Le Laos, un pays bien enclavé

Par Valérie Phromrasmy

Sur une carte géographique, on peut voir que le Laos se situe au milieu de cinq États, mais trois d’entre eux jouent un rôle plus important : la Chine, la Thaïlande et le Vietnam. Chacun de ces trois acteurs cherchent à monopoliser les ressources naturelles voire même influencer le Laos qui joue le rôle du pays enclavé. [1] Pendant que les pays étrangers viennent en aide au Laos, la population laotienne est plutôt insatisfaite par leur situation.

Étant l’un des pays le plus pauvre au monde, le gouvernement du Laos s’est fixé comme objectif de se sortir de la pauvreté d’ici 2015-2020. C’est pourquoi l’État est ouvert à tous les investissements directs étrangers pour l’aider à exploiter ses ressources naturelles[2] et que plusieurs pays étrangers viennent en aide au Laos. Il a le plus grand potentiel hydro-électrique de la région ainsi que d’autres ressources naturelles comme les réserves forestières et minières[3] qui ne sont pas encore complètement exploitées. Dans une telle situation, le pays devient donc dépendant des investissements étrangers.

De 2000 à 2008, la Thaïlande a été le principal investisseur étranger, suivi de la Chine et du Vietnam[4]. La rivalité est plus intense entre ces deux derniers puisque chacun possède des objectifs politiques différents. La Chine cherche à obtenir des opportunités économiques qui pourraient être avantageuses pour Pékin, tandis que le Vietnam veut garder une relation politique la plus étroite possible avec le Laos[5]. Bien sûr, sur le plan des investissements, le Vietnam n’est pas encore de taille face à la puissance émergeante de la Chine. Mais cette dernière n’a pas vraiment besoin d’une relation côte-à-côte avec le Laos, donc elle n’y voit aucun intérêt à être excessivement en compétition avec le Vietnam. Les investissements de la Chine se concentrent principalement dans le nord du Laos, tandis que le Vietnam investit plus dans le sud et l’est du pays.

Afin de préserver l’ « amitié spéciale » partagée avec le Laos depuis le Traité d’amitié et de coopération qui a expiré en 2002, le Vietnam a octroyé 1.6 millions de dollars pour la construction du Laos-Vietnam History Museum[6]. Il aide aussi à la construction de ponts et de routes afin d’aider les exportations laotiennes et beaucoup de Vietnamiens sont envoyés pour travailler avec leurs homologues Laotiens, et ce, dans plusieurs domaines (agriculture, éducation, etc.).  Avec une population laotienne peu nombreuse, soit 6 millions d’habitant, il y a une immigration vietnamienne importante. Il y a aussi la diaspora chinoise qui entre dans la composition du Laos.

Pour les Jeux de l’Asie du Sud-est qui auront lieu au mois de Décembre 2009, la Chine s’est offert au Laos pour construire un stade de 20 000 sièges afin d’accueillir les jeux, mais demande en échange la concession d’un terrain de 1640 hectares proche du lieu monumental de That Luang dans la capitale pour une durée de 50 ans[7].  Le projet consiste à un développement d’une nouvelle ville. Ce nouveau projet inclura des zones résidentielle, industrielle et commerciale, mais sera sous le contrôle d’une compagnie chinoise. À la fin de l’entente de concession, la nouvelle reviendra au Laos.

Tout cela semble très beau, mais la population laotienne ne s’en réjouit pas nécessairement. Personne n’est vraiment au courant des compensations auxquelles ils auront droit. Aussi, avec la présence de la diaspora chinoise au Laos depuis des décennies, plusieurs Laotiens connaissent le fonctionnement des affaires chinoises. Ce qui amène l’inquiétude chez les Laotiens car les Chinois ne parlent pas laotien et embauchent d’autres Chinois[8]. Des rumeurs croyant qu’un quartier chinois sera construit avec l’installation de 50 000 familles chinoises dans la capitale ont donc fait surface[9].  Bien sûr, le Premier ministre député, Somsavat Lengsavat a démenti toutes ces rumeurs, assurant que n’importe quelle personne qui en aura les moyens pourra s’acheter une maison dans la nouvelle ville et qu’il n’y aura aucune discrimination parmi les acheteurs. [10]

Il est évident que les Laotiens ressentent l’impression d’envahissement par les pays voisins, mais personne n’ose, pour l’instant, contester le gouvernement laotien. Le pays serait-il un peu trop ouvert à l’investissement étranger? Bien sûr, avec les nombreux cas de corruptions, aucun officiel ne se plaint vraiment. Il ne reste qu’à savoir si le Laos réussira à atteindre ses objectifs ou si la population se révoltera un jour envers les gens au pouvoir. En attendant, plusieurs pays continueront à venir en « aide » au Laos.

Bibliographie

Start-Fox, Martin. 2009. « Laos: The Chinese Connection ». Southeast Asian Affairs 2009.142-69

Tan, Danielle. 2008. « Laos: la terre entre-deux ». L’Asie du Sud-est 2008. 159-79

Lintner, Bertil. 2009. « Laos : At the Crossroads ». Southeast Asian Affairs 2008. 171-83

Chambers, Paul.2009. « Edgy Amity along the Mekong: Thai-Lao Relations in a Transforming Regional Equilibrium » Asian Journal of Political Science,17:1,89 — 118


[1] Danielle Tan, p.162

[2] Ibid

[3] Danielle Tan, p.166

[4] Danielle Tan, p.175

[5] Martin Stuart-Fox, p.151

[6] Martin Stuart-Fox, p.150

[7] Martin Stuart-Fox, p.142

[8]  Ibid

[9] Danielle Tan, p.178

[10] Martin Stuart-Fox, p.143

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