De Birmanie aux camps de réfugiés thaïlandais.

Par Johanna Durget.

Pays de presque 70 millions d’habitants [1], la Thaïlande concentre une grande variété de groupes ethniques minoritaires dont on en distingue six : Karen, Hmong, Mien, Lahu, Akha et Lisu [2].

Chaque minorité comprend sa propre langue et culture, même si linguistiquement, la Thaïlande est plutôt homogène.

Situé entre la Birmanie, le Laos et le Cambodge, le pays est depuis des années le lieu de refuge de nombreuses ethnies oppressées provenant de pays voisins. Parmi les ethnies minoritaires de Thaïlande, le peuple Karen est le plus important et représente 55% de la population des tribus montagnardes [3].

En Birmanie, suite à une guerre civile déclenchée par les commnunistes et la minorité chrétienne Karen, près de 300 000 personnes se sont réfugiées en Thaïlande [4].

Depuis lors, la guerre engendrée par les généraux birmans contre la minorité ethnique Karen est aussi un défi pour la Thaïlande.

Au jour d’aujourd’hui, on compte environ 100 000 réfugiés Karen dans des camps de réfugiés en Thaïlande [5].

Comment la minorité ethnique Karen résiste-t-elle depuis ces nombreuses années et quelle est l’attitude du gouvernement Thaïlandais envers-elle ?

Refugees react after Suu Kyi left their Mae La refugee camp near Mae Sot at the Thailand-Myanmar border

Les réfugiés birmans forment le plus grand groupe de réfugiés en Thaïlande [6]. La majorité d’entre eux est Karen, aussi connus comme le plus ancien groupe ethnique résistant au régime Birman.

Désormais réfugiés en Thaïlande depuis 25 ans, le gouvernement thaïlandais offre un choix inique à ces populations démunies.
Les karens peuvent vivre parmi la dizaine de camps de réfugiés isolés dans les montagnes où ils disposeront de conditions de vies raisonnables mais où leur liberté en sera limitée : une fois entré dans un camp de réfugiés, il s’avère difficile d’en sortir, sauf exceptions pour la plupart dispendieuses ou dangereuses pour les réfugiés. Mais ils peuvent également vivre à l’extérieur de ces camps de réfugiés et s’installer dans des villages pauvres, où les conditions de vie sont beaucoup plus précaires. Le niveau de vie est très faible, ils sont privés de l’accès à l’eau, très souvent en maque de nourriture et constamment exposés au risque de se faire expulser.

À l’extérieur des camps, les Karen ne sont pas considérés comme des réfugiés, c’est-à-dire qu’ils travaillent sans aucune protection contre une éventuelle arrestation suivie d’expulsion. Bill Frelik, directeur du programme des Réfugiés à Human Rights Watch dénonce l’attitude du gouvernement thaïlandais vis-à-vis de la situation:

«La Thaïlande devrait donner à tous les demandeurs d’asile une chance équitable de revendiquer le statut de réfugié et devrait autoriser les réfugiés à circuler et à travailler»

La politique thaïlandaise n’a pas de fondement juridique et met de facto les réfugiés de toutes nationalités en situation d’être exploités ou arbitrairement arrêtés et expulsés.

« Leurs droits et les protections sont presque inexistants, principalement parce que la Thaïlande n’est pas signataire de la Convention de 1951 des Nations Unies concernant le statut des réfugiés, ce qui signifie que seules les personnes déplacées des zones de conflit de la Birmanie sont autorisées à recevoir de l’aide humanitaire.» [7]

De par cette situation qui ne cesse, les Karen sont ainsi souvent assimilés à de véritables survivants.

La Birmanie, qui n’a pas connu de calme depuis son indépendance de 1948, abrite

« au terme de 63 années de conflits, la plus vieille guérilla du monde, menée par les combattants de la Karen National Union, [qui] continue de tenir des territoires « libérés » en Birmanie dans les forêts et les régions montagneuses bordant la frontière de la Thaïlande » [8].

Outre les nombreux réfugiés en Thaïlande, une grande partie est quotidiennement en train de résister en Birmanie. Ils ont formé la « Karen National Union » qui est une organisation politique démocratique fondée en 1947 visant à représenter les aspirations du peuple Karen et à promouvoir l’équité et l’auto-détermination [9]. Cette résistance dispose d’une branche militaire, la « Karen National Liberation Army » (KNLA), qui tente de repousser chaque année les assauts de la Tatmadaw, l’armée birmane. Mais cette répression est éprouvante pour une armée qui connaît beaucoup de défaites et qui à ce jour manque de cadres et n’est formée que de soldats de plus en plus jeunes et inexpérimentés. La KNLA ne contrôlerait d’ailleurs plus que quelques bases à la frontière.

camps réfugiés

Toutefois la situation est arrivée à un tournant. En 2011, les premières élections en 20 ans prirent place en Birmanie pour instaurer un nouveau président, Thein Sein, qui œuvre depuis lors à la résolution des conflits ethniques et à la réalisation d’une union nationale. De réels progrès ont été accomplis, notamment des négociations avec les groupes rebelles menant à un cessez-le-feu avec le gouvernement en 2012. Mais encore là, des affrontements à intervalles régulières dans l’État Karen et d’autres régions ont été rapportés depuis.

