L’influence du processus sur les résultats des forums sociaux locaux : cas de Laval et Lanaudière

Par Émilie Goulet et Julie Robillard

 

À la suite de la première édition du Forum social québécois en 2007, plusieurs forums sociaux régionaux ont été organisés et d’autres sont à venir dans différentes régions du Québec[1]. Ces forums régionaux permettent d’aborder des enjeux locaux et de favoriser une conscientisation des enjeux sociaux à un niveau régional. Malgré des objectifs qui sont généralement similaires, il est possible de se demander s’il y a des différences dans les résultats (sociologie des participants, nombre d’ateliers et chiffre de la participations, implication citoyenne, initiatives et actions retenues…) entre les divers forums sociaux régionaux au Québec et, si oui, à quoi elles sont attribuables. Les cas étudiés dans ce texte sont les forums sociaux régionaux de Laval et de Lanaudière qui ont eu lieu simultanément du 24 au 26 avril 2009. Malgré le fait qu’ils ont eu lieu en même temps dans des régions assez rapprochées, il y a des différences assez importantes entre ceux-ci, notamment en ce qui concerne les initiatives ayant mené à ces forums sociaux, la démarche et les résultats. Nous soutenons que la démarche et le processus ayant mené à ces deux forums régionaux ont influencé les résultats et expliquent en partie les différences entre ceux-ci. Dans un premier temps, nous présentons et comparons les deux évènements. La seconde partie de l’article porte plus précisément sur les différences dans le processus et la démarche de ces deux forums sociaux régionaux. Finalement, la dernière partie traite des résultats  et du lien entre ceux-ci et le processus du forum social régional.

Présentation et comparaison des forums sociaux de Laval et de Lanaudière

Forum social régional de Laval

 

Le Forum social de Laval (FSLaval) s’est tenu au Collège Montmorency du 24 au 26 avril 2009 et avait comme objectif de réunir des acteurs de la société civile de Laval autour d’un projet de consultation et de transformation sociale. Selon les organisateurs, 400 personnes étaient inscrites le vendredi soir, mais plus de 500 personnes ont participé au FSLaval au courant de la fin de semaine. En plus de réunir les citoyens, les comités issus des forums sociaux locaux[2], des organismes de plusieurs milieux (communautaire, coopératif, syndical) ont aussi participé à l’évènement. Plus concrètement, le FSLaval s’appuie sur les objectifs du Forum social québécois (FSQ) et sur la mission des organismes communautaires de Laval. Ainsi, il s’est donné comme mission de « rechercher, promouvoir et diffuser les initiatives et projets offrant une réponse ou une alternative à l’idéologie néolibérale et aux politiques qui vont dans ce sens. Pour cela, le but est de regrouper dans un même espace l’ensemble des groupes et citoyen-nes partageant cet objectif, de façon à construire une analyse partagée du présent, ainsi qu’une vision commune du « Laval à venir » et des stratégies à développer pour le construire ».[3] Dans les forums locaux et le forum régional, des enjeux sociaux québécois importants ont été abordés, mais plus particulièrement les enjeux régionaux et locaux qui visent l’amélioration des milieux de vie de la ville de Laval dans une perspective de développement durable. Un comité de travail s’est donc penché sur la répartition et la définition des thèmes abordés dans les forums locaux et au FSLaval afin de s’assurer que tous les aspects concernant le développement social de la vie lavalloise puissent être abordés. Ainsi, les thématiques retenues et abordées sont les suivantes : environnement et écologie ; logement et aménagement urbain ; services publics et para-publics ; emploi, pauvreté et développement économique ; problèmes de la rue et sécurité ; démocratie et pouvoir populaire ; arts, communication et milieu culturel ; identité culturelle et appartenance à la communauté ; soutien aux initiatives citoyennes.[4] Finalement, dans le but d’encadrer les activités du FSLaval, quatre axes transversaux ont été définis pour permettre de guider la réflexion et les débats qui ont eu lieu au cours des différentes activités. L’objectif de ces axes est de dégager des perspectives communes par lesquelles il est possible d’aborder les divers thèmes qui ont été mentionnés précédemment. Ces quatre axes sont les suivants : quel projet de société pour la région de Laval et pour le Québec de demain? ; Enjeux égalitaires et intégration à la communauté ; vers l’égalité de fait entre les femmes et les hommes ; développement social et implication citoyenne.[5]

