Juripop comme quoi 50 % des profits amassés vont revenir à la CLASSE. Les bravos fusent de partout : c’est un pied de nez à Gilbert Rozon, puisque le spectacle est chapeauté par ses sœurs, qui affirment ne pas partager les visions réactionnaires de ce dernier sur le conflit étudiant. La CLASSE annonce l’événement sur son site, puisqu’il y a convergence dans les intérêts. Les féministes se doivent cependant de mettre un frein à ce mielleux enthousiasme.

Nous avons choisi la figure du mime, symbole de l’humour vivant et de la résistance à la censure. Tandis que le mime choisit le silence afin de mettre en valeur ou de dénoncer certaines attitudes et certains gestes, la société patriarcale l’impose aux femmes, tout particulièrement à celles qui tentent d’exprimer publiquement des critiques féministes.

Parce que la CLASSE se dit féministe et se doit d’appliquer les positions et revendications qui vont dans ce sens. La CLASSE se présente en tant qu’organisation démocratique, combative et féministe, notamment en raison des revendications suivantes censées orienter sa pratique. Dans la mesure où la CIASSE souhaite faire honneur à ses principes féministes, pour ne mentionner que ceux-là, elle se doit de retirer l’annonce de cette foire de son site internet et de cesser d’échanger son silence sur un humour douteux contre de l’argent. Sinon, elle prouvera sans aucun doute qu’elle ne porte en elle aucun réel potentiel de contestation sociale. Nous dénonçons le laxisme du féminisme de la CLASSE, qui accepte de promouvoir le spectacle de la CHI et en récolte une partie de l’argent des profits.

Parce que la carrière de certains des participantes du spectacle de la CHI est fondée sur un bassin de « jokes » sexistes, homophobes, racistes ou corroborant des formes d’oppressions. L’humour industriel québécois et la révolte sociale sont intrinsèquement incompatibles, puisque le premier repose sur la reproduction de tout ce qu’il y a de plus problématique dans la société. Un humour engagé est certes possible et hautement souhaitable, mais il ne peut certainement pas provenir des mêmes personnes qui, depuis plusieurs années, provoquent les rires gras en instrumentalisant les différents rapports de domination qui sous-tendent les rapports sociaux. Ce sur quoi nous désirons insister est la banalisation du sexisme dans le monde de l’humour. Bref, c’est l’histoire d’un gars blanc hétéro qui faisait des jokes plates sur tous ceux qui n’étaient pas comme lui…

Calme tes hormones! ou pourquoi Testostérone est de la « marde » sexiste

C’est l’été et la grève déclenchée en février dure toujours. Toutefois, à Montréal, le train-train estival a réussi à enterrer le vacarme des manifestations. La CLASSE avait, à la fin du printemps, menacé, sans plan concret, de perturber les festivals, si le gouvernement ne bougeait pas. Le comité femmes GGI a tenté, à sa manière, de faire sa part dans le vide ambiant, en perturbant le spectacle come-back de Testostérone.

Dix ans plus tard, l’émission Testostérone fait encore parler ses fans, qui ont souvent demandé si les gars allaient un jour sévir à nouveau. Juste pour Rire a flairé l’occasion et invite François Massicotte, Mike Ward, Marc Boilard et Jean-Michel Dufaux à se retrouver pour un show sans caméras de télévision. Sans première médiatique et sans surprise: tout ce dont vous vous attendez des gars de Testostérone est déjà prévu. Un nombre très limité de billets sera en vente. On vous promet une soirée hurlante de rire, où tout ce qui arrivera devra rester sur place. Ce qui se passera au Métropolis, doit rester au Métropolis, selon le Festival Juste pour Rire.

Ce que nous voulons faire, c’est provoquer le débat : pourquoi retrouve-t-on encore de l’humour marqué par un sexisme flagrant, de l’homophobie, etc.? Pourquoi rire des personnes qui subissent quotidiennement de la discrimination basée sur leur identité ou sur une identité qu’on leur accole? Qu’est-ce qui se cache derrière cela? À cette dernière question, nous répondrons qu’il s’y cache un système d’oppression et d’exploitation bien complexe, dont l’humour sexiste n’est qu’une courroie de transmission parmi tant d’autres.

L’humour utilisé dans ce contexte fait appel à une forme de sexisme très précise, celle du sexisme ironique ou hétérosexisme. Testostérone, tout comme les pubs de bière de mauvais goût, utilise l’ironie et l’humour comme moyen pour se distancier des représentations et des stéréotypes sexistes et/ou racistes qu’il perpétue. Le sexisme est tellement exagéré que l’auteur de la joke donne l’impression de se distancier des grossièretés qu’il perpétue, mais en fait, il ne fait que reproduire le sexisme. Il va de soi que l’humour qui ne fait qu’imiter le statu quo est le plus facile à faire étant donné qu’il n’est en rien subversif ou contestateur de ce dernier. Les seuls 2e ou 3e niveaux à déterrer – nous semblent être ceux que l’on peut bâtir via une critique et une déconstruction des propos qui mettent de l’avant nombre de stéréotypes et de violences. Ainsi, l’unique message plus profond à recevoir de ce mauvais goût qui revient « sold-out » sur les planches, c’est la triste réalité sociale actuelle : des jokes sexistes, ça vend encore, donc l’industrie de l’humour et Gilbert Rozon, le prédateur sexuel qui la chapeaute, se font du gros cash là-dessus.

Ainsi, Testostérone est une source intarissable de complexes pour les femmes et les hommes, encore plus pour les personnes en transgression de genre ou non-hétérosexuelles. Rappelons-nous que dans notre société ouvertement patriarcale, c’est l’homme blanc hétéro qui détient le plus de privilèges. Gardez à l’esprit toutes les violences sociales que réaffirment les gags gras de ces 4 gars-là et si vous l’osez, tentez de rire sans vous étouffer de honte.

