Thaïlande : une démocratie fragilisée ?

Par Paola Vegas

Jusqu’au 20e siècle, la Thaïlande était connue comme le Royaume de Thaïlande. En effet, ce pays de l’Asie du Sud-Est était un royaume aux monarques disparates. Il fallut attendre 1939 pour que le pays soit unifié en un seul et unique territoire, après le coup d’État militaire de 1932. Ce pays détient depuis un sentiment national fort, sous une monarchie constitutionnelle. Malgré l’important nationalisme présent sur le territoire, nous pouvons affirmer que le pays ne connut jamais de réel système politique stable. L’histoire de la Thaïlande est en effet marquée de nombreux soulèvements et de coups d’État. Le but de notre billet sera donc de tenter de comprendre pourquoi la démocratie Thaïlandaise demeure si volatile et instable. Nous nous pencherons notamment sur le cas de l’armée, que de nombreux citoyens thaïlandais considèrent comme la représentante de l’identité thaïe.

L’armée : protectrice de la nation, mais défenseuse de sa stabilité politique ?

(A) : Des soldats de l’armée thaïlandaise

Le premier défi auquel le pays fait face est le levier trop important que l’armée possède sur les institutions politiques du pays. En effet, un réel passage vers la démocratie stable et transparente ne sera possible que si l’armée ne transfert les pouvoirs qu’elle possède aux citoyens thaïlandais et ce depuis les années 80. Même jusqu’en 2010, « le Premier Ministre a étendu les pouvoirs du chef des armées. » (Mackinnon 2010). Cela signifie que depuis une trentaine d’années, les institutions politique du pays sont contrôlées par des militaires qui mettent d’abord en place des politiques dans leurs intérêts et ceux de leurs proches, en laissant alors de côté les droits plus fondamentaux des citoyens, comme la liberté de manifester et celle de s’exprimer. Un exemple de telles restriction et la violente répression des soulèvements étudiants de 1972, ou lors des manifestations de 1992. En somme, cela signifie que le pouvoir de l’armée demeure trop puissant sur la scène politique thaïlandaise, ce qui empêche les citoyens thaïlandais de détenir un vrai pouvoir démocratique.

 

Le mirage des politiques anticorruptions

Le second élément qui explique la volatilité des régimes et l’instabilité politique du pays est l’échec des politiques anticorruptions. En effet, de nombreuses tentatives furent mises en place au fil des ans pour tenter d’éradiquer la corruption « profondément présente dans le pays et en constant changement » (Mutebi 2008, 153), que ce soit dans l’armée ou dans d’autres branches du gouvernement thaïlandais. Cela passait par exemple par l’utilisation de la religion pour justifier les actions de l’armée. Il faut noter qu’avant « 1975, la police était celle qui s’occupait de contenir la corruption » (Mutebi 2008, 157). Ce système devint vite problématique et obsolète, étant donné que la police est aussi sujette à la corruption. Afin de pallier à ce manquement, le gouvernement thaïlandais décida en 1975 de créer « l’Office Of Counter Corruption Commision – OCCC- » (Mutebi 2008, 157). Malgré l’appui important de l’opinion publique, ces politiques de l’OCCC furent un échec cuisant, à cause notamment de la trop grande place de l’armée dans la politique et des faibles moyens donnés au bureau pour combattre de manière tangible la corruption, mais aussi la relation proche entre l’exécutif et l’OCCC. Cela explique donc que « le public ne semblait pas  avoir confiance en cette agence »(Mutebi 2008, 157). Même si depuis, le gouvernement a mis à jour ce bureau, en le transformant en une « Commission Nationale Contre la corruption — NCCC — » (Prasirtsik 2007, 880), en 2014, « 48 % de la population considèrent que la corruption entraine des pertes financières au pays » (PWC 2014, 13)[1] L’opinion publique reste donc encore majoritairement convaincue que la corruption influence grandement la politique de son pays. Comme l’explique Deuden Nikomborirak : « le gouvernement doit faire des efforts en termes de transparence, mais aussi laisser au public le droit de remettre en question les pouvoirs publics sans encourir de répressions » (BBB 2017). Pour ces raisons, nous pouvons affirmer que les échecs des politiques anticorruptions expliquent l’instabilité politique du pays, parce que celles ci empêchent les citoyens de pouvoir se reposer sur des structures politiques fortes.

Malgré tout, il ne faut pas perdre espoir que la politique de ce pays se stabilise. En effet, la Thaïlande bénéficie de l’avantage de compter sur son territoire une population relativement jeune, avec un âge moyen qui avoisine les 36 ans. Cela explique l’importance du mouvement étudiant dans le pays. Cette tranche de la population semble déterminée à remettre en cause le pouvoir en place et rendre la démocratie plus stable dans le pays.

Une autre manière d’atteindre une stabilité dans la politique du pays serait d’appliquer le principe de « bon gouvernement et bonne gouvernance » (Mutebi 2008, 165). Cela donnera aux citoyens thaïlandais le sentiment que leur gouvernement prend ses responsabilités, notamment en matière de transparence.

 

Bibliographie

Angleterre. 2015. “ Les crimes économiques en Thaïlande ”. Londres : PricewaterhouseCoopers. Dans PwC’s 2014 Global Economic Crime Survey. En ligne : http://www.pwc.com/th/en/consulting/forensic/assets/economic-crime-thailand-2014-en-02042015.pdf. Page consultée le 22 mai.

2017. Reportage. « La bataille de la Thaïlande contre la corruption fonctionne-t-elle ? ». En ligne : http://www.bbc.com/news/av/35887624/is-thailand-s-battle-against-corruption-working ». Page consultée le 23 mai.

M. 2008. « Expliquer les échecs du régime anticorruption de la  Thaïlande ». Development and Change. 39. (janvier) : 147-171.

M. 2010. « La Thaïlande étends son pouvoir militaire en pleine crise politique». The Globe and Mail. En ligne : https://www.theglobeandmail.com/news/world/thailand-expands-militarys-power-amid-political-crisis/article4189191/. Page consultée le 22 mai.

Prasirtsuk.K. 2007. « De la réforme politique et la crise économique à un coup d’état en Thaïlande : les rebondissements de la politique économique, 1997––2006 ». Asian Survey. 47 (novembre/décembre) : 872 – 893.

Iconographie

A. En ligne. http://www.francetvinfo.fr/monde/asie/thailande-l-armee-decrete-la-loi-martiale_604447.html

[1]Pour mieux saisir le ressenti de l’opinion publique, le rapport complet de la PwC’s est consultable sur : http://www.pwc.com/th/en/consulting/forensic/assets/economic-crime-thailand-2014-en-02042015.pdf

[2] Pour voir l’entrevue complète réalisée par la BBC : http://www.bbc.com/news/av/35887624/is-thailand-s-battle-against-corruption-working

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