Grâce à ces objectifs, le FSLaval permet aux citoyens et aux citoyennes d’identifier les enjeux locaux et régionaux sur lesquels ils souhaitent agir de manière collective et les façons d’y parvenir ; de susciter des échanges et des débats entre les différents acteurs de la société civile ; délocaliser les problématiques sociales locales et permettre la création d’un idéal collectif régional ; aider la transformation sociale grâce à une pratique citoyenne et une approche globale ; inciter les citoyens et les organisations à agir ensemble pour améliorer le milieu de vie à Laval ; le partage, la promotion et la diffusion d’initiatives et de projets alternatifs ; la promotion d’un développement durable, solidaire, juste, égalitaire et harmonieux.[6] Le slogan du Forum social de Laval représente ces objectifs et ce qui a motivé la démarche : « pour un demain plus humain ».

Forum social régional de Lanaudière

Le Forum social de Lanaudière (FSLanaudière) a eu lieu au Cégep de Lanaudière, au Collège constituant de L’Assomption, du 24 au 26 avril 2009. Les soirées d’ouverture, de spectacle ainsi que la plénière de clôture se sont déroulées, quant à elles, à l’école secondaire Paul-Arsenau, tout près du Collège. Que ce soit pour la tenue d’un kiosque, l’animation ou la simple participation aux ateliers, le Forum a attiré plus de 500 personnes, selon les statistiques officielles du comité organisateur. Ces 500 participants, composés de nombreuses organisations communautaires, de citoyens et de quelques élus, se sont réunis afin de discuter d’enjeux généraux et de réalités plus particulièrement lanaudoises.

À cet égard, le FSLanaudière a pour mission une conscientisation aux enjeux globaux tout en « [agissant] localement, puisque c’est à ce niveau-là que tous ensemble nous disposons d’un réel pouvoir pour changer les choses »[7]. Tout comme le FSQ et le Forum social lavallois, il « s’inscrit dans la mouvance des forums sociaux mondiaux … qui visent à penser, partager et mettre en œuvre des alternatives à la mondialisation néolibérale et à promouvoir un autre monde possible »[8]. Le FSLanaudière a donc pour but d’offrir un espace d’échange, de rencontre et de délibération ouvert afin de « stimuler l’engagement et la participation de tous à la vie publique »[9].

Pour atteindre ces objectifs, il s’est doté de quatre axes transversaux dans sa Charte constitutive : la résistance aux logiques dominantes ; la recherche d’alternatives ; les projets de société pour le Lanaudière de demain ; ainsi que l’articulation entre les initiatives locales et les dynamiques globales[10]. C’est exactement dans cette articulation entre les initiatives locales plus concrètes et les discussions sur les dynamiques globales que réside la première différence majeure avec le Forum social de Laval. À Lanaudière, malgré une légère tendance à considérer le Forum comme un acteur aux niveaux local et régional, il y a une nette volonté de le conserver en tant qu’espace de discussion sur des enjeux plus larges. Cette dernière façon de le voir fait en sorte qu’il se retrouve en contraste avec Laval, dont la structure permettait des résultats plus concrets, notamment avec le concept de chantiers que nous exposerons plus loin.

Les quatre axes transversaux énumérés plus haut sont donc présents dans chacun des six grands thèmes abordés lors de l’évènement : la démocratie ; les services publics ; l’environnement ; l’économie ; la culture et les communications ; ainsi que le respect. Ce dernier thème englobe les enjeux liés aux groupes défavorisés et/ou minoritaires tels que les femmes (très présentes dans la programmation), les Autochtones, les jeunes ainsi que les groupes ethnoculturels. Ainsi, tous ces éléments sont-ils mis en œuvre pour encourager la participation citoyenne dans la région, d’où le slogan du Forum : « Ensemble pour un meilleur Lanaudière! »[11]

Processus et démarche

Le processus menant à des forums sociaux régionaux s’inscrit dans un contexte sociopolitique en changement avec la création du Forum social mondial en 2001 et, par la suite, la tenue de plusieurs forums sociaux à différentes échelles (mondiale, nationale et régionale). Au Québec, il y a eu plusieurs initiatives par des organisations régionales, avant et après le Forum social québécois, afin de réaliser une démarche similaire à plus petite échelle.

