La faiblesse de la démocratie aux Philippines

Par Carl Alexandre Guercin

Après avoir accédé à son indépendance, les Philippines n’ont connu qu’un seul régime autoritaire, celui du président Ferdinant Marcos. En effet, le pays est la plus ancienne démocratie de l’Asie (Dressel 2011). Par contre, le pays a souvent été vu comme un État faible qui était dominé par des familles politiques puissantes (Quimpo 2014). Ainsi, les chercheurs ont souvent caractérisé la démocratie dans ce pays comme étant une démocratie de l’élite, une démocratie de l’oligarchie et finalement la démocratie des bourgeois (Quimpo 2014). Quelles sont les raisons qui expliquent la fragilité de la démocratie aux Philippines ? Nous analyserons dans ce billet les élections, la domination des élites et finalement l’arrivée d’un nouveau président qui d’après ses discours et ses actions, semble promouvoir un régime autoritaire.

Il faut reconnaitre que le régime de Ferdinand Marcos était très dur envers la population, notamment en supprimant la liberté d’expression, d’association, de presse et finalement les libertés civiles (Quimpo 2014). Depuis son reversement, force est de constater qu’il y a tout de même eu une transition démocratique caractérisée par des taux de participations élevés lors des élections et un engagement important de la société civile entre autres (Dressel 2011).

 

Les élections

En premier lieu, il y a des lacunes au niveau des élections. En effet, nous avons pu remarquer lors des élections de 2010, un taux de participation important, mais également un nombre de candidats significatif. Si bien que durant cette élection, il y avait plus de 85 000 candidats au total qui étaient en compétition pour 17 000 postes au niveau de la fonction publique, ces élections qui furent libres (Dressel 2011). Par contre, le problème survient dès lors qu’il y a énormément de fraudes et une organisation qui laisse à désirer. Sur ce sujet, un second problème majeur auquel fait face le pays est le patronage qui existe lors des élections, ce qui donne un avantage à certains candidats (Dressel 2011). Du coup, certains sont élus non pas à cause de leurs plateformes électorales ou leurs programmes, mais grâce aux pratiques douteuses des politiciens et des élites. En conséquence, le pays se retrouve souvent avec un parlement qui est contrôlé par les élites (Dressel 2011).

Nous remarquons une domination par les élites, un système de partie qui est faible, des structures sociales et politiques qui exclue les gens (Dressel 2011). Il y a eu des avancés dans la quête de démocratisation avec la tenue des élections tant au niveau national que locale et des consultations populaires ont lieu. En revanche, il est impossible de dire à quel point ces mesures ont réellement changé la vie politique du pays qui est toujours dominée par les élites (Dressel 2011). Nous pouvons donc en déduire que les variables que sont le déroulement des élections et la domination des élites affaiblissent la démocratie dans ce pays.

 

Un nouveau président

En second lieu, lors des élections de 2016, Duterte Rodrigo fut élu président des Philippines. Élu de manière convaincante, le président populiste qui est vu comme étant le Donald Trump du pays provoqua une onde de choc dans la région. Mais qu’en est-il vraiment et que représente son élection pour la démocratie aux Philippines ? Chose certaine, son élection fait craindre le pire quant à ceux qui veulent voir une consolidation de la démocratie (Alterasia 2016). Toujours dans la continuité selon laquelle les élites du pays contrôlent la politique, il est connu que le président Duterte a eu l’appui des élites et de la classe moyenne également (Alterasia, 2016).

Ensuite, les déclarations virulentes du nouveau président peuvent également faire craindre le pire. Au niveau de la presse, il déclara que les journalistes qui sont corrompus ne sont pas protégés contre les exécutions (Freedomhouse 2016). Il est également important de noter que depuis son accession au pouvoir, il y a eu près de 6000 individus tués par la police, mais également par des civiles (Freedomhours 2016). Ces actions sont encouragées par le président même. Toujours en ce qui concerne le nouveau président, force est de constater que les organisations civiles qui sont opposées à ses politiques reçoivent quotidiennement des menaces de la part du président, mais également de la part de ses partisans et plusieurs furent assassinés au cours de la dernière année (Alterasia 2016).

En conclusion, nous voyons que la démocratie est fragile et en danger aux Philippines. Les raisons sont multiples et dans ce billet, l’emphase fut mise sur les élections, l’élite et le nouveau président. Bien que durant les élections de 2016, il n’y a pas eu énormément de violences comme ce fut le cas en 2010, les élites du pays continuent de promouvoir leurs candidats dans la mesure où ce dernier sera capable de protéger leurs intérêts. Ensuite, en ce qui concerne le président, le discours autoritaire qui est le sien fait craindre le pire au niveau démocratique. La liberté d’expressions n’est plus respectée, il y a d’innombrables victimes dans sa guerre contre la drogue et depuis la proclamation de la loi martiale dans le sud du pays, il y a une crainte qu’elle soit rependue à tout le pays (Woody 2017).

 

Bibliographie

 

Freedom House : profil des Philippines. 2017. En ligne. https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2017/philippines (page consultée le 12 juin 2017).

 

Dressel, Björn. 2011. « The Philippines : how much real democracy ». International Political Science Review  32(5) : 529-545

 

Quimpo, Nathan Gilbert. 2014. «The limits of post-plunder reform in the Philippines’ oligarchic democracy». Dans Edmund S.K Fung et Steven Drakely, dir., Democracy in Eastern Asia. London and New York : Routledge, 119-137

 

Teehankee, Julio et Thompson, Mark. 2016. « Elections aux Philippines : un retour vers l’autoritarisme ? », Alterasia, 9 mai

 

Woody, Christopher. 2017. « Rodrigo Duterte’s martial-law declaration appears to fulfill some of his previous ominous declarations ». Business inseider , 24 mai

 

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