La Birmanie: le terrain de jeux de l’Inde et de la Chine

Par Julie Perreault-Henry

Les motifs d’interactions des États reposent rarement sur la vertu. On constate plutôt que les motivations de leurs actions reposent sur un but particulier: la recherche de la maximisation de leurs bénéfices. En Birmanie, deux puissants partenaires régionaux, soit la Chine et l’Inde, semblent nouer des relations diplomatiques, économiques et politiques les avantageant. D’un côté, la Chine, alliée de longue date de la junte militaire, investit massivement dans le développement économique du pays. L’Inde, en réponse à l’expansion régionale chinoise, engage des liens de plus en plus étroits avec le gouvernement birman.

Selon l’Union of Myanmar Federation of Chambers of Commerce and Industry (UMFCCI), la Chine est le plus grand investisseur en Birmanie (1). Son financement se concentre plus particulièrement dans le domaine de l’énergie. Un premier regard sur la situation porterait à croire que les deux nations désirent développer et entretenir des liens économiques. Bien que cette analyse s’avère fondée, il serait également opportun de révéler ce qui se cache derrière ce paravent.


Détroit de Malacca permettant à la Chine d’acheminer ses ressources énergétiques.

La Chine compte environ un milliard trois cent soixante-six millions huit cent trente trois mille et cent cinquante six personnes aujourd’hui (2): par ce chiffre, on en déduit que le peuple a de grands besoins énergétiques. La U.S. Energy Information Administration (EIA) affirme que l’importation chinoise de pétrole déclassera celle des États-Unis en 2014 et que sa consommation se situera au premier rang mondial (3). Le Myanmar constitue aux yeux des responsables politiques chinois un élément-clé pour répondre à cette demande très forte. Le pays n’est pas en soi un producteur important de ressources énergétiques sur la scène internationale, mais demeure toutefois que sa position dans la configuration de la carte mondiale est un atout primordial pour la Chine. En mars 2009, un accord passé entre les deux gouvernements permet la construction d’un pipeline sur le sol birman qui achemine le pétrole en provenance du Moyen-Orient vers la République populaire de Chine. L’État chinois contourne alors un problème majeur: devant obligatoirement importer 80% de son énergie du Moyen-Orient par le détroit de Malacca, elle obtient ainsi une voie alternative d’acheminement de pétrole via la Birmanie. En plus d’être le théâtre d’actes de terroristes et de pirateries, ce corridor est maîtrisé par d’autres puissances maritimes dont les États-Unis, compromettant la sécurité énergétique de la Chine. Ses relations présentes avec la Birmanie visent avant tout cet avantage géostratégique.

On observe toutefois depuis quelques années un virage dans les relations diplomatiques sino-birmanes. Pendant plusieurs décennies, la junte birmane dépendait fortement de l’appui du gouvernement chinois pour assurer sa subsistance et entretenait alors les meilleurs rapports possibles avec son unique allié. La Chine appuyait ses politiques répressives et fournissait l’armée en équipement lourd (4). Pourtant, un rapprochement récent entre le régime birman et l’Inde offre un partenariat alternatif au Myanmar. Ces changements politiques ont pour effet de bouleverser les configurations des alliances passées.

Plusieurs chercheurs avancent que la perception des autorités indiennes de la sécurité évolue vers un paradigme se rapportant au domaine maritime. L’océan Indien constitue un véritable enjeu de puissance pour l’Inde (5) . L’Inde, inquiète du développement des installations maritimes chinoises dans l’océan Indien, se sent menacée par l’expansion régionale de sa rivale. Elle tente donc de contrer l’encerclement chinois en nouant des relations diplomatiques, politiques et économiques avec des partenaires d’Asie du Sud-Est, dont la Birmanie. L’aide financière et matérielle fournit de manière fréquente par le gouvernement indien lors de catastrophes naturelles témoigne de son désir de poursuivre l’entretien de relations amicales. Il supporte également la construction de nouvelles écoles et hôpitaux et investit dans divers projets d’infrastructures. En mars 2001, suite aux bouleversements provoqués par des tremblements de terre dans l’État Shan, New Delhi a accordé une subvention de 250 000$ au gouvernement birman pour rebâtir le pays et accordé plus de 750 000$ pour la reconstruction d’écoles à Tarlay (Guilloux, 2010). Les liens économiques entre les deux pays se sont également intensifiés au cours des dernières années: les relations commerciales bilatérales se sont développés de manière significative, passant de 12, 4 million$US en 1980-1981 à 1,0,7$US milliards en 2011-2012 s (Indian Ministry of External Affairs, 2012)

La collaboration de l’Inde et de la Chine avec l’État birman vise avant tout les intérêts premiers des États. Le combat pour l’hégémonie régionale se passe donc en partie sur le nouveau terrain de jeu des puissances en expansion, la Birmanie.

(1) Redaction. 2011. « La Chine devient le plus grand investisseur étranger en Birmanie». En ligne. http://www.thailande-fr.com/economie/investissement/9669-la-chine-devient-le-grand-investisseur-etranger-en-birmanie#Xxg1eSK7wCPWobX5.99 (page consultée le 20 novembre 2014)

(2) Countrymeters. 2014. «Chine Population ». En ligne. http://countrymeters.info/fr/China (page consultée le 30 novembre 2014)

(3) U.S Energy Information Administration. 2014. China. En ligne. http://www.eia.gov/countries/cab.cfm?fips=CH (page consultée le 30 novembre 2014)

(4) Pinatel, Jean-Bernard. 2012. « La Birmanie, un enjeu stratégique pour la Chine». En ligne. http://www.geopolitique-geostrategie.fr/jean-bernard-pinatel/analyses/birmanie (page consultée le 30 novembre 2014)

(5) Courmont, B. (2007). L’océan Indien: un enjeu pour les puissances asiatiques. Regard de Taiwan No, 10.


Bibliographie

Countrymeters. 2014. «Chine Population ». En ligne. http://countrymeters.info/fr/China (page consultée le 30 novembre 2014)

Courmont, B. (2007). L’océan Indien: un enjeu pour les puissances asiatiques. Regard de Taiwan No, 10.

Guilloux, A 2010, ‘Myanmar [Burma]: analyzing problems of transition and intervention’, Contemporary Politics, vol. 16, no. 4, pp. 383-401

Indian Ministry of External Affairs, India-Myanmar Relations. En ligne. http://www.mea.gov.in/mystart.php?id=50044503 (page consultée le 16 décembre 2014)

Lintner, Bertil. 2002. Far Eastern economic review. 164(51)

Lintner, Bertil. (2002). Friends of necessity: China needs Burma as an export outlet for its impoverished and landlocked southwest; but its rivals are suspicious of the warm ties with Rangoon. Far Eastern Economic Review, 164 (2002), 51, 24-26.

Lidarev, Ivan. 2013. Contested: The sino-indian competition in Burma. Thèse de doctorat. Department of International Affairs.The George Washington University.

Pinatel, Jean-Bernard. 2012. « La Birmanie, un enjeu stratégique pour la Chine». En ligne. http://www.geopolitique-geostrategie.fr/jean-bernard-pinatel/analyses/birmanie (page consultée le 30 novembre 2014)

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