Processus et démarche du Forum social de Laval

 

En octobre 2005, la Corporation de développement communautaire de Laval (CDC)[12] a eu l’idée d’organiser un forum social régional dans cette ville et l’organisation a commencé à travailler à la tenue de ce forum à partir de l’automne 2007.[13] Même si l’évènement a eu lieu en avril 2009, il est important de mentionner que la démarche et les activités du FSLaval ont commencé avant, avec la tenue de forums locaux dans chaque quartier de Laval entre août et décembre 2008. Le but de ces forums locaux est de permettre aux citoyens de discuter des enjeux locaux de leurs quartiers et de trouver des solutions communes. Selon les organisateurs, l’objectif premier de ceux-ci est de « mettre les gens en action autour d’enjeux communs à leur localité ».[14] Il y a eu plus de 600 personnes et environ 100 organismes qui ont participé à ces différents forums locaux. Déjà, à la suite de ces forums, différentes initiatives et actions concrètes ont été choisies par les participants afin d’améliorer la qualité de vie dans leur quartier.[15] Il est donc possible de constater que ce long processus qui a mené à l’évènement tenu en avril 2009 a débuté bien avant et qu’il y avait déjà une base solide (implication de citoyens et d’organismes dans différents comités, initiatives, actions, etc.)

Dans le but de préparer le Forum social de Laval et les neuf forums locaux, une structure organisationnelle composée de différents comités et sous-comités a été élaborée et les citoyens habitant Laval pouvaient se joindre à un sous-comité. La table de coordination est le comité qui planifie l’ensemble de la démarche, coordonne les différentes étapes de la démarche menant au FSLaval et s’assure de la concrétisation de celui-ci. Il y a deux volets à ce comité : permettre aux partenaires de participer activement dans la planification de la démarche et la mise en place d’un lieu d’échanges d’informations et de planification de la mobilisation des collectivités pour les forums locaux et le FSLaval. Ce comité est composé d’organismes qui appuient la démarche et des membres de la Corporation de développement communautaire de Laval. Ensuite, un comité de programmation s’occupe de la planification des activités du FSL et s’assure que les différentes thématiques choisies soient abordées. Un troisième comité s’occupe de la logistique, c’est-à-dire la planification et la coordination de l’organisation logistique du forum (inscription, accueil, sécurité, garderie, recrutement des bénévoles, etc.). Le comité communication élabore et met en œuvre les stratégies de communication entourant l’ensemble de la démarche menant au FSLaval. Finalement, le comité « écoresponsable » s’occupe de la planification des infrastructures écoresponsables[16] et des outils pour y parvenir.[17]

Processus et démarche du Forum social de Lanaudière

Le Forum social lanaudois est le résultat d’une transformation du collectif Solidarité Lanaudière. Ce dernier est constitué d’organisations communautaires et syndicales ainsi que de tables de concertation chapeautant elles-mêmes de nombreux groupes communautaires. À partir de sa participation au IIe Sommet des peuples à Québec en 2001, combinée à la prolifération des forums sociaux de toutes sortes, l’idée est venue de, non seulement contribuer à l’organisation du FSQ qui a eu lieu en 2007, mais aussi d’y animer un atelier sur la possibilité de tenir un tel évènement dans la région de Lanaudière. Avec une vingtaine de participants à l’atelier et une réponse positive, Solidarité Lanaudière s’engage donc à organiser le Forum. Ce regroupement étant à la base du FSLanaudière, presque toutes les organisations le constituant (et plusieurs autres n’en faisant pas partie) ont participé à la mise sur pied du Forum, la plupart à titre de membre du comité organisateur, mais aussi en tant que bénévole et animateur d’ateliers et/ou de kiosques.

