Les Philippines: Exploitation sexuelle infantile et lutte nationale

Par Marie-Soleil Verville Allard

Durant la guerre du Vietnam, l’armée américaine a installé des bases de repos et de divertissement dans l’archipel philippin. À partir de ce moment, il y a eu une importante augmentation du nombre de prostitué(e)s autour de ces bases. La prostitution infantile augmenta aussi, plusieurs vendant des faveurs sexuelles afin d’aider leur famille à surmonter l’extrême pauvreté. En effet, selon des rapports de police locaux, la liste des pédophiles à surveiller dans cette région présentait un nombre très élevé de militaires américains[i]. Grâce à la mondialisation et à la plus grande facilité d’accès au marché de la prostitution, le gouvernement philippin a dû mettre en place des systèmes de lutte contre ce phénomène. Les moyens, aussi diversifiés que les formes d’exploitation sexuelle (prostitution, tourisme sexuel, production de pornographie), sont critiqués de manière plus ou moins positive, différents problèmes étant mieux traités que d’autres.

Ce qui est inquiétant aux Philippines est le très grand nombre d’enfants qui font partie du milieu de la prostitution. Par exemple, à Angeles City, l’une des cinq villes les plus reconnues aux Philippines pour le tourisme sexuel, on estime que sur 500 prostituées, on compte environ 75 % d’enfants[ii]. Un rapport de l’UNICEF rapporte même qu’il y aurait entre 60 000 et 100 000 enfants travaillants dans l’industrie sexuelle aux Philippines, classant ainsi le pays quatrième sur neuf quant au pourcentage d’enfants dans ce milieu. Vu l’ampleur du problème, le gouvernement philippin a mis en place des politiques et des programmes de lutte. Malgré le fait que le gouvernement philippin ait été le premier État asiatique à instaurer une loi contre l’abus des enfants[iii], il y a encore beaucoup de lacunes dans l’administration de ces lois. Cependant, plusieurs programmes ont été mis en place pour aider les enfants exploités, et aussi pour prévenir le phénomène. Par exemple, le gouvernement a mis en place le Child Protection Unit Network, lequel possède 19 succursales qui fournissent des soins et du support psychologique aux enfants qui ont été victimes d’exploitation sexuelle. Cet organisme travaille aussi dans les familles de ces enfants, dans le but de faire de la prévention auprès des parents[iv]. Le Child Protection Unit Network permet aussi de diriger les enfants retrouvés auprès des différentes ONG quand ceux-ci sont retrouvés hors de leurs villes natales, et même hors de leurs pays d’origine (suite à du trafic humain).

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Afin de lutter contre le tourisme sexuel infantile, le gouvernement philippin a adopté le Code of Conduct for the Protection of Children from Sexual Exploitation in Travel and Tourism. Cette grande campagne de prévention dans les hôtels et institutions touristiques a pour but de sensibiliser les touristes et les clients potentiels tentés de se livrer à une telle activité à la situation de ces enfants.

Ces interventions du gouvernement sont applaudies par la communauté internationale, qui reconnaît les efforts du gouvernement philippin. Cependant, un autre problème récurrent aux Philippines, soit la production de pornographie infantile, est beaucoup moins bien combattu, ce qui est reproché aux Philippines.

L’industrie de la pornographie infantile est un problème d’importance auquel doit faire face le gouvernement des Philippines. Cette industrie semble étroitement liée au tourisme sexuel. En effet, beaucoup de touristes paient les parents de jeunes enfants des suppléments pour pouvoir filmer, très souvent à l’aide de webcams, les actes sexuels. