Islam: la place des minorités à Singapour

Par Mohamed Aidibé

            Basée sur un système regroupant trois communautés à travers un modèle de développement fondé sur la diversité culturelle, Singapour représente une société multiethnique qui a su intégrer la dimension multiculturelle et plurilinguistique pour en faire un atout socio-économique majeur[i]. “Une cité née de la «méditerranée asiatique».[ii]

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            Entourée de pays à majorité musulmane (Indonésie et Malaisie) et avec une population à majorité chinoise (Han), la question raciale est directement liée à la naissance de Singapour. Avant l’indépendance de Singapour, les nationalistes malais voulaient une Malaisie malaise, au sens ethnique du terme, et non pas Malaisienne qui serait définie par un caractère national auquel pourrait adhérer d’autres ethnies (ex: les Chinois). Avec une population à majorité chinoise sur l’ile de Singapour, l’indépendance fût dès lors presqu’imposée par la force des circonstances. En d’autres termes, cette différence fondamentale dans la conception de la «nation malaise» allait précipiter l’exclusion de Singapour de la fédération malaise à travers des émeutes raciales qui coutèrent la vie à une quarantaine de personnes en 1964[iii].

            Aujourd’hui les Chinois représentent 75% des résidents de la cité-État, les Malais, environ 13% et les Indiens 8%[iv]. La lingua franca est l’anglais, mais le mandarin, le malais et le tamoul sont aussi des langues maternelles dominantes. En pratique, le gouvernement de Singapour a mis en place une politique qui garantit une stricte égalité des communautés, ce qui garantit à son tour une cohésion nationale. Mais quelle est la place des musulmans à Singapour? Ont-ils un traitement spécial? Vu le caractère transnational de la première religion mondiale (en termes d’adhèrents)[v], ainsi que son intime liaison à l’indépendance de Singapour, nous examinerons son statut au sein de la cité-État.

Islam et Singapour:

            Lorsqu’on parle d’Islam et de Singapour, il faut immédiatement avoir à l’esprit «la loi sur l’administration du droit islamique» (Administration Of Muslim Law Act). Entrée en vigueur en 1966 et révisée en 2009, cette loi est une «loi concernant les musulmans qui a pour but de prendre des dispositions pour réglementer les affaires religieuses musulmanes et de constituer un conseil chargé de conseiller sur les questions relatives à la religion musulmane à Singapour ainsi qu’un tribunal islamique»[vi]. Cette loi permet donc d’organiser les affaires de la communauté musulmane tout en prenant en considération ses besoins spéciaux en termes de droit islamique.

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Majlis Ugama Islam Singapura (MUIS):

           Mais comment fonctionne donc cette loi? «Le Majlis Ugama Islam Singapura (MUIS), aussi connu comme le Conseil religieux islamique de Singapour, a été créé en tant qu’organe statutaire en 1968, lorsque l’administration de la Loi sur le droit musulman (AMLA) est entrée en vigueur»[vii]. Sous AMLA, le MUIS a pour but de conseiller le président de Singapour sur toutes les questions relatives à l’Islam à Singapour.

         Le rôle du MUIS est de s’assurer que les intérêts de la communauté musulmane de Singapour (nombreuse et variée) sont pris en charge. «À cet égard le MUIS est responsable de la promotion des activités religieuses, sociales, éducatives, économiques et culturelles en conformité avec les principes et les traditions de l’Islam telles que consacrées par le Saint Coran et la Sunna.»[viii]

Dirigisme d’État même dans cette affaire?

