La diaspora chinoise

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Par Hamza Fahamoe

La région Asie du Sud-Est est marquée par la colonisation européenne, ainsi que par une forte migration chinoise. La Chine a fourni à la région, pendant des siècles, une population qui a servi comme mains d’œuvre aux colons européens ou encore des commerçants faisant des affaires prospères travaillant pour leur propre compte. De la Birmanie aux Philippines, en passant par l’Indonésie, la diaspora chinoise marque le trait commun de la région. Pourtant, pourquoi n’avons-nous pas vu un pays émerger pour cette diaspora? Nous allons tenter d’identifier dans un premier temps comment ce projet aurait été possible, ou pas, et dans un second s’interroger du désir même de ce projet d’État-Nation.

Tout d’abord, il faut savoir que ce projet aurait été possible grâce à un nationalisme transnational. Ce dernier vise l’instauration d’un État-Nation autour d’un projet commun, ici rassembler la diaspora chinoise, au-delà d’un seul territoire colonisé, ici la région Asie du Sud-Est, à l’instar d’un pays pour les Malais.

Mais ceci était une entreprise gigantesque. Dans le cas de la Grande Malaysia, les territoires occupés étaient sous contrôle britannique (Singapour, Brunei, et Malaisie) et néerlandais (Indonésie). Un pays rassemblant la diaspora chinoise aurait dû négocier avec les deux entités mentionnées plus haut, plus les Français (Vietnam, Laos, et Cambodge) et les Américains (Philippines), sans compter sur une Thaïlande trop fière de son statut de «non-colonisée» pour partager sa souveraineté.

Les Chinois avaient quand même cette opportunité d’utiliser les mêmes idéogrammes, ce qui rendait la communication plus facile même avec des langues différentes.

Cependant la géographie et le fait d’être minoritaires étaient des gros handicaps. Géographiquement, l’insularité est un handicap pour tous les mouvements nationalistes de la région. L’Indonésie a peiné à «unifier» autour de Jakarta toutes ses îles. De la même façon, les Chinois aux quatre coins de la région, qui sont sous différentes autorités coloniales vont avoir du mal à s’unir. De plus, dans un pays comme les Philippines où ils ne représentent à peine 1% de la population, il est dur, voire impossible d’avoir du poids politique. Il faut citer, qu’à part Singapour, la diaspora chinoise a toujours été en situation minoritaire. La majorité a elle-aussi ses propres projets, comme en Indonésie avec un pays basé sur l’islam. Dans un pays comme la Thaïlande par exemple, pays où l’intégration chinoise est l’un des plus complètes, on ne peut plus parler de minorité chinoise, mais plus de sino-thaïlandais.
Évidemment, ce projet est hypothétique car nous savons qu’il n’a jamais eu lieu. Mais avant de parler des difficultés ou de sa viabilité, y avait-il une volonté de créer un pays, et pourquoi?

Clairement pas! Avant d’être transporté par les Européens pour travailler dans les champs ou juste servir de mains d’œuvre, les Chinois entretiennent un réseau de commerce relié à la Chine. Le but premier de cette diaspora dans la région est avant tout économique.

D’ailleurs, ils sont majoritaires à Singapour, seul pays de la région d’ailleurs. Quand les colonies des détroits ont reçu leur indépendance de la couronne britannique, les Chinois majoritaires à Singapour ont préféré s’allier à la Malaisie au lieu de créer leur propre pays. Même après les émeutes antichinoises, ils n’ont pas montré de désir de partir. On les a donc mis dehors, ou montré la porte. image2

Comme l’ASEAN, institution non contraignante, les minorités chinoises ont préféré le consensus. Organisation de la plupart des pays de l’Asie du Sud-Est, elle se veut être une organisation, contrairement à l’Union Européenne, où chacun peut trouver son intérêt sans contrainte. Dans un moindre rapport, les Chinois ont préféré un consensus et ont priorisé le secteur économique au lieu d’un projet transnational dont ils ne voyaient pas forcément l’utilité.

Donc, nous voyons à quel point cette idée d’un pays autour de la diaspora chinoise semble assez utopique. Dans une certaine mesure, la diaspora indienne aussi aurait pu réclamer un État-Nation. L’empilement de cause a rendu le projet chinois impossible. Cependant, la raison première reste l’absence de volonté. La proximité, où un retour resterait possible, a peut-être contribué à cette absence de volonté d’un État-Nation pour la diaspora chinoise, juste en dessous de la Chine. On peut d’ailleurs se demander si cette diaspora se considère chinoise, en tant que descendant des «Han», ethnie majoritaire de Chine, ou chinoise, en tant qu’originaire de la «Terre du Milieu». De plus, peut-être qu’à travers l’économie, et indirectement, la communauté chinoise d’Asie du Sud-Est essaye de s’unifier.

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Sources:

Victor William, c1965 «The Chinese in southeast Asia». London

Yuan-li Wu, Chun-hsi Wu, c1980 «Economic development in Southeast Asia : the Chinese dimension». Stanford, Calif. : Hoover Institution Press.

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