Durant près de deux ans, plus d’une dizaine de syndicats, d’organismes communautaires et d’individus mettent la main à la pâte pour réaliser le projet. Une Charte constitutive est adoptée et cinq comités sont créés. Le comité de communication et mobilisation est responsable d’établir un plan de communication et de diffuser l’information à l’échelle régionale. Le groupe chargé du financement doit établir un budget et s’occuper de trouver les contributions nécessaires au bon fonctionnement de l’évènement. L’unité de logistique doit trouver des partenaires logistiques locaux afin de s’assurer, entre autres, d’être approvisionnée de produits locaux, d’aménager adéquatement les espaces utilisés et d’avoir un Forum écoresponsable. L’entité responsable de la programmation organise les différentes activités : plage horaire des ateliers, les artistes invités, activités culturelles, etc. Finalement, le comité de coordination, point central de l’organisation, est composé d’un membre de chacun des comités précédents et a pour principales tâches d’exécuter les décisions prises à l’assemblée générale, de faire le suivi des différents comités ainsi que d’assurer la communication entre ces derniers[18].

Influence du processus et de la démarche sur les résultats

Sociologie des participants

 

La sociologie des participants est très similaire en ce qui concerne ces deux forums régionaux.[19] De manière générale, une majorité des participants était des femmes (environ 60 %), nous avons estimé qu’ils étaient âgés de 35 à 50 ans et il y avait peu de participants issus de groupes ethnoculturels. Même s’il y a des jeunes qui participaient, ils agissaient en grande partie à titre de bénévoles et étaient généralement peu présents dans les ateliers. À Lanaudière, plusieurs jeunes du Cégep de Joliette ont donné deux ateliers. Ces derniers s’étaient préparés tout au long de la session dans le cadre d’un de leur cours et leur présence au FSLanaudière faisait partie de leur évaluation finale. Il y avait un transport organisé à partir de Joliette afin de permettre à ces jeunes (qui étaient environ une centaine) de s’y rendre facilement. De plus, la présence non négligeable des personnes âgées était surprenante à Lanaudière : même si plusieurs ateliers les concernaient directement, leur participation s’étendait à des activités portant sur différents enjeux.

La grande majorité des participants faisaient partie d’organismes du milieu communautaire et syndical ou, dans le cas lavallois, de comité et de groupes de travail issus des forums locaux qui avaient eu lieu en 2008. Il y avait aussi des députés fédéraux et provinciaux qui étaient présents. À Laval, aucun élu de la ville ne s’est présenté au forum social, alors que le maire de L’Assomption, ville-hôte du FSLanaudière, a prononcé une allocution lors de la soirée d’ouverture. De plus, il y a une autre différence entre les deux forums concernant la participation des élus. À Laval, le comité organisateur a prévu que certains participants pourraient être présents aux ateliers (dont les élus), mais ils n’auraient toutefois pas le droit de parole. Munis d’un carton rouge, ils ne pouvaient qu’écouter ce que les citoyens et les groupes avaient à dire. Par contre, il n’y avait pas de mesures similaires à Lanaudière, ce qui a donné lieu à un accroc durant le forum, car certains représentants de partis politiques n’ont pas eu de droit de parole, alors que le député fédéral de Joliette, Pierre Paquette, a fait un discours lors de la soirée d’ouverture et il a profité de cette occasion pour émettre des commentaires partisans. De plus, il a été déploré que du financement de la part de certains élus ait été accepté par l’organisation du forum

 

 

 

 

Déroulement des évènements

 

En ce qui concerne le déroulement des deux évènements, il y a des différences assez significatives qui semblent avoir eu une influence sur l’implication citoyenne et sur les initiatives choisies. Tout d’abord, à Laval, le forum a débuté avec avec la soirée d’ouverture le vendredi soir (animation de Manon Massé, conférence de Michel Venne et spectacle de Jonathan Painchaud). La journée du samedi s’est déroulée en deux parties : les ateliers en matinée et quelques ateliers ainsi que les chantiers régionaux en après-midi. Les ateliers ont principalement un but éducatif et permettentt aussi aux différents participants d’échanger entre eux et de s’informer. Ils avaient généralement la forme de conférence. Plusieurs sujets ont été abordés, mais certains thèmes étaient plus présents, notamment les sujets touchant l’environnement (écologie), les femmes et le féminisme ainsi que la santé. Quant aux chantiers, ils ont principalement pour but d’identifier les solutions nommées par les citoyens et les partenaires qui pourraient être mises en œuvre. Ils permettent aussi de trouver les moyens d’action pour y parvenir et d’identifier les porteurs de ces projets. Durant l’après-midi, tous les chantiers avaient lieu en même temps, il était donc impossible pour les participants de s’impliquer dans plus d’un projet. Par contre, durant la cérémonie de clôture, un retour était fait sur les chantiers régionaux et il était possible de s’inscrire dans les comités ou les groupes qui avaient été mis sur pied la veille. Il y a un total de 35 ateliers qui étaient offerts et 5 chantiers régionaux. Durant une majorité de la journée, plusieurs kiosques (21 kiosques) étaient présents. Finalement, il y avait aussi une programmation artistique et des expositions qui étaient présentées durant la journée du samedi.

