Pourquoi la piraterie en Indonésie?

Par François Beauchamp

La recrudescence de la piraterie dans les mers de l’Asie du Sud-Est, particulièrement dans le détroit de Malacca, est un problème de plus en plus criant. On assiste depuis 2010 à un regain du nombre d’attaques contre des bateaux, surtout commerciaux. Mais pour quelles raisons la piraterie regagne-t-elle du terrain ainsi? Quelle est la réponse des autorités des pays, notamment l’Indonésie? Est-ce[Auteur in1] un problème nouveau?

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De nos jours, la moitié des attaques pirates semblent avoir lieu dans la région de la Corne de l’Afrique, au large de la Somalie[1],et ainsi captent[Auteur in2] l’imaginaire dans la sphère médiatique, il ne faut pas oublier que d’autres endroits subissent aussi des attaques de pirates.[Auteur in3] Ainsi, la piraterie est également présente, non seulement dans toutes les mers avoisinantes de la région de l’Asie du sud-est, mais en particulier dans le détroit de Malacca (au sud de Singapour).

Entre 2000 et 2009, on rapporte 3413 attaques au total dans le monde, qu’elles soient réussies ou non.[2] On note aussi que ce nombre pourrait être plus élevé, puisque ce ne sont que les attaques rapportées (les compagnies victimes peuvent être réticentes à rapporter ces crimes, de peur de voir augmenter le prix de leurs assurances).[3] Peter Chalk énonce certains facteurs qui contribuent à l’augmentation du nombre d’attaques : le rapetissement des équipages, du aux meilleures techniques de navigation et au stratégie de réduction des coûts, la difficulté de la surveillance en mer, le laxisme de la sécurité portuaire et côtière, la corruption du système judiciaire par le crime organisé (dans certains cas), la propension des compagnies maritimes à payer de larges rançons pour récupérer leurs bateaux (ce qui est moins cher que d’en acheter d’autres) et la prolifération mondiale des armes à feu.[4]

Dans la région de l’Indonésie, plusieurs raisons[Auteur in4] ont été avancées pour expliquer la piraterie. La faillite sociale serait un facteur aggravant qui pousse[Auteur in5] les gens à commettre des actes de piraterie.[5] On parle aussi des conditions sociales qui se sont détériorées après la crise asiatique de 1997. Plus récemment, avec les misères économiques des récentes années, depuis 2008, sans aucun doute le phénomène s’est amplifié.[Auteur in6] On considère aussi l’aspect historique : la piraterie, aurait été une forme d’entreprise économique pour certaines localités dès le XIIe siècle, et plus tard aurait été repris par les sultanats à partir du XIIIe siècle. Avec la colonisation et la montée du trafic maritime commercial, les attaques auraient augmentés, avant que l’on ne tente des mesures pour les contrer.[6] Le désœuvrement, l’insularité imprégnant les habitants[Auteur in7] d’une culture maritime et les facteurs historiques expliqueraient donc la piraterie en Indonésie.

Récemment, on remarque un genre nouveau de crime maritime : la piraterie perpétrée par les groupes islamistes.[Auteur in8] Depuis les événements du 11 septembre 2001, en effet, on bloque les sources de  financement des groupes islamistes radicaux, au niveau mondial. Cela pousse ces organisations radicales à trouver des sources de financement alternatives, comme le vol de cargaisons et les demandes de rançons. En Indonésie, il existe de ces groupes radicaux, comme le Jemaah Islamiyah, lié à Al-Qaeda, ou le Free Aceh Movement, un groupe séparatiste islamique radical.[7][Auteur in9] Les raisons expliquant la piraterie ne seraient donc plus seulement un acte de survivance, mais bien avec un but politique.

La réponse des autorités en place est difficile. L’intervention en mer pose problème. La fin de la Guerre Froide, et le retrait des troupes américaines aidant à la surveillance maritime, amplifieraient[Auteur in10] le besoin des états de la région de l’Asie du Sud-Est d’augmenter eux-mêmes la surveillance.[8] Les vides juridique et de souveraineté territoriale, soulevés par les frontières maritimes de chaque pays (200 miles marins au large des côtes) poserait des défis aux interventions étatiques, et les pirates en tireraient[Auteur in11] avantage.[Auteur in12] Comment en effet intervenir lorsque les pirates dépassent les frontières et se retrouvent en eaux internationales, ou alors à l’intérieur des limites maritimes d’un pays voisin? A-t-on le droit d’intervenir dans une juridiction qui n’est pas la nôtre? La coopération récente entre[Auteur in13] les états de la Malaisie, de l’Indonésie et de Singapour, avec une surveillance accrue tant maritime qu’aérienne, en plus de l’aide des organismes internationaux comme le International Maritime Bureau[9] (IMB)[Auteur in14] , contribue à endiguer le problème[Auteur in15] .[10] Mais les défis restent nombreux face au raffinement des techniques pirates, de leurs équipements, et aux dissensions des états sur la souveraineté territoriale maritime et l’intervention en haute mer.[11]

Reportage le detroit de MALACCA PIRATERIE

Vidéo sur la piraterie en Indonésie


[1] Martime Piracy, document disponible sur le site du Bureau des Nations Unies sur la drogue et le crime, www.unodc.org, 2009

[2] Global patterns of maritime piracy, 2000-09 : Introducing a new dataset, Journal of Peace Research, 5 juillet 2012

[3] idem

[4] Martime Piracy, Reasons, Dangers and Solutions, conférence prononcée par Peter Chalk devant le Sous-comité à la sécurité côtière et au transport maritime, disponible sur le site du Rand, www.rand.org,  février 2009

[5] FRÉCON, Éric, Chez les pirates d’Indonésie, p. 137

[6] Idem, pp. 27-

[7] LUFT, Gal et Anne Korin, Terrorism Goes at Sea, Journal of Foreign Affairs, Vol. 83 Issue 6, 2004, pp, 62-63

[8] FRÉCON, op. cit. pp.51-52

[9] L‘International Maritime Bureau est une division de la Chambre Internationale de Commerce, qui s’occupe notamment de l’élimination de la piraterie

[10] KNOTT, John et Toby Stephens, Piracy and Terrorism at Sea, 2008

[11] Voir Extending cooperation to combat sea piracy, Bambang Hartadi Nugroho, dans le Jakarta Post, 25 avril 2011

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