Le sultan de Brunei est l’homme le plus riche a monde

Par Olivia Amos

« Le Sultan du Brunei est l’homme le plus riche au monde » titrait le magazine Forbes en 1997. Hassanal Bolkiah (photo 1) possède effectivement aujourd’hui  l’une des plus grosses fortunes au monde, malgré un revers en 2002 suite à une banqueroute sans précèdent. Il est aujourd’hui (après le roi Abdallah d’Arabie Saoudite) le deuxième chef d’État le plus riche, avec à son actif, un palais de 1788 pieces (photo 2), 5 000 voitures de luxe dont une recouverte de diamant, deux palaces à Paris, ainsi que des parts dans de nombreux grands groupes mondiaux.

La richesse phénoménale de cet homme n’est pas déconnectée de celle du petit pays, enclavé dans l’État malaisien, qu’il gouverne. Selon leFMI, le pays est le 5ème plus riche au monde. Les habitants sont rémunérés annuellement 48 000 $ en moyenne, et le niveau de vie est très élevé: il n’y a pas d’impôts, l’essence, les frais hospitaliers et la scolarité sont gratuits (IDH très élevé de 0,838).

Alors, d’où vient cette richesse ? Une importante part des revenus du sultanat proviennent des hydrocarbures qui représentent près des 2/3 du PIB, 92% des recettes publiques et 97% des exportations (principalement en direction des voisins asiatiques comme le Japon ou Singapour), selon le rapport annuel de l’ambassade de France à Singapour. Le premier gisement de pétrole a été découvert en 1903, le second à Séria en 1929. Ce n’est toutefois qu’au tournant de la décennie 1960 que le pétrole devient un pilier de l’économie brunéienne.

Néanmoins, la rente d’hydrocarbure pose deux problèmes majeurs, d’une part celui de l’épuisement des réserves, d’autant que les perspectives de découverte de nouveaux champs, en particulier en off-shore profond, ne se sont jusqu’à présent pas concrétisées. D’autre part, celui de la dépendance du pays aux fluctuations des prix des hydrocarbures sur les marchés mondiaux. Le gouvernement doit donc impérativement impulser une politique de diversification de l’économie s’il souhaite dégager de nouvelles sources de revenus, créer des emplois dans le secteur privé, et préserver sur le long terme le niveau de vie des citoyens.

Cet enjeu n’est pas récent. Depuis 1953, le gouvernement brunéien a lancé six Plans de Développement National. Chacun de ces plans soulignait la nécessité de développer le secteur agricole, alors que plus de 90% des besoins en nourriture sont satisfaits par l’importation. En fait, il n’y a quasiment pas de production agricole, mis à part celle du riz, dont les rendements sont toutefois médiocres (1625 kg par hectare, soit la moitié de la moyenne mondiale). L’autosuffisance alimentaire est loin d’être atteinte. Les produits manufacturés sont quasiment dans leur totalité importés également.

Brunei s’est engagé tardivement sur la voie de la diversification de son économie et peine à trouver des créneaux porteurs et capables d’affronter une concurrence régionale déjà bien établie. De plus, en dehors du secteur des hydrocarbures, la capacité du sultanat à attirer des investisseurs étrangers pour bâtir son infrastructure industrielle reste limitée. L’absence de taxes et les standards régionaux qui permettent une bonne infrastructure sont des facteurs favorables à cette ouverture à des capitaux étrangers, certes, mais le marché local est de petite taille, la main-d’œuvre sur place est rare et chère. En outre, l’isolement géographique, mais aussi l’environnement des affaires encore assez peu porteur et qui risque de se dégrader compte tenu d’une application de plus en plus rigoureuse de charia, ne jouent pas en faveur du pays. Enfin, l’appareil bureaucratique est lourd et pesant, et le secteur public, trop présent dans l’économie (en employant 60% de la population) ce qui décourage l’investissement local et étranger.

Mais le petit Etat a de grandes ambitions et réalise des efforts notables dans sa volonté de diversification. Le « Wawasan Brunei 2035 »ou National Vision Program prévoit de transformer le pays en deux décennies, d’une économie dépendante du pétrole et du gaz, en un centre banquier, commercial et financier, un mini Singapour en somme. L’activité industrielle se développe avec les activités de pétrochimie et de raffinage  afin de développer le secteur énergétique. D’autres secteurs de l’économie sont privatisés, tels que les télécommunications : cela témoigne du retrait progressif de l’État de l’économie. Enfin, après des années d’autarcie, Brunei semble s’orienter vers la voie de coopérations économiques internationales. Si son adhésion immédiate à l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est était motivée à l’origine, par des raisons d’ordre politique et stratégique, désormais l’idée de coopérations économiques régionales fait son chemin. De telles zones économiques sub-régionales cherchent à encourager l’augmentation des échanges et des investissements transfrontaliers. Cela pourrait donner l’essor nécessaire aux plans de diversification économique du gouvernement brunéien.

TAGS : Brunei, économie, richesse, diversification

Bibliographie

1. Ouvrage.

De Vienne, Marie-Sybille. 2012. Brunei, de la la thalassocratie à la rente. Paris : CNRS éditions, 303 pages.

2. Rapport électronique.

Bhaskaran, Manu. The centennial group for the Centre for Strategic and Policy Darussalam. 2007. « Economic Diversification in Negara Brunei Darussalam Report ». 44 pages. En ligne :

http://www.csps.org.bn/publications/CSPS_Report_3_-_Economic_Diversification_in_Brunei_-_Manu_Bhaskaran_-_Aug2007.pdf

3. Rapport officiel

Chouan,  Alain. Ambassade de France à Singapour, Service économique et régional. 2013. « Brunei, situation économique et financière ». 7 pages. En ligne :

http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/386572

4. Article de presse

Cooke, Kerian. 2013. “Brunei Darussalam: Diversifying is hard to do”. Global, the international briefing. En ligne :

http://www.global-briefing.org/2012/07/diversifying-is-hard-to-do/

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