En ce qui a trait à la participation au FSLaval, il a été observé qu’une majorité des interventions de la part des citoyens et de différentes personnes qui étaient présentes dans les ateliers, les chantiers et durant la plénière de fermeture était très personnelle et individuelle. Il s’agissait rarement d’une analyse de l’enjeu d’une manière globale, mais plutôt un partage des expériences personnelles entre les différents participants et les personnes qui animaient les ateliers. L’un des objectifs principaux est de rechercher, de promouvoir et de diffuser des initiatives et des projets qui offrent une réponse ou une alternative à l’idéologie néolibérale et aux politiques qui vont dans ce sens. Cet objectif est inscrit sur le site internet du FSLaval, mais ce sont plutôt les organisateurs et les conférenciers qui y ont plus fait référence, particulièrement en parlant de participation citoyenne (conférence de Michel Venne et Manon Massé en a souvent parlé aussi).

À Lanaudière, la soirée d’ouverture était animée par Andrée Saint-Georges de Culture Lanaudière et plusieurs discours ont été prononcés par des gens de différents milieux, dont Daniel Tessier, coordonnateur et président du FSLanaudière et président du Conseil central de Lanaudière (CSN). De plus, il y eut une prestation de l’auteur-compositeur-interprète attikamek, Sakay Ottawa, ainsi qu’un spectacle des Zapartistes. Le samedi, les 68 ateliers autoprogrammés étaient divisés en quatre blocs contenant 17 activités chacun. Il y avait une quarantaine de kiosques et plusieurs autres activités culturelles qui se déroulaient tout au long de la journée.

Beaucoup de thèmes y ont été abordés, mais les plus récurrents étaient l’environnement, l’économie sociale, le féminisme et la culture. Les ateliers étaient plutôt sous forme de conférence plus ou moins formelle, se terminant généralement par une discussion politisée et parfois très animée. Cependant, même si les participants étaient généralement invités à intervenir tout au long des ateliers, seul un faible nombre d’entre eux supposait une participation active, à savoir une participation qui.. n’était pas sous forme d’exposé ou de conférence, mais plutôt sous forme de jeu ou de création. À la fin de chaque atelier, une proposition était élaborée et chacune d’elles a été adoptée le dimanche durant la plénière. Des discussions et débats pertinents ont eu lieu lors de cette assemblée, qui a réuni une soixantaine de personnes.

Implication citoyenne, initiatives et actions retenues

À Laval, ce sont surtout les chantiers régionaux et le retour sur les chantiers à la plénière de fermeture qui ont permis aux citoyens de s’impliquer, de créer des comités et de choisir des actions concrètes pour régler les problèmes soulevés lors des forums locaux et durant le forum social régional. Les cinq chantiers régionaux abordaient plusieurs thèmes : les quartiers écoresponsables ; le transport en commun ; l’aménagement piétonnier et cycliste ; l’intégration des néo-québécois ; la sécurité alimentaire à Laval. Dans chacun de ces chantiers, des organismes et des citoyens ont choisi des actions, ont mis sur pied des comités ou bien fixé une rencontre pour continuer de travailler sur la mise en œuvre des solutions. Ainsi, nous pouvons dire que des actions concrètes ont été choisies et que le travail pour les mettre en action a déjà débuté pendant le forum social. De plus, durant la plénière de fermeture, le comité organisateur a permis aux participants de donner leur nom et leur numéro de téléphone afin d’être contactés pour s’impliquer dans les différents projets issus des chantiers régionaux.

