L’économie vietnamienne, la petite soeur du modèle chinois

Par Olivia Amos

Au Vietnam, la croissance économique a pendant longtemps été limitée par des règles politiques autoritaires interdisant formellement l’introduction des idées libérales dans le pays. Ce modèle s’est pourtant progressivement assouplit, comme en Chine, en soumettant son économie au jeu du marché et en s’immisçant graduellement dans le commerce international : les conditions d’accès à la prospérité économique.

Alors, cette économie de marché socialiste suit elle la tendance du géant chinois ?

L’ouverture économique des années 80

Après l’invasion du Cambodge dans les années 1980, le Vietnam est plongé dans l’isolationnisme (l’URSS est son unique allié) ce qui a de terribles conséquences: pénurie constante, la population est pauvre, rurale et se consacre à l’agriculture vivrière. L’autoritarisme maintient le pays dans la misère sociale et les structures économiques sont archaïques (il n’y a pas ou peu d’industries). Au même moment, les voisins d’Asie du Sud Est (les dragons ou encore les tigres) sont en plein essor et profitent de la libéralisation des échanges.

Un revirement de situation a lieu en 1986, lorsque se tient le sixième congrès du Parti communiste. À l’issu de ce congrès, le doi moi(photo 1) est lancé, il s’agit d’une politique de renouveau, jugée nécessaire après les guerres successives que le pays a connues. La priorité établie est de redresser l’activité économique de la faillite, de parer à la grande pauvreté d’un pays où l’agriculture (notamment la riziculture) constitue la clé de voûte de l’économie, et d’établir des infrastructures permettant l’émergence d’un secteur industriel (1). En outre, le contexte international influence largement ce revirement. D’une part, en Russie, la glasnost et la perestroïka détruisent les fondements du totalitarisme et d’autre part, la Chine s’ouvre après la réforme de Deng Xiaoping au début des années 80.

En effet, Chine et Vietnam s’ouvrent à l’international simultanément et commencent à rétablir des partenariats commerciaux avec le reste du monde.  Cela implique une nécessaire flexibilisation des régimes communistes en place, mais pourtant il ne s’agit pas d’une rupture comme observé en Russie.  Le Parti communiste n’est pas disposé à renoncer au contrôle du pays. Il entend « corriger les erreurs commises dans la construction du socialisme ». Les sacrifices politiques (relâchement du contrôle policier, abandon de la collectivisation radicale, émergence d’une classe de gens d’affaire) répondent ainsi aux impératifs économiques, sans pour autant aboutir à la fin du régime. Un capitalisme socialiste, modèle ambigu alliant fermeté politique avec le maintien des militaires au pouvoir et du contrôle étatique sur le développement, absence de démocratie et libéralisme économique, se développe au Vietnam comme en Chine.

La croissance dynamique depuis 1990 et l’insertion dans la mondialisation

Les indicateurs économiques à partir de 1990 révèlent un dynamisme chinois et vietnamien avec des taux de croissance annuelle du PIB respectifs de 10% et 7% (2). Les taux de chômage sont également très faibles dans les deux pays, c’est-à-dire moins de 5%  (3). Au Vietnam, le pourcentage de la population vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 58% en 1990 à moins de 10% aujourd’hui (4).

L’explosion de la croissance est essentiellement attribuable à l’ouverture économique qui permet la modernisation des deux pays. Tout comme en Chine, le Viêtnam a réintégré « le concert des nations ». Cela se traduit par l’évolution des secteurs économiques (percée des secteurs industriels) et la volonté de voir émerger une économie de service. Au Vietnam 40% du PIB est générée par le secteur industriel, les services représentent 38% de l’économie et l’agriculture 22% (5).

Par ailleurs, la croissance repose dans les deux cas sur les investissements directs étrangers en provenance des pays développés ainsi que sur les exportations. Effectivement, les exportations vietnamiennes se sont chiffrées à plus de $115 milliards en 2010 (6), principalement dirigées vers les États-Unis (qui deviennent un partenaire commercial de taille suite à la levée de l’embargo en 1994 (voir photo 2)). Or, cette tendance suit la pacification des relations entre les USA et la Chine. Le pays exporte également vers le Japon, la Chine, l’Union Européenne ou encore les pays de l’ASEAN dont il est membre depuis 1996.

Enfin, l’adhésion à l’Organisation Mondiale du Commerce en 2006 (soit 5 ans après celle de la Chine) symbolise l’ouverture économique du Vietnam ainsi que son insertion au cœur de la mondialisation (7). En 2006, tout comme l’a fait la Chine en 2002, le parti abandonne officiellement la référence à la dictature du prolétariat pour tout simplement représenter l’ensemble de la nation.

Des défis communs à relever

Les pays rencontrent les mêmes problèmes actuellement : un niveau de développement des populations très disparates avec des inégalités très fortes entre les campagnes et les villes. Tout l’enjeu pour ces économies est à présent de développer leur marché intérieur qu’elles ont jusque-là délaissé et maintenir un niveau de croissance élevé afin de compenser les changements rapides de la société (évolution des mœurs, recul des solidarités traditionnelles), pour garantir le bien-être social.

En bref, il existe un consensus chez les économistes sur le fait que l’économie vietnamienne ressemble à s’y méprendre à l’économie chinoise. Tout est une question d’échelle car le Vietnam ne reste par sa taille qu’une province chinoise. A la question, le Vietnam suit-il le modèle de développement économique Chinois? On peut dire que leurs modèles de développement économique respectifs sont proches, ils s’appuient tous deux sur une croissance tournée vers les exportations et dépendante des IDE et une omniprésence de l’État au cœur de l’économie.

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(1) The Diplomacy of Economic Reform in Vietnam: The Genesis of Doi Moi, 1986-1989 Article de Balazs Szalontai, 2008

(2) https://www.cia.gov/cia/publications/factbook/

(3) http://www.statistiques-mondiales.com/chomage.htm

(4) DG Tresor, PNUD – Rapport sur le Développement Humain 2013

(5) Données Banque Mondiale

(6) Federation of International Trade Associations : Vietnam profile

(7) Site de l’OMChttp://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/org6_f.htm

Bibliographie

1. Le Van, Cuong, et Mazier, Jacques. 1998.L’économie vietnamienne en transition : les facteurs de la réussite. Paris : Montréal : L’Harmattan, 282 pages.

2. Brocheux, Pierre, 2009. Une histoire économique du Viet Nam, 1850-2007 : la palanche et le camion. Paris : Les Indes savantes, 227 pages.

3. Binh Tran-Nam, et Chi Do Pham. 2002. The Vietnamese economy : awakening the dormant dragon. New York : Routledge, 257 pages.

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