Initiations UQAM 2012 : une riposte féministe

Alors que l’horreur des violences policières et le harcèlement des agents de sécurité privés ont beaucoup fait les manchettes, les violences sexuelles entre les collègues étudiants en grève sont restées sous silence, à l’exception de rares publications militantes féministes. Au cours de la période de préparation de la grève en janvier 2012, un groupe de militantes féministes ont dû dénoncer la vidéo de promotion du carnaval annuel de la Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal (FAÉCUM). Elles ont accusé celle-ci de participer à la banalisation de la domination masculine, des agressions sexuelles et du viol. Par la suite, le comité femmes GGI-UQAM a produit une brochure critiquant les initiations de la rentrée 2012 dans différentes facultés de l’UQAM pour leur caractère raciste, sexiste et homophobe.

L’initiation universitaire est un rituel de transition et ce rituel vise à signifier de façon publique son appartenance à un groupe. Après avoir été le théâtre de la colère et de la révolte étudiante pendant plus de six mois les corridors de l’UQAM se sont de nouveau vus prendre d’assaut au cours des dernières semaines. Cette fois, les manifestations, toutes aussi politiques que les premières mais pour d’autres raisons, sont festives, joyeuses, ô combien amusantes et vues d’un bon œil par l’établissement. Cette fois, aussi, une division des troupes est visible : certaines personnes ordonnent, avec le plus grand des plaisirs, et les autres exécutent avec un entrain parfois sincère, parfois maladroitement.

Certains rites de passage existent pour faciliter les transitions et jouent un rôle important dans nos vies. Toutefois, les initiations qui se sont déroulées cette semaine de rentrée reproduisent les mêmes âneries sans imagination auxquelles nous avons chaque année le malheureux honneur d’assister. Au-delà des gros bidons de bières cheap, les initiations servent à rappeler aux plus sceptiques d’entre nous le fonctionnement de la société: chacun à sa place, dans son rang, en silence. Qui osera contester cet ordre social se verra attribuer une punition humiliante ou pire une marginalisation sociale pour les prochaines années de son bacc. Sous le couvert d’ « initier » les nouvelles et nouveaux aux futures choses plates de la vie étudiante, se met ainsi sur pied chaque automne une mascarade au scénario bien simple: l’établissement d’une hiérarchie entre les plus vieilles cohortes et les nouvelles. Et cette soumission des recrues marque la reconnaissance de l’autorité de la collectivité à laquelle ils-elles veulent appartenir. Mais à quelle collectivité, justement?

Afin de bien cimenter le colonialisme inhérent de l’UQAM, plusieurs associations étudiantes ont choisi des thèmes d’initiations racistes, impérialistes et ethnocentriques. Toute la semaine, nous avons pu voir plusieurs centaines d’étudiantes blanches courir dans les couloirs de l’UQAM déguisées en « autochtones » et « arabes ». On parle ici d’un phénomène particulier : l’appropriation culturelle. Pas besoin d’être un génie pour comprendre le pattern entourant les initiations universitaires. Prétendre par la suite que les initiations sont inclusives est donc complètement faux et ridicule lorsqu’on s’ouvre les yeux au sexisme et au racisme de ses représentations.

Comme tout rituel d’appartenance, l’initiation universitaire a lieu en public parce que le groupe social est pris à témoin de la fidélisation envers le groupe. Mais que se passe-t-il lorsque ces rapports, développés avec ses nouveaux collègues, se transfèrent dans les rapports interpersonnels après l’initiation le soir au bar, la nuit du party, en classe ou lors de travaux d’équipe? Les rapports d’humiliation, de honte et de domination, construis le temps de sucer sous pression la carotte-faux-pénis de ton nouveau collègue de communication, s’effacent-ils par magie lorsque le jeu prend fin?

Puisque ce rituel social est aussi compris comme étant l’acceptation du prix à payer pour bénéficier des avantages liés au fait d’appartenir à un groupe, nous nous demandons : « le prix en vaut-il la peine?» Qui paye réellement le prix de cette intégration forcée au groupe? À travers les différentes initiations, la sexualité a une place bien spéciale où sexisme, stigmatisation, honte, homophobie et transphobie sont presque systématiquement au menu. Et les multiples degrés de violence que peuvent vivre des participantes à ce festival du vomi, du viol et du gaspillage semblent peu faire partie des préoccupations des organisateur-trices. Est-ce vraiment ces fameux liens sociaux que nous sommes supposées vouloir tisser aux initiations? Afin que les activités soient agréables pour le plus grand nombre possible il est important que les organisateurs-organisatrices réalisent que les initiées ne sont pas simplement une large masse homogène d’étudiants et étudiantes. Pour que les initiations soient de réels rites de passage unificateurs, les personnes en charge doivent être responsables et prendre en compte que les nouveaux-nouvelles sont des personnes à part entière, avec des vies formées par une pluralité d’expériences.

Héritage critique

Difficile de saisir l’impact exact qu’a pu avoir le comité GGI. La grève de 2012, et sa préparation, s’inscrivent dans une période de répression importante pour les comités- femme actifs. Peut-être est-ce le peu de travail d’organisation critique, entre autres féministe, qui explique par exemple l’onde de choc créée par la modeste action des mimes? Si on peut se désoler qu’une structure permanente pour lutter contre les différentes manifestations du sexisme et de l’exploitation des femmes n’ait pu émerger de cette grève, la posture résolument critique du comité-femme à l’égard du mouvement étudiant restera, je l’espère, un point de départ, à dépasser, pour les étudiantes en lutte. Car, nul doute qu’elles se buteront à des problématiques semblables encore dans les prochaines années.

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