L’éducation : un défi démocratique pour le Birmanie

Par Joséphine Clerf

Autrefois l’une des populations la plus éduquée de la région, le Myanmar est aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres au monde avec un système éducatif défaillant ; résultat de cinquante années de dictature militaire (Hayden et Martin, 2013). Le défi est de taille face aux inégalités et aux problèmes sociaux. En effet, les capacités d’un État sont démontrées par son leadership, mais également par des réformes efficaces. Celles-ci passent dans un premier temps par l’éducation, mais aussi par le soutien aux classes démunies. En d’autres termes, une société démocratique et stable implique l’autonomie des pauvres et la possibilité de façonner leur propre vie, notamment grâce à l’accès à l’éducation. Toutefois, et cela depuis l’arrivée au pouvoir de la junte militaire, les difficultés de développement des secteurs sociaux persistent (James, 2005). Comment expliquer le niveau de développement du système éducatif en Birmanie ?

Avant la colonisation britannique, le monastère bouddhiste servait de centre d’éducation et de culture. La couronne britannique à part la suite mit en place un système éducatif afin de servir les besoins du commerce et des échanges internationaux. C’est à partir de la Seconde Guerre mondiale que les universités ont rouverte proposant un nouveau souffle pour le pays. Les écoles monastiques ont par la suite repris une place prépondérante dans l’éducation.

Général Ne Win (1911-2002)

La dictature militaire

À partir de 1962 avec l’arrivée de la junte militaire au pouvoir, les réformes sur l’éducation ont été suspendues. Le système éducatif a pris une nouvelle tournure. L’éducation était basée sur les valeurs morales du socialisme et l’accès à celle-ci s’est vu accordé aux plus « méritants » du régime. Les universités et les établissements d’enseignement du pays étaient contrôlés directement par l’État. Les intellectuels représentaient pour la junte militaire des adversaires potentiels au régime (James, 2005). L’éducation est rapidement devenue un luxe, car les dépenses gouvernementales pour celle-ci ont peu à peu diminué jusqu’à ne représenter plus que 1% des dépenses publiques. Les familles étaient contraintes de payer pour les uniformes, le matériel et les manuels scolaires ce qui fut une barrière pour une grande partie de la population vivant sous le seuil de pauvreté. À titre de comparaison, la junte militaire accordait 25% des dépenses gouvernementales au secteur militaire (Buncombe, 2013). Durant cinquante ans, le système éducatif s’est détérioré et les capacités d’enseignement se sont vues réduites. Afin de garder le contrôle de sa population, la junte a mis en place un système éducatif basé sur la mémorisation et l’apprentissage des manuels scolaires. Les enseignants ont été formés comme tels et le matériel imposé était commun à chaque établissement. Les universités se sont déplacées loin des villes pour éviter une forte concentration. En 1988, la première manifestation étudiante menée par les moines et les travailleurs a conduit le pays à plus de répression. L’enseignement à distance l’« e-learning » s’est alors développé : les élèves apprenaient à distance grâce à des casettes préenregistrées. Tous les moyens mis en œuvre par le gouvernement avaient pour but d’éloigner la critique du régime et de garder la main mise sur sa population (Bordier et Mendès, 2011). Néanmoins, dans les années 1990, le pays s’est ouvert au commerce extérieur avec son entrée à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) en 1995 et en 1997 à l’Association des nations de l’Asie du Sud-est (ASEAN). Le régime militaire a été contraint de se plier à certaines règles, notamment aux 6 objectifs de l’Éducation pour tous (EPT) mis en place par l’ONU. Cependant, face à une société hiérarchique où le gouvernement a empêché la création de capital social et le développement d’une société civile, la Birmanie est loin derrière les pays voisins et les objectifs de l’EPT ne sont toujours pas réalisés (Europa, 2013).

Les trois problèmes majeurs de l’ancien système sont : le budget alloué à l’éducation depuis 1962,  la détérioration du système éducatif (l’accès à l’éducation n’est pas encore universel notamment dans les zones frontalières), ainsi que la qualité de l’enseignement.

La nécessité de réforme et de développement

La société birmane est fragmentée, le sous-financement et la mauvaise gestion du système éducatif ne permettent pas aux populations de faire face au défi du développement (Europa, 2013). Les infrastructures, les professeurs et leur méthode d’apprentissage sont en retard et quasi identiques aux années 1950 (Hayden et Martin, 2013). Les générations sous le régime de la junte ont grandi avec un apprentissage de base. Le défi est ainsi de mettre en place un nouveau système éducatif afin d’apporter une éducation solide pour les générations futures, mais aussi pour les générations délaissées par le régime autoritaire.

(130911) — YANGON, Sept. 11, 2013 (Xinhua) — Students attend class at a local school on the outskirts of Yangon, Myanmar, Sept. 11, 2013. (Xinhua/U Aung)(axy)

Au Myanmar, on rencontre aujourd’hui une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. C’est ainsi que le gouvernement au pouvoir a mis en place des réformes sur la structure éducative et sur le budget alloué à l’éducation passant à 4,4% des dépenses publiques en 2013-2014. Cependant, le système éducatif reste extrêmement faible face aux besoins nécessaires au développement du pays, au développement du système éducatif et pour les générations futures. Le pays est de plus en plus conscient quant à la nécessité d’une nation éduquée pour rattraper le retard de ses voisins régionaux. L’amélioration des normes de santé, de conditionnement physique et d’éducation occupe une place importante parmi les 4 objectifs sociaux afin de construire une nation pacifique, unie et développée. Le Myanmar accorde une haute priorité à l’éducation comme l’un des principaux chemins vers un développement national : il sera ainsi nécessaire de non seulement augmenter les dépenses publiques du pays, mais aussi de favoriser une cohésion entre les pouvoirs publics et les citoyens (James, 2005).

 

Bibliographie

Bordier, G., & Mendès, T. (Réalisateurs). (2011). Birmanie : La dictature de l’absurde [Film].

Buncombre, A. (2013, février 17). Why Burma is going back to school. Récupéré sur Independent: http://www.independent.co.uk/news/world/asia/why-burma-is-going-back-to-school-8498163.html

Hayden, M., & Martin, R. (2013). Recovery of the Education system in Myanmar . Southern Cross University.

James, H. (2005). Governance and Civil Society in Myanmar. New York: Routledge Curzon.

LE DOCUMENT DE STRATÉGIE CE-BIRMANIE/MYANMAR (2007-2013). (2013). Europa. Récupéré sur http://eeas.europa.eu/archives/docs/myanmar/csp/07_13_fr.pdf

 

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