Pluralité ethnique et une unité nationale en Birmanie

Par Blandine Maindiaux

Il paraît déjà assez conflictuel de gouverner dans l’unité un pays qui partage deux langues différentes, imaginez donc ce qu’il en est d’un pays qui en regroupe plus d’une centaine ! Comment est-il possible de créer un sentiment d’appartenance, une unité nationale avec autant de cultures différentes ? Est-il réalisable de gouverner en intégrant au processus politique chaque minorité ethnique ? Voilà un défi auquel est confrontée la Birmanie depuis sa création par les Britanniques en 1886.

La Birmanie est un pays qui regroupe plus de 135 minorités ethniques différentes, chacune revendiquant sa langue et sa culture. Il y a les Shans, les Karens, les Kachins, les Mons , les Arakans, et tant d’autres. Ce que l’on entend par « minorité ethnique », c’est l’ensemble des groupes qui n’appartiennent pas à l’ethnie majoritaire, les Birmans.Pour vous donner une idée, ces minorités ethniques représentent près d’un tiers de la population. La cohabitation entre ces différentes cultures n’a pas toujours été évidente. Mais ce qui est surtout conflictuel, c’est la domination des Birmans, peuple majoritaire représentant près de 66% de la population, sur les minorités ethniques. Une division qui existe depuis longtemps mais qui s’est accentuée pendant la période coloniale. En effet, les Anglais donnaient les postes administratifs et à responsabilités aux Birmans. Un modèle qui a continué à persister après l’indépendance et qui n’a fait qu’accentuer les tensions et les divisions entre les différentes ethnies [1].

La Birmanie est un pays où l’Etat moderne a précédé la nation [2]. Au lendemain de l’indépendance du pays en 1948, une identité nationale était à construire. La configuration du territoire, et l’absence d’infrastructures pour le desservir, confinent certains peuples dans des coins reculés du pays. Encore aujourd’hui l’éloignement reste un principal problème dans l’établissement d’un sentiment d’appartenance à une même identité.

Il y a eu, au moment de cette indépendance, l’espoir d’une Birmanie unie dans la diversité. Aung San, célèbre leader du mouvement indépendantiste birman, avait entamé des négociations avec les principaux groupes ethniques dans un objectif que la Birmanie les intègre. Une structure fédérale sera donc adopté entre 1948-1962 composée des sept principaux groupes ethniques. Mais elles s’avéreront être insuffisantes pour assurer la cohésion. De plus, l’assassinat d’Aung San marquera la fin de ce projet.

La Birmanie est donc devenue un Etat dominé par l’ethnie birmane. Se mit en place une discrimination contre les non Birmans qui mena à de fortes tensions et une résistance armé. En 1962, le pays devint un régime militaire qui subsistera près de cinquante ans. Un pouvoir en faveur d’un régime militaire comme solution pour préserver l’unité du pays [3]. Pendant des années, les minorités ethniques ont été soumises à une assimilation forcée de la culture majoritaire birmane. En 1961 le bouddhisme fut instauré comme religion d’Etat, ainsi que le birman imposé comme langue nationale. Face à ces discriminations, des révoltes ont éclaté dans tous le pays. Les minorités ethniques protestaient contre cette domination. La récurrence et la persévérance des manifestations notamment étudiantes à Rangoun, sont parvenues à mettre un terme au régime dictatorial.

Suite au départ de Ne Win en 1981, le général Saw Maung s’empare des institutions et proclame la loi martiale. Une opposition à ce régime militaire se forme. En 2001, les groupes ethniques vont créer le Conseil des Nationalités Ethniques [4], composé de partis politiques, d’organisations armées et d’organisations de jeunesse. L’ENC va soutenir une démocratisation par le dialogue, ne réclamant pas l’indépendance mais soutenant la nécessité d’un Etat fédéral.

L’intégration et la participation de ces minorités ethniques sont des enjeux cruciaux pour le futur de la Birmanie. Le processus de démocratisation du pays ne pourra se faire dans un contexte de domination tel que nous avons pu l’observer. Les dernières élections parlementaires et la victoire d’Aung San Suu Kyi nous laissent espérer que la Birmanie a un nouveau chapitre de son histoire à écrire.

Ressources bibliographiques:

[1] Coudry, Jean-Claude, 2004. Birmanie (Myanmar) La mosaïque inachevée. France : Edition Belin, la documentation française
[2] [3] Fistié Pierre, 1985. La Birmanie ou la quête de l’unité, Ecole française d’Extrême-Orient, Paris
[4] Info Birmanie, 2008 La diversité ethnique en Birmanie : entre oppression, conflit armé et nécessaire projet de construction nationale. En ligne. http://www.gitpa.org/ (consulté le 1er novembre 2014)

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