         Certes, à première vue, on pourrait dire, «quelle ouverture d’esprit de la part des dirigeants de Singapour!» ou encore, envier cette tolérance et le bon fonctionnement de ce système multiethniques. Mais la réalité est plus dans le dirigisme et dans le contrôle de l’État. Une simple analyse du mécanisme de fonctionnement du MUIS nous apprend beaucoup de choses sur la manière dont le gouvernement de Singapour contrôle les affaires de la communauté musulmane:

 

Premièrement:

«Le Conseil de MUIS est l’organe décisionnel global et est responsable de la formulation des politiques et des plans opérationnels.»[ix]

Deuxièmement:

«Le Conseil comprend le président de MUIS, le Mufti de Singapour, personnes recommandées par le ministre responsable des affaires musulmanes et d’autres personnes désignées par les organisations musulmanes»[x]. En d’autres termes, toutes les grandes personnalités influentes et représentatives de la communauté musulmane de Singapour.

Troisièmement:

«Tous les membres du Conseil de la MUIS sont nommés par le Président de Singapour.»[xi] Ce point résume le contrôle de l’État sur cette communauté.

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           « La grande paix religieuse de Singapour depuis l’indépendance est sans nul doute le résultat de la politique laïque menée avec continuité et détermination par le gouvernement de M. Lee Kuan Yew, politique qui trouve inspiration et justification dans des considérations rarement développées officiellement ».[i] Plusieurs expériences historiques ont jouées un rôle important dans la mise en place de la politique laïque menée par le gouvernement de Singapour: le rôle politique du fanatisme musulman au sein de la région lors du dernier siècle (Singapour 1964, Indonésie 1965, Malaisie 1969); les répercussions de la tradition britannique sur la cité-État; et surement la présence « continue au pouvoir d’une équipe en grande majorité chinoise probablement imprégnée du relatif désintérêt religieux ».[ii]

           L’émergence économique de Singapour a aussi joué un rôle dans le désir du gouvernement de garantir la paix sociale, ethnique et religieuse à travers ce genre de mécanisme qui présente un État qui garantit les droits des minorités tant que celles-ci ne menacent pas la cohésion qui permet à Singapour de croitre et de se développer.

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References

 

[i] http://ries.revues.org/2949

[ii] Ibid

[iii] http://singapour.blog.lemonde.fr/2012/02/12/l’harmonie-raciale-comme-fondement-social/

[iv] Ibid

[v] http://www.halalbook.fr/actufiche-17-1363.html?L’Islam-premiėre-religion-mondiale

[vi] http://statutes.agc.gov.sg/aol/search/display/view.w3p;query=DocId%3A3e90fc65-b364-434b-b2dc-ced1d9608640%20%20Status%3Ainforce%20Depth%3A0;rec=0

[vii] http://www.muis.gov.sg/cms/aboutus/default.aspx

[viii] Ibid

[ix] Ibid

[x] Ibid

[xi] Ibid

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Bibliographie

Deverge Michel. 1980. En ligne. Archipel n° 19, Paris, 1980 et La Documentation Française, Problèmes Politiques et Sociaux, n° 388, mai 1980. http://www.bextes.org/islam.html (site consulte le 27 novembre 2014).

AGC. 2014. En ligne. “Administration of muslim law act”. http://statutes.agc.gov.sg/aol/search/display/view.w3p;query=DocId%3A3e90fc65-b364-434b-b2dc-ced1d9608640%20%20Status%3Ainforce%20Depth%3A0;rec=0 (site consulte le 27 novembre 2014).

 

MUIS. 2014. En ligne. http://www.muis.gov.sg/cms/aboutus/default.aspx (site consulte le 27 novembre 2014).

 

Pierre-Louis Gauthier.1998. En ligne. “Diversité culturelle et plurilinguisme en Asie du Sud-Est”. http://ries.revues.org/2949?lang=en (site consulte le 26 novembre 2014).

 

G.Bernard. 2012. En ligne. “L’harmonie raciale comme fondement social”.http://singapour.blog.lemonde.fr/2012/02/12/l’harmonie-raciale-comme-fondement-social/ (site consulte le 26 novembre 2014).

 

Halalbook. 2013. En ligne. “Islam premiere religion mondiale”. http://www.halalbook.fr/actufiche-17-1363.html?L’Islam-premiėre-religion-mondiale (site consulte le 27 novembre 2014).

 

 

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