Les Rohingyas: persécution tolérée de ces « immigrés illégaux »

Par Kathryn Blanchette

LES ROHINGYAS : PERSÉCUTION TOLÉRÉE DE CES « IMMIGRÉS ILLÉGAUX »

L’union fédérée fortement centralisée qu’est la Birmanie abrite bon nombre de minorités ethniques telles les Shan, les Kachin, les Lun, les Chin, les Naga, Wa et les Rohingyas[1]. Néanmoins, depuis juin 2012, le cas de la minorité des Rohingyas est plus que d’actualité. En effet, cette violence inter-ethnique débute à la suite du viol et du meurtre d’une jeune femme bouddhiste, crime attribué aux Rohingyas, en mai 2012. La question centrale de cette persécution de cette minorité musulmane est en relation avec le fait que le président actuel Thein Sein, élu par fraude électorale selon la Communauté internationale, considère que les Rohingyas sont des immigrants clandestins et par conséquent, leur refuse toute forme de citoyenneté.

Des Rohingyas tentent de fuir la Birmanie pour le Bangladesh

Des Rohingyas tentent de fuir la Birmanie pour le Bangladesh

Il y a donc en Birmanie une véritable crise humanitaire[2]. D’ailleurs, l’Organisation des Nations Unies considère les Rohingyas comme la minorité comme l’une des plus persécutées au monde[3]. De plus, Amnesty International dénonce les conditions de vie misérable des Rohingyas ainsi que l’extorsion, la taxation arbitraire, la confiscation de terres, la destruction des maisons et l’expulsion[4] envers les quelque huit cents mille d’entre eux. En effet, dans leur plus récent rapport d’août 2012, il semble que « le pouvoir birman laisse faire, voire appuie, le massacre orchestré de cette minorité dans le silence absolu de la communauté internationale[5] ». C’est donc une vie désespérante pour les Rohingyas.

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Lors de son récent discours le 16 juin dernier, Aung San Suu Kyi, récipiendaire du prix Nobel de la paix en 1991, s’est contenté de manifester son appui quant au projet de loi sur la protection des minorités[6]. En effet, cette défenseure des droits de l’Homme se retrouve dans une position pour la moins délicate. Elle n’est plus qu’un symbole de liberté et de démocratie, elle est de prime abord, la chef du parti d’opposition[7]. De plus, elle a récemment été élue dans une circonscription où le sentiment haineux envers la minorité des Rohingyas est assez prononcée[8]. Elle a donc préféré ne pas se prononcer quant aux Rohingyas en particulier, trouvant plus sage de ne pas prendre position. À noter que son parti politique, la Ligue Nationale pour la Démocratie ne reconnaît pas la citoyenneté de cette minorité musulmane[9].

Des Rohingyas refusés à l'entrée du Bangladesh

Des Rohingyas refusés à l’entrée du Bangladesh

Il faut alors se questionner sur le potentiel des « boat people ». Même si les départs de ces bateaux ne sont pas encore très nombreux, cela pourrait amplifier davantage[10]. En effet, beaucoup d’ONG, tout comme l’ONU, craint la fin de la saison des pluies; risquant de provoquer une augmentation massive de « boat people »[11]. Comparativement à avant, le Bangladesh n’accepte plus les Rohingyas, en ayant déjà accueillis près de deux cents mille[12]. Le Bangladesh soutient que comme la démocratie se met peu à peu en place en Birmanie, il est temps pour cet État de contrer ce racisme chronique et à la communauté internationale de faire pression sur lui. Certains également tentent donc leur chance vers la Malaisie, l’Indonésie et la Thaïlande, souvent refoulés étant donné leur violation du droit international comme ce fut le cas en Thaïlande[13].


[1] Bray, John. 1992. « Ethnics Minorities and the Future of Burma » Royal Institute of International Affairs 48 (no 8-9): 144

[2] Arnaud Vaulerin, « Birmanie, la persécution tolérée des musulmans rohingyas », (2012) En ligne. http://www.liberation.fr/monde/2012/10/30/birmanie-la-persecution-toleree-des-musulmans-rohingyas_857121 (page consultée le 28 novembre 2012).

[3] Anne Bernas, « Les Rohingyas de Birmanie, l’une des minorités les plus persécutées au monde », (2012) En ligne. http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20120802-birmanie-apres-junte-poursuit-atrocites-contre-minorite-rohingyas (consultée le 28 novembre 2012).

[4] Amnesty International. 2004. Myanmar and the Rohingyas minority : fundamental rights denied. Londres: Amnesty International., p.27-32

[5] Ibid.

[6] Andrew Biraj, « Birmanie : les Rohingyas placent leurs espoirs en Aung San Suu Kyi », (2012) En ligne. http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20120617-oslo-aung-san-suu-kyi-denonce-hostilites-ont-pas-cesse-birmanie (page consultée le 28 novembre 2012).

[7] Jean-François Gérard, « Minorités : les Birmans considèrent les Rohingyas comme des immigrés clandestins », (2012) En ligne. http://www.lexpress.fr/actualite/societe/minorites-les-birmans-considerent-les-rohingyas-comme-des-immigres-clandestins_1147674.html (page consultée le 17 décembre 2012)

[8] Ibid.

[9] Ibid.

[10] Andrew Biraj, « Birmanie : naufrage d’une embarcation de boat people Rohingyas dans le golfe du Bengale », (2012) En ligne. http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20121101-birmanie-naufrage-embarcation-boat-people-rohingyas-golfe-bengale-bouddhisme-islam-onu (page consultée le 17 décembre 2012).

[11] Munir Uz Zaman, « Birmanie : des camps de réfugiés ou l’expulsion pour la minorité musulmane », (2012) En ligne. http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/birmanie-des-camps-de-refugies-ou-l-expulsion-pour-la-minorite-musulmane_1137558.html (page consultée le 28 novembre 2012).

[12] Andrew Biraj, « Birmanie : naufrage d’une embarcation de boat people Rohingyas dans le golfe du Bengale », (2012) En ligne. http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20121101-birmanie-naufrage-embarcation-boat-people-rohingyas-golfe-bengale-bouddhisme-islam-onu (page consultée le 17 décembre 2012).

[13] Ibid.

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