Prostitution, pédophilie, pornographie: une réalité aux Philippines

de Manon de Dianous

Une petite fille victime du trafic sexuel aux Philippines

La prostitution d’enfants est devenue un commerce de plus en plus lucratif dans la région d’Asie du Sud-Est où la Thaïlande et les Philippines sont les destinations phares des délinquants sexuels (ECPAT, 2011). À l’heure où la protection des droits de l’enfant est une priorité internationale, les autorités philippines peinent à éradiquer ce trafic sexuel, désormais ancré dans le quotidien des populations les plus pauvres. En effet, une multitude de facteurs contribuent à la perduration de la prostitution enfantine et ce malgré les diverses interventions des organisations internationales. Comment expliquer qu’une telle industrie sexuelle existe toujours aux Philippines ?

 

Vivre en situation de pauvreté : incitation à la prostitution

Enfants dans la rue: potentielles victimes de prostitution et de pédophilie

L’essor du tourisme a contribué au développement de la prostitution dans les pays asiatiques, les étrangers étant vus comme une source de revenus importants, un échappatoire à une destinée précaire. Emploi souvent mieux payé et moins difficile, vendre son corps devient alors une solution alternative pour se sortir de la pauvreté malgré des troubles psychologiques endossés.  Le taux de pauvreté explique en grande partie les motivations des populations à la prostitution et à la pornographie, deux réalités concernant majoritairement les enfants issus des zones rurales (Plasencia, 2007).  En effet, en 2012, plus d’un quart de la population philippine vit sous le seuil de pauvreté (Banque Mondiale). « Être pauvre aux Philippines signifie avoir de grande chance de devenir une victime du tourisme sexuel pour enfants » (Zafft, 2010). Les Philippines comptent encore entre 80 000 et 100 000 enfants contraints de se prostituer pour survivre (ECPAT, 2011). Parmi eux, beaucoup sont forcés par leurs parents qui vont même jusqu’à vendre leurs enfants pour avoir de meilleures conditions de vie. Cela en est même devenu un business familial. En effet, il a souvent été constaté que l’ensemble des membres de la famille soient impliqués dans le tourisme sexuel (enfants et mères) (Zafft, 2010). Bien que tabou et honteux, la pratique de la prostitution infantile est souvent tolérée par les familles qui tentent de voir le positif derrière ces actes immoraux et humainement indignes. En effet, dans certains cas, des étrangers aident financièrement les enfants avec lesquels ils ont une relation sexuelle (dépenses éducation, vêtements…); les familles y voient alors un acte de charité (Zafft, 2010). En parallèle, des milliers d’enfants des rues, victimes d’abandon, d’exode rural et de misère sont poussés à se prostituer pour ne pas mourir (Plasencia, 2007). Les enfants sont donc manipulés et utilisés à des fins purement sexuelles et commerciales. Ce trafic humain est alimenté par les agences de voyage touristiques qui transmettent l’offre de services aux consommateurs sexuels. En effet, préoccupées par la possibilité d’accroître leur profit, elles œuvrent pour la stimulation du tourisme laissant de côté les politiques sociales, y compris la protection des enfants (Ireland, 1993). Ces derniers sont recrutés dans des zones rurales pauvres; les agents profitent de leur vulnérabilité pour les transformer en esclaves sexuels devant satisfaire les désirs des voyageurs (Flowers, 2001).

 

Le développement des nouvelles technologies : l’essor du cybersexe

« La hausse constante de la prostitution et de la pornographie enfantines est de plus en plus facilitée par le développement des nouvelles technologies de communication à travers le monde, notamment Internet » (Plasencia, 2007). En effet, l’exploitation sexuelle des enfants aux Philippines se fait de plus en plus à travers l’utilisation de webcam où les jeunes filles exécutent les commandes passées par des clients occidentaux en échange d’une faible somme d’argent (Ralambomamy, 2017). Ce marché virtuel du sexe implique des dizaines de milliers d’enfants aux Philippines, majoritairement des filles (ECPAT, 2011). Prises en photos et apparaissant dans des magazines, elles sont également amenées à s’exhiber nues pour satisfaire une demande importante émanant des pédophiles et pornographes (Zafft, 2010). Toute une industrie du sexe s’est bâtie en Asie, la prostitution infantile a été normalisée à travers l’initiation des enfants au commerce du sexe, compliquant son démantèlement (Flowers, 2001).

 

Une intervention gouvernementale insuffisante : profit économique ou protection de l’enfant ?

Tout à fait conscient de l’existence de l’exploitation sexuelle commerciale des enfants, le gouvernement philippin parvient difficilement à éradiquer l’esclavagisme sexuel. La persistance du tourisme sexuel s’explique par le laxisme des lois, une répression pénale insuffisante ainsi qu’un degré de corruption important au sein des administrations (Plasencia, 2007). De plus, les institutions possédant des intérêts dans l’industrie du tourisme hésitent à dénoncer et à criminaliser le tourisme sexuel fréquent chez les enfants en raison des apports lucratifs de ce commerce (Zafft, 2010). Toutefois des actions sont réalisées par les organisations internationales qui tentent de combler « la faiblesse des lois de protection de l’enfance aux Philippines » (Zafft, 2010). L’ECPAT Philippines, l’UNICEF ainsi que l’ONGI Save the Children mènent des campagnes préventives pour informer les populations des problèmes engendrés par le tourisme sexuel et de son intolérance à l’échelle international. Utilisés comme objet pour booster la croissance économique du pays, les enfants victimes de ces abus sexuels sont exposés au Sida et autres maladies sexuellement transmissibles, réduisant à néant toute possibilité d’avenir.

 

 


Bibliographie :

 Banque Mondiale. Données des Philippines.  En ligne : http://donnees.banquemondiale.org/pays/philippines (page consultée le 9 juin 2017).

ECPAT. 2011. Global Monitoring : Status of Action Against Commercial Sexual Exploitation of Children – Philippines. Bangkok : ECPAT.

Flowers, Barri. 2001. « The sex trade industry’s worldwide exploitation of children ». Annals of the American Academy of Political and Social Science, Vol 575, Issue 1.

Ireland, Kevin. «Sexual exploitation of children and international travel and tourism». Child Abuse Review, December 1993, Vol.2(4), pp.263-270.

Plasencia, Leonardo. 2007. « La prostitution enfantine dans le monde ». ECPAT France : Fondation Scelles, 14p.

Ralambomamy, Niriniaina. 2017. « Sexual Exploitation of children in the Philippines ». En ligne : http://www.humanium.org/en/sexual-exploitation-philippines/ (page consultée le 9 juin 2017).

Zafft, Carmen R. and Tidball, Sriyani, « A Survey of Child Sex Tourism in the Philippines » (2010). Second Annual Interdisciplinary Conference on Human Trafficking , 2010. Paper 22.

 

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