La Chine en Asie du Sud-Est : entre partenaire et menace

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Si l’ensemble de la géopolitique mondiale se repositionne face à l’émergence de la Chine comme superpuissance, ce phénomène est particulièrement visible en Asie du Sud-Est. Depuis le désengagement américain en Indochine dans les années 70, la Chine a pris un rôle croissant dans la région. Cependant, une certaine ambiguïté caractérise  les relations entre l’Empire du Milieu et ses voisins méridionaux. En effet, les Chinois semblent y alterner à la fois le rôle de partenaire et de menace.

En tant que partenaire économique, l’influence chinoise en Asie du Sud-Est s’est notamment accrue au cours des quinze dernières années dans le sillage de la crise asiatique de 1997. La décision du gouvernement chinois de ne pas dévaluer le renminbi[1](RMB) fut d’un grand secours aux économies affaiblies de la région[2]. Cette réaction trancha particulièrement avec l’attitude passive des États-Unis d’Amérique en vertu de leur politique économique néolibérale[3]. La Chine, qui jusqu’à alors passait pour une menace pour les pays non communistes,  devint ainsi un proche collaborateur du processus d’intégration de la région. Cette participation apparait notamment avec la  présence de la Chine au sein Treaty of Amity and Cooperation (TAC) de l’ASEAN[4] ainsi qu’avec la  signature d’un traité de libre-échange avec cette même organisation en 2002. La signature d’un traité qui aurait été une idée impensable quelques décennies auparavant. Ce partenariat économique croissant se manifeste aussi dans le volume d’échange entre les membres de cette organisation et la Chine au courant des dernières années.  (Voir la graphique plus bas)

Échanges économiques entre l’ASEAN, la Chine et les États-Unis d’Amérique (en millions de dollars US) 2007-2010[5]

TableauCommerce

Si dans cette perspective, la Chine semble être un allié de l’ASEAN, il ne faut pas non plus oublier que d’importantes tensions existent entre les membres de cette organisation et leur imposant voisin. En effet, le principal point de divergence entre  la Chine et les États de l’Asie du Sud-Est concerne la mer de Chine méridionale.  Vaste étendue d’eau riche en hydrocarbure et en poissons, cette mer est aussi une zone d’importance pour le trafic maritime. Au-delà de son importance économique, la Chine considère cette région comme une zone stratégique afin de protéger son territoire et sa population.[6]

Comme le rappelle Peter Dutton  directeur du China Maritime Studies Institute,  les disputes entre la Chine et ses voisins sont de trois natures, mais deux semblent centraux pour comprendre la dynamique régionale.[7] Un premier désaccord se pose sur la souveraineté des États sur les différentes îles de cette mer. C’est dans le cadre de ce débat que, par exemple, le Vietnam et la Chine s’affronte sur la souveraineté des îles Spratly et Parcelles[8]. Le deuxième point de controverse entre les États riverains concerne les juridictions nationales sur les eaux environnantes. Cette dispute est particulièrement importante étant donné ses implications économiques puisque la juridiction sur les eaux permet aux États d’exploiter les ressources marines et fossiles au large de leurs côtes.

Loin d’être uniquement confinés à la sphère diplomatique, les tensions ont parfois engendré des escalades de moyens de pression entre les nations riveraines. Ces escalades ont même déjà abouti à  des escarmouches entre la Chine avec ses voisins, notamment avec le Vietnam en 1974 et en 1988[9].

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Si la Chine avait adopté par la suite une position plus conciliante durant les années 1990 et 2000,  les cinq dernières années ont vu se développer un changement de ton de la part de Beijing. En effet, la Chine  agit désormais de manière plus musclée afin de  faire valoir ses droits dans la région, alimentant la crainte et la méfiance chez les autres puissances riveraines.[10]

Ainsi, malgré ces relations paradoxales, la Chine continuera d’être un acteur de premier plan en Asie du Sud-Est. Cependant, ce phénomène est  loin d’être nouveau. En effet, durant plusieurs millénaires, l’empire chinois eu un influence économique, politique et culturelle non négligeable sur  région C’est aux travers de ces relations plurimillénaires que l’Empire du milieu a successivement traité les royaumes de le la péninsule indochinoise comme des égaux ou comme  vassaux. C’est cette variation dans les relations entre l’Asie du Sud-Est et la Chine qui permet à Kwa Chong dans poser le questionnement suivant:

Is China’s desire for a ‘harmonious relationship’ with ASEAN driven by memories of the economics of the comparative advantage of « tribute » trade with its neighbours, when it was one among equals? Or, is China’s understanding of a « harmonious relationship » driven by memories of a hierarchy of power that assures China’s security?[11]

Cette réflexion montre à quel point les relations dans cette région s’inscrivent dans une trame narrative ancienne. Si l’histoire a toujours joué un rôle important dans les relations internationales, cela est encore plus véridique lorsque celles-ci concernent l’Asie et la Chine.

Pour plus d’information :

Une entrevue d’Éric Frecon  » Mer de Chine méridionale : Nouvel espace de crise  » : http://www.youtube.com/watch?v=4hjlxYR5bRM

Un documentaire de l’Economist :  »Videographic China territorial claims » : http://www.youtube.com/watch?v=8JS4VZbCWj8

Un documentaire de l’USC US-China Institute  »The South China Sea : Troubled Waters » http://www.youtube.com/watch?v=W-CDMSOGaRY

Le billet de William Wong : ‘’Un rôle positif pour la Chine en Asie du Sud-Est’’ : https://redtac.org/asiedusudest/2012/03/13/un-role-positif-pour-la-chine-en-asie-du-sud-est/

Bibliographie scientifique :

Dutton,Peter. ‘’Three Dispute and Three Objectives: China and the South China Sea’’ dans Naval War College Review. Automne 2011, Vol. 64, No. 4, p.42-65

Majid, Munir 2012 . Southeast Asia between China and the United States. IDEAS reports – special     reports, Kitchen, Nicholas (ed.) SR015. LSE IDEAS, London School of Economics and Political Science, London, UK.

Chong, Kwa. ‘’ The Future of ASEAN-China Relations’’ in International Relations and Security Network website. 9 février 2007. [En ligne] . Adresse URL :  http://www.isn.ethz.ch/Digital-Library/Articles/Detail/?lng=en&id=52910.

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[1] Le renminbi est la monnaie de la République populaire de Chine. Le yuan est l’unité de base du renmibi.

[2] Majid, Munir. Southeast Asia Between China and the United States .p. 22

[3] Idem

[4] Association of Southeast Asia Nations

[5] Majid,Munir. Southeast Asia Between China and the United States P.23

[6] Dutton,Peter. ’Three Dispute and Three Objectives: China and the South China Sea’’p.48-49

[7] Idem. p.43-53

[9] Idem.

[8]BBC.  Q&A: South China Sea dispute. [En ligne] http://www.bbc.co.uk/news/world-asia-pacific-13748349

[10] The Economist.  ‘’Roiling the waters’’ dans The Economist . 7 juillet 2012 [En ligne] http://www.economist.com/node/21558262?zid=306&ah=1b164dbd43b0cb27ba0d4c3b12a5e227

[11] Chong, Kwa. The Future of ASEAN-China Relations’’[En ligne]

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