De la dictature à une démocratie fragile aux Philippines

Par Judith Cavallo

 

Les Philippines ont été une colonie des États Unis de 1898 jusqu’à 1942, suivi par une occupation japonaise durant la seconde guerre mondiale. Suite au retrait des troupes japonaises, les États Unis ont concédé l’indépendance du pays. De ce fait, avec la promulgation de l’indépendance, le pays sous l’influence de la puissance américaine, va instaurer une démocratie. Cependant, celle-ci ne tiendra pas et des retours fréquents vers la dictature se feront, notamment sous Ferdinand Marcos en 1972 (Wufel 2001). Lorsque le président Renald Reagan rétracte son soutien à Ferdinand Marcos, « en février 1986, ce qui a précipité son renversement et son départ des Philippines », une nouvelle démocratie est instaurée (Wurfel 2001). Cependant, cette démocratie encore en vigueur aujourd’hui s’avère instable et en péril.

Nous allons donc essayer de comprendre quelles sont les raisons de l’instabilité de la démocratie aux Philippines depuis la fin de la seconde guerre mondiale en 1946. Dans un premier temps, nous verrons les premières tentatives de démocratie dans le pays, pour ensuite comprendre les raisons de ces échecs.

 

Les nombreuses tentatives de démocratisation

Comme nous avons pu le voir auparavant, après le départ des troupes japonaises et la déclaration d’indépendance faite par les États-Unis, une tentative de démocratie voit le jour. C’est le président Manuel Roxas qui remporte les élections qui se sont déroulées au mois d’avril 1946. Les Philippines se rangent derrière les coutumes Occidentales, plus particulièrement américaines et imposent une démocratie identique à la population. Les résultats ne sont cependant pas identiques à ceux de leurs voisins occidentaux. En effet, cette première ère démocratique qui durera de 1946 jusqu’en 1972 sera une période d’instabilité et chaotique pour le régime mis en place (Éthier 2017).

Cependant, la démocratie n’a pas tenue, et ce, pour certains facteurs précis que nous allons voir par la suite.

Dans un premier temps, de grosses rivalités au sein du pays ont divisé la sphère politique de l’époque. En effet, de nombreux différents entre les grandes familles mestizos de l’oligarchie foncière, divisées par le nationaliste et le parti libéral, dans le but de contrôler le pouvoir politique. De plus, aucune réforme agraire n’a été mise en place durant cette période, et l’industrialisation n’a pas été développée. Nous savons pourtant que ce sont des facteurs importants afin d’avoir un régime qui évolue tout en étant stable. Cette absence de réforme à entrainé une révolte paysanne et l’émergence d’une Nouvelle Armée du Peuple contrôlée par le Parti communiste. Le pays voit notamment une prise de pouvoir par des familles importantes, or nous savons pertinemment que le système oligarchique ne permet pas à la démocratie de s’étendre au sein d’un pays.

Ce sont alors les causes principales qui ont entrainé le premier échec de la démocratie aux Philippines.

 

Les raisons de ces échecs

Le pays passe à un régime plus autoritaire, puisqu’après un coup d’État perpétré par Marcos, ce dernier installe une dictature. Le gouvernement est alors corrompu et les partis d’oppositions sont interdits et réprimandés. C’est en 1981 qu’une transition démocratique sera entreprise encore une fois. Cela avec l’affaiblissement du régime de Marcos, notamment dû au fait du retrait du soutien américain ainsi que l’intensification de la crise économique.  Comme en Indonésie, l’une des causes principales qui a entrainé la chute de la dictature de Marcos est la rébellion de l’armée contre le chef du gouvernement. Le contexte de crise économique ainsi que la pression faite par les États-Unis a aussi été un facteur déclencheur de cette rébellion.

 

Depuis juin 2016, c’est le président Duterte (vidéo) est à la tête de la démocratie philippine. Il succède à Aquino qui durant ses deux mandats a fait des « promesses de réformes de mettre en place des programmes gouvernementaux capable de réduire la pauvreté chronique, la faim, l’arbitraire des tribunaux et une corruption endémique piétinent et les changements qui se font toujours attendre » (Caouette 2012).

Cependant, cette démocratie en question n’est toujours pas consolidée et pose encore certain problème.

En effet, la légitimité du régime politique est encore en débat.  Au début des années 2000, 47,2% des Philippins considéraient le régime comme peu démocratique, et encore 30% le jugeaient encore dictatorial sur certains points (Courrier international 2016). Il en est de même par rapport à la satisfaction de la population envers la démocratie actuelle, peu y voient un changement avec le régime précèdent.

Il faut savoir que l’armée est soumise au pouvoir civil, l’armée des communistes et des intégristes musulmans se poursuit et que la corruption est encore très présente en 2016.

Pour continuer avec les facteurs qui ne permettent pas aux Philippines de consolider la démocratie, nous retrouvons le développement économique. Nous savons que ce dernier est essentiel à une démocratie stable, il a certes progressé, mais a en grande partie profité à une minorité, soit aux élites. Le pouvoir politique est encore entre les mains des familles influentes du pays, « les Philippines illustrent bien les difficultés et contradictions inhérentes à une démocratie inachevée, greffée sur une structure de pouvoir oligarchique » (Caouette 2012).

De plus, les élections sont entachées de fraudes et entrainent des affrontements violents entres les différents partis. Enfin, le respect des droits politiques et des libertés civiles sont encore approximatives, notamment avec la répression envers des journalistes.

 

Nous en concluons alors que la démocratie philippine n’est encore pas tout à fait efficiente grâce aux nombreuses causes évoquées ci-dessus. Et cela pourrait avoir du mal à changer durant les années à venir, et pour cause, la récente élection du président Duterte. Cette élection a suscité de nombreuses critiques, ce dernier est perçu comme « le symbole, non pas de l’espoir mais plutôt du désespoir, résultat du vote d’un électorat si désabusé qu’il ne peut plus distinguer ce qui est bien et ce qui ne l’est pas » (Courrier International 2016). Rodrigo Duterte a récemment déclaré qu’il voudrait rétablir la peine de mort et inciter la population à tuer eux-mêmes les potentiels suspects (Courri

er International 2016).

La démocratie aux Philippines a alors encore du chemin à faire.

 

 

Philippines : quelle politique économique pour le président Rodrigo Duterte ?

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Wurfel, David. 2001. « Les Philippines : une démocratie hésitante dans le contexte international ». Dans Revue internationale de politique comparée. De Boeck Supérieur. Vol 8. Pp 501-517. En ligne. https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2001-3-page-501.htm (page consultée le 30 mai)

Caouette, Dominique. 2012. « Philippines : une transition démocratique qui n’en finit plus ». CÉRIUM. Réseau Asie et Pacifique. Université de Montréal. En ligne. http://archives.cerium.ca/Philippines-Une-transition (page consultée le 30 mai).

Courrier International. 2016. « Philippines. Rodrigo Duterte, sauveur ou menace pour la démocratie ? ». Dans Courrier International. En ligne. http://www.courrierinternational.com/article/philippines-rodrigo-duterte-sauveur-ou-menace-pour-la-democratie (page consultée le 30 mai).

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