Quel avenir pour Singapour?

Poignee_de_main

Par Nicolas Pilon

Le gouvernement singapourien est constitué du même parti, le PAP, successivement élu depuis bientôt 40 ans. Il est reconnu comme étant efficace dans sa gestion des problèmes par ses tentatives, fort souvent réussies, de prévoir les futures difficultés et de prendre les devants face à celles-ci. Ce n’est pas pour rien que l’on dit que « Singapour pense 25 ans à l’avance ». Or, les époques changent, les États changent, le monde change. Dans ce contexte, quels sont les défis contemporains d’une cité-État dont le succès économique éclatant a permis de se propulser vers le groupe des États les plus riches et prospères du monde?

Singapour étant depuis longtemps une cité marchande, elle s’est développée comme étant une ville moderne et essentielle par sa fonction d’entrepôt régional et de point d’arrêt pour les importants passages de flux de capitaux dans le détroit de Malacca vers le reste du monde. Traditionnellement, « The city-state has a string case for being considered the world’s most globalized economy »[1]. Dans le contexte où l’économie mondiale est toujours chamboulée par la crise financière de 2008 et où la crise écologique frappe de plus en plus fort à notre porte, Singapour pourrait avoir à changer sa stratégie de planification économique, financière, et globale.

Étant énormément orientée sur l’exportation, elle est aussi complètement à la merci des fluctuations du marché et de l’économie mondiale : « We draw sustenance not only from the region but also from the international economic system to which we as a global city belong and which we will be the final arbiter of whether we prosper or decline »[2]. Même si au fil des crises économiques de 1997 et 2008[3], Singapour s’en est sorti relativement bien comparativement à plusieurs autres, notamment grâce aux réponses et actions rapides du gouvernement, faudrait-il attendre une vraie bombe économique dans une société où l’accumulation de biens et de capitaux, donc le fondement même du capitalisme, est l’ultime attrait vers l’ascension sociale? Dans un monde où la mondialisation du capitalisme néolibéral est de plus en plus contestée, les nombreuses formes altermondialistes pourraient s’avérer une porte de sortie très intéressante et profitable à moyen et long terme pour Singapour.

Le tout serait une excellente occasion pour développer plus particulièrement le commerce intérieur et régional, surtout avec les États membres de l’ASEAN (Association of South East Nations) et de l’AFTA (ASEAN Free Trade Area). Les relations bilatérales entre Singapour et ses plus importants voisins, la Malaisie et l’Indonésie, ont, depuis l’indépendance de la cité-État, toujours été méfiantes et prudentes. Du moins, c’est le cas du côté de Singapour[4]. Pourtant, l’ancrage régional de cette dernière, surtout depuis la délocalisation des industries Singapouriennes vers les États de l’ASEAN[5] et particulièrement en Malaisie et en Indonésie, pour les remplacer par un capitalisme financier et basé sur des produits à valeurs ajoutées, est de plus en plus important[6]. Plusieurs éléments prouvent cette liaison. On peut penser, pour ne nommer que quelques exemples, à la dépendance de la cité-État, face à ses deux voisins, quant à l’espace, la main-d’œuvre, les ressources naturelles et énergétiques et l’eau potable. En fait, près de la moitié de la demande d’eau, toujours grandissante, des Singapouriens provient de la Malaisie[7].

Par ailleurs, cette dernière reste le partenaire économique le plus important du pays insulaire, devant la Chine, les États-Unis et l’Europe[8]. Malgré l’héritage historique commune sous tutelle britannique, l’expulsion quelque peu brutale de Singapour de la fédération Malaisienne de l’époque ainsi que la rivalité économique de plus en plus vive entre les deux États rendent les relations difficiles entre ces deux États.  Toutefois, pour le bien de tous, il serait peut-être temps que Singapour sorte de sa paranoïa envers ses grands voisins et commencent à bâtir un avenir avec eux où le bien commun et la prospérité humaine sont de mise. Leurs relations pourraient évoluer de simples partenaires commerciaux à alliés véritables.

En somme, les dépendances multiples de la cité-État insulaire renvoient à une perte de pouvoir effective pour le gouvernement Singapourien, ou du moins, à un contrôle moindre sur l’avenir direct du pays. Il pourrait donc sembler brillant de regarder pour des alternatives. Alternatives, un mot qui, généralement, fait sauter les gens de leur chaise. Pourtant, elles existent. Enfin, la construction d’une relation basée sur la coopération plutôt que sur la rivalité avec les États membres de l’ASEAN ne peut qu’être profitable au bout du compte.


[1] Dent, 2002, p.67.

[2] Ibid.

[3] http://www.eaber.org/sites/default/files/documents/WPS_2008_49.pdf

[4] De Koninck, 2006, p. 136.

[5] Dent, 2002, p. 76.

[6] De Koninck, 2006, p. 140.

[7] Ibid., p. 102.

[8] Arotçanera, 2009, p. 101.

Bibliographie

De Koninck, Rodolphe. 2006. Singapour. La cité-État ambitieuse. Paris, Éditions Belin, collection Asie Plurielle, France.

Dent, Christopher M. 2002. The foreign economic policies of Singapore, South Korea and Taiwan. Northampton, Éditions Edward Elgar, États-Unis.

East Asian Bureau of Economic Research. 2008. En ligne. (Page consultée le 28 novembre 2013) http://www.eaber.org/sites/default/files/documents/WPS_2008_49.pdf

Jobin, Paul. 2009. « Démocratie, modernité et christianisme à Singapour ». Dans Guillaume Arotçanera, dir., Démocratie, modernité et christianisme en Asie. Les Indes Savantes, Paris.

Régnier, Philippe T. 1987. Singapour et son environnement régional. Étude d’une cité-État au sein du monde malais. Paris, Presses Universitaires de France.

Université de Sherbrooke. 2013. Perspective Monde. En ligne. (page consultée le 13 novembre 2013) http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/pays/SGP/fr.html

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