Par ailleurs, le Haut commissariat aux réfugiés parle d’un retour possible des réfugiés en Birmanie. Ce retour ne se fera pas sans patience et volonté puisqu’il faut tout d’abord sécuriser les régions dont sont originaires les ethnies et s’assurer que les réfugiés seront préparés pour une bonne réintégration dans leurs communautés d’origines, ce qui exige par exemple des opérations de déminages dans l’État Karen ou encore de résoudre les dysfonctionnements sociaux qui se sont créés depuis une vingtaine d’années.

Références.

[1] BBC. En ligne. http://www.bbc.com/news/world-asia-15583755 (Page consultée le 14 novembre 2014).

[2] Lewis, Paul. 2002. Peuples du Triangle d’Or : six tribus en Thaïlande. Page 10.

[3] Chotiaroon, Nidda. 2003. La Thailande pour tous. Page 91.

[4] Thailande-Fr. Le drame des birmans en Thaïlande. En ligne. http://www.thailande-fr.com/actu/23792-le-drame-des-birmans-en-thailande (Page consultée le 14 novembre 2014).

[5] Thailande-Fr. Le drame des birmans en Thaïlande. En ligne. http://www.thailande-fr.com/actu/23792-le-drame-des-birmans-en-thailande (Page consultée le 14 novembre 2014).

[6] Human Rights Watch. Thaïlande : les pratiques à l’égard des réfugiés sont improvisées et inadéquates. En ligne. http://www.hrw.org/fr/news/2012/09/12/tha-lande-les-pratiques-l-gard-des-r-fugi-s-sont-improvis-es-et-inad-quates (Page consultée le 13 novembre 2014).

[7] Thailande France. En ligne. http://www.thailande-fr.com/societe/17949-thailande-les-refugies-birmans-en-grande-precarite (Page consultée le 12 novembre 2014).

[8] Le Monde, International. Perpetuels rebelles de Birmanie. En ligne. http://www.lemonde.fr/international/article/2012/07/12/perpetuels-rebelles-de-birmanie_1732842_3210.html (Page consultée le 13 novembre 2014).

[9] Site officiel de la KNU. En ligne. http://www.knuhq.org/?page_id=11 (Page consultée le 12 novembre 2014).

Bibliographie.

Bruneau, Michel. 1979. Politiques et stratégies de développement chez les montagnards du Nord de la Thaïlande.

Fistié, Pierre. 1967. Minorités ethniques, opposition et subversion en Thaïlande. En ligne.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342x_1967_num_32_3_2186

Formoso, Bernard. 2000. Identités en regard. Destin chinois en milieu bouddhiste thaï. Paris. CNRS Éditions. En ligne. http://lhomme.revues.org/12671?lang=en (Page consultée le 13 novembre 2014).

Le site info Thaïlande. Birmanie – Thaïlande : les Karens pris au piège. En ligne. http://www.thailande-fr.com/actu/2680-birmanie-thailande-les-karens-pris-au-piege (Page consultée le 12 novembre 2014).

Philip, Bruno. « Perpétuels rebelles de Birmanie ». Le Monde (International). 12 juillet 2012. En ligne.

http://www.lemonde.fr/international/article/2012/07/12/perpetuels-rebelles-de-birmanie_1732842_3210.html (Page consultée le 12 novembre 2014).

Mu Nan, Paw. « Les réfugiés birmans de Thaïlande poussés à faire leurs valises ». France 24. 20 juin 2013. En ligne. http://observers.france24.com/fr/content/20130620-refugies-birmans-thailande-retour-karen-birmanie-rebelles-camp (Page consultée le 13 novembre 2014).

Bourrier, Any. « Les Karens indésirables en Birmanie ». RFI. 4 mai 2006. En ligne.

http://www1.rfi.fr/actufr/articles/077/article_43474.asp (Page consultée le 13 novembre 2014).

« Enfants du Mékong mobilisé pour les Karens de Birmanie ». Direct Matin. 13 octobre 2014. En ligne.

http://www.directmatin.fr/monde/2014-10-10/enfants-du-mekong-mobilise-pour-les-karens-de-birmanie-692841 (Page consultée le 14 novembre 2014).

Albert, Martin. « Peut-on recoller la mosaïque birmane ? Conflits ethniques et réconciliation nationale en Birmanie». Info Birmanie. Novembre 2013. En ligne.

http://www.info-birmanie.org/wp-content/uploads/2007/03/Conflits-ethniques-et-réconciliation-nationale_IB_NOV2013.pdf (Page consultée le 12 novembre 2014).

Gouëset, Catherine. « Chronologie de la Birmanie (1948-2013) ». L’Express. 21 juin 2013. En ligne.

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/chronologie-de-la-birmanie-1948-2013_499082.html (Page consultée le 13 novembre 2014).

Human Rights Watch. « Thaïlande : les pratiques à l’égard des réfugiés sont improvisées et inadéquates ». 13 septembre 2012. En ligne.

http://www.hrw.org/fr/news/2012/09/12/tha-lande-les-pratiques-l-gard-des-r-fugi-s-sont-improvis-es-et-inad-quates (Page consultée le 13 novembre 2014).

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