À Lanaudière, une liste de 48 propositions de tout ordre a été adoptée le dimanche à la plénière de clôture. L’idée était de les transmettre aux élus, aux organisations ou même aux ministères concernés afin qu’ils les considèrent dans leurs actions et leurs décisions. Il est cependant de l’affaire de tous de garder ces propositions en tête et de les mettre en application dans ses gestes quotidiens. Nous retrouvons encore une fois cette différence avec la ville de Laval, qui est beaucoup plus axée sur les résultats que Lanaudière. Ce dernier ayant plutôt des objectifs très difficiles à évaluer et à mettre en œuvre, comme de « stimuler l’engagement et la participation de tous à la vie publique »[20].

 

Conlusion

 

En terminant, nous pouvons constater qu’il y a plusieurs similarités entre les deux forums sociaux régionaux étudiés : ils ont eu lieu en même temps, dans des régions assez rapprochées, il y a une sociologie des participants similaire et des thèmes semblables. De plus, les objectifs des deux évènements s’inspiraient fortement de ceux du FSQ et visaient la participation citoyenne ainsi que la recherche d’alternatives à l’idéologie et aux politiques néolibérales. Toutefois, nous constatons que la démarche, le processus et les résultats diffèrent entre les deux cas étudiés. Selon les informations recueillies, le processus du Forum social de Laval a débuté avant celui de Lanaudière et des forums sociaux locaux ont eu lieu avant l’évènement régional. Ainsi, des comités avaient déjà été créés, des actions avaient été choisies et les problèmes vécus par les citoyens des quartiers avaient été identifiés. À Lanaudière, c’est suite à un atelier au Forum social québécois que la décision a été prise d’organiser l’évènement, ce qui a enclenché le processus du Forum et de transformation du collectif Solidarité Lanaudière, sans tenir au préalable des forums sociaux locaux. Ainsi, à Laval, les enjeux qui préoccupent le plus les citoyens ont été dégagés et les chantiers régionaux portaient sur ceux-ci. Il a donc été possible de se concentrer sur les actions à privilégier et à la mise sur pied de comités composés de citoyens et de partenaires pour mettre en œuvre des actions. Cette procédure d’organiser plusieurs forums sociaux locaux avant la tenue du forum régional n’ayant pas été préconisée par le FSLanaudière, les résultats en sont effectivement différents, soit moins concentrés sur les démarches concrètes et plus sur une sensibilisation des participants et une modification de leur comportement.

D’une manière plus globale, il est intéressant de regarder les démarches et les résultats de ces deux forums régionaux et de les mettre en lien avec les objectifs de transformation sociale du Forum social mondial (FSM). En effet, les forums sociaux régionaux s’inspirent du FSQ, mais aussi de ce qui se passe au niveau mondial. Les objectifs du FSM sont de permettre la mise sur pied d’un espace de débat démocratique, d’échange et de réflexion où il est possible de formuler des propositions qui s’opposent au néo-libéralisme, à l’impérialisme et à la domination du monde par le capital, ainsi que la recherche d’alternatives aux politiques néo-libérales[21]. Comme nous l’avons mentionné, ces objectifs ont été repris par les comités organisateurs. Or, nous constatons que malgré la création d’un espace de débat et d’échange, les résultats de ces forums régionaux sont assez loin des objectifs du FSM. Même s’il y a l’adoption de propositions et du choix des actions pour éliminer les problèmes vécus par les citoyens ainsi que la mise sur pied de comités, ces résultats se concentrent principalement sur les problèmes locaux et régionaux et il n’y a pas de remises en question évidentes et claires des politiques néo-libérales dans leur sens plus large. Bref, sauf pour quelques propositions, l’accent semble plutôt sur la participation citoyenne et la recherche d’actions concernant des problèmes ciblés et à plus petite échelle. Ainsi, même si ces forums régionaux ne parviennent pas à atteindre tous les objectifs du FSM, il est important que des initiatives soient prises à tous les niveaux pour favoriser la participation citoyenne, permettre la mise sur pied d’espaces de débats et d’échanges et sensibiliser les citoyens à différents enjeux et aux objectifs des forums sociaux.

Émilie Goulet et Julie Robillard étudient la science politique à l’Université de Montréal.


[1] Nous avons assisté à ces forums sociaux régionaux et fait de l’observation participative dans le cadre d’une recherche ayant pour titre « Rassemblements militants locaux et nouvelle culture politique : analyse comparée et spatialisée » et menée par Pascale Dufour, Professeure agrégée du Département de science politique de l’Université de Montréal. Ce projet est financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.

[2] Voir la deuxième partie de l’article pour des informations supplémentaires sur les forums locaux qui ont précédé le Forum social de Laval.

[3] « Forum social de Laval – Objectifs », (Corporation de développement communautaire de Laval, 2009) En ligne. <http://www.cdclaval.org/index.php/forum-social/70-la-demarche/46-objectifs> (page consultée le 23 avril 2009).

[4] « Forum social de Laval – Liste des thématiques », (Corporation de développement communautaire de Laval, 2009) En ligne. <http://www.cdclaval.org/index.php/forum-social/70-la-demarche/48-liste-des-thematiques> (page consultée le 23 avril 2009).

[5] « Forum social de Laval – Axes transversaux », (Corporation de développement communautaire de Laval, 2009) En ligne. <http://www.cdclaval.org/index.php/forum-social/70-la-demarche/264-axes-transversaux> (page consultée le 23 avril 2009).

[6] Id.

[7] « Le premier Forum social lanaudois » (Forum social lanaudois, 2009). En ligne. <http://www.forumsociallanaudois.org/index.php> (Page consultée le 4 août 2009)

[8] Idem.

[9] Idem.

[10] « Charte constitutive du Forum social lanaudois » (Forum social lanaudois, 2009). En ligne. <http://www.forumsociallanaudois.org/Publications/charte-constitutive-fsl.pdf> (Page consultée le 4 août 2009).

[11] « Le premier Forum social lanaudois » (Forum social lanaudois, 2009). En ligne. <http://www.forumsociallanaudois.org/index.php> (Page consultée le 4 août 2009).

[12] La CDC regroupe environ 100 organismes communautaires qui œuvrent dans divers champs d’activité et elle participe au développement de la communauté.

[13] « Forum social de Laval – Historique », (Corporation de développement communautaire de Laval, 2009) En ligne. <http://www.cdclaval.org/index.php/forum-social/70-la-demarche/45-historique> (page consultée le 23 avril 2009).

[14] « Forum social de Laval – Calendrier des évènements », (Corporation de développement communautaire de Laval, 2009) En ligne. < http://www.cdclaval.org/index.php/forum-social/70-la-demarche/47-calendrier-des-evenements> (page consultée le 23 avril 2009).

[15] « Forum social de Laval – Les forums locaux », (Corporation de développement communautaire de Laval, 2009) En ligne. <http://www.cdclaval.org/index.php/forum-social/72-les-forums-locaux> (page consultée le 23 avril 2009).

[16] Le concept d’écoresponsabilité réfère à la prise en considération des principes et enjeux du développement durable, c’est-à-dire assumer les responsabilités au niveau au niveau environnemental, social et économique, afin de favoriser les impacts positifs et diminuer les impacts négatifs. Par exemple, plusieurs gestes peuvent être posés afin de rendre un évènement écoresponsable : utilisation de vaisselle réutilisable ou compostable; nourriture bio-équitable; objectif zéro déchet grâce au recyclage et au compostage; transport vert et co-voiturage; achat local, etc.

[17] « Forum social de Laval – Comités forums», (Corporation de développement communautaire de Laval, 2009) En ligne. <http://www.cdclaval.org/index.php/forum-social/70-la-demarche/237-comites-forum> (page consultée le 24 avril 2009).

[18] « Charte constitutive du Forum social lanaudois » (Forum social lanaudois, 2009). En ligne. <http://www.forumsociallanaudois.org/Publications/charte-constitutive-fsl.pdf> (Page consultée le 4 août 2009).

[19] Ce sont des estimés basés sur une observation participative et non sur les données officielles de ces deux forums sociaux régionaux.

[20] « Le premier Forum social lanaudois » (Forum social lanaudois, 2009). En ligne. <http://www.forumsociallanaudois.org/index.php> (Page consultée le 4 août 2009).

[21] « Forum social mondial » (Fórum Social Mundial). En ligne. < http://www.forumsocialmundial.org.br/main.php?id_menu=19&cd_language=3> (page consultée le 7 août 2009).


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