Le typhon Haiyan aux Philippines : quel impact sur les femmes en milieu rural ?

de Clara Leroy

Haiyan est le plus puissant typhon jamais enregistré dans le monde. Il a touché le 8 novembre 2013 le centre des Philippines , plus précisément la région de Visayas. Ce typhon a causé la mort de 6293 personnes dont 65 % étaient des femmes et des jeunes filles[1]. Mais en plus des milliers de blessé-e-s et de disparu-e-s, le pays a du faire face à 4 millions de personnes forcées de partir de chez elles suite à cette catastrophe écologique[2]. Cet article se penche alors sur l’impact d’Haiyan sur les femmes dans cette région majoritairement rurale. Quelles ont été les conséquences de ce typhon sur leurs vie et leurs santé ? Et de quelle manière se sont-elles organisées pour répondre à ce désastre ?

 

Les dégâts causés par le Typhon Haiyan

Le typhon a tout emporté sur son passage à Leyte (épicentre)

Les femmes et les filles ont été les plus touchées

La majorité des femmes habitant en milieu rural aux Philippines participent à ce qu’on appelle l’économie informelle : elles s’occupent de tâches telles que l’entretien du potager familial, l’élevage de petit bétail, ou encore la récolte dans les champs. On considère qu’elles représentent 40 % de la main-d’œuvre agricole dans le pays[3]. À cela s’ajoute la charge de s’occuper du foyer et des enfants, et surtout celle de nourrir la famille. Il s’agit d’une tâche qui a toujours été traditionnellement assignée aux femmes dans la culture philippine.

Lorsqu’est survenu le typhon Haiyan, les femmes furent donc responsables de nourrir leur famille dans les campements aménagés. Il leur fallait s’approvisionner en eau, en bois et en nourriture,  mais très peu de denrées étaient distribuées dans cette situation de crise. Les femmes ne pouvant plus nourrir leur famille, beaucoup furent poussées à se prostituer et à intégrer les réseaux de trafic humain. La ville de Leyte (épicentre du typhon) connaissait déjà un taux de prostitution et de violence plus élevé que le reste du pays avant la catastrophe, mais ces chiffres ont doublé par la suite.

Dans les campements, la plupart des familles furent séparées pendant de plus ou moins grandes périodes, laissant les femmes et les filles seules. Les tentes sont très mal protégées et les lieux peu éclairés la nuit, créant un environnement plus propice aux agressions sexuelles et aux viols. Ce phénomène de l’augmentation de la violence sexuelle est très souvent observé dans les mois qui suivent des catastrophes naturelles importantes : ce fut le cas en Haïti après le tremblement de terre, ou au Sri Lanka suite au tsunami[4].

Enfin, le typhon Haiyan a eu un impact direct sur la santé des femmes. L’augmentation du taux de prostitution et de viols a fait augmenter le taux de femmes atteintes de maladies sexuellement transmissibles et le nombre de grossesses. 15 % des femmes enceintes ont eu une grossesse avec complications liées au manque de nourriture, d’eau et de soins de base. Les fausses couches et la mortalité infantile ont également augmenté (les mères ayant de la difficulté à produire du lait, encore en raison de la malnutrition)[5]. De plus, les maladies gynécologiques furent de plus en plus nombreuses à cause des conditions de vie insalubres dans les campements. Tous ces facteurs permettent de comprendre en partie pourquoi le taux de mortalité des femmes fut supérieur à celui des hommes dans cette catastrophe.

Campement où logent temporairement les familles

Campements d’ONG où logent temporairement les familles

 

Des femmes porteuses de solutions

Si les femmes furent les plus touchées par cette catastrophe écologique, elles furent également au premier rang comme agentes de changement, pour trouver des solutions. Des groupes de solidarité ont été créés par des femmes dans les mois qui ont suivi la catastrophe, comme par exemple PATAMABA situé à l’ouest de Barasan[6]. Il s’agit d’une région où l’agriculture était au cœur des activités et des préoccupations des habitant-e-s, mais qui a vu une majorité de ses champs dévastés par le typhon.

PATAMABA compte plus de 1600 membres dans la région (majoritairement des femmes), qui se sont mobilisés pour reconstruire les infrastructures et les bateaux détruits, mais aussi pour sensibiliser les habitants à la question de l’environnement, de l’agriculture durable ou encore du recyclage. Des jardins communautaires se sont mis en places pour aider les plus touchés par le typhon, et ses effets furent très rapides sur la santé des jeunes mères et des enfants. Enfin, les membres de ce groupe solidaire ont construit de nouveaux systèmes d’irrigation des eaux et des plans d’évacuation pour se prémunir contre de futurs typhons. À la tête de ces projets se trouve Mayeng Nebla, qui est considérée comme un modèle par beaucoup d’habitant-e-s de Barasan[7].

Mayeng Nebla, coordonatrice régionale de PATAMABA

Mayeng Nebla, coordonatrice régionale de PATAMABA

 

Suite à la destruction engendrée par le Typhon Haiyan, les femmes en milieu rural furent donc particulièrement touchées : ne pouvant plus nourrir leur famille avec leurs récoltes, certaines se sont tournées de force vers la prostitution. Beaucoup ont été victimes de viols dans les campements, et leur santé a été mise en danger par la malnutrition. Mais elles furent également nombreuses à créer des groupes de solidarité  une fois de retour dans leur village, portant alors tout de même le triple fardeau de travailleuse, mère responsable du foyer et actrice communautaire.

 

[1] “Responding to Typhoon Haiyan in the Philippines”, Western Pacific surveillance and response journal, World Health organization, 2015. Volume 6, Supplement 1, Page 1

[2] “Responding to Typhoon Haiyan in the Philippines”, Western Pacific surveillance and response journal, World Health organization, 2015. Volume 6, Supplement 1, Page 1

[3] Rosalinda Pineda Ofreneo, Mylene D. Hega, 2016. “Women’s solidarity economy initiatives to strengthen food security in response to disasters : Insights from two Philippine case studies”, Disaster Prevention and Management : an international journal, Vol.25(2), page 169

[4] Kristine Aquino Valerio, 2014. “Storm of Violence, Surge of Struggle: Women in the Aftermath of Typhoon Haiyan”, Asian Journal of Women’s Studies, 20:1, page 153

[5] Kristine Aquino Valerio, 2014. “Storm of Violence, Surge of Struggle: Women in the Aftermath of Typhoon Haiyan”, Asian Journal of Women’s Studies, 20:1, page 151

[6] Rosalinda Pineda Ofreneo, Mylene D. Hega, 2016. “Women’s solidarity economy initiatives to strengthen food security in response to disasters : Insights from two Philippine case studies”, Disaster Prevention and Management : an international journal, Vol.25(2), page 175

[7] Rosalinda Pineda Ofreneo, Mylene D. Hega, 2016. “Women’s solidarity economy initiatives to strengthen food security in response to disasters : Insights from two Philippine case studies”, Disaster Prevention and Management : an international journal, Vol.25(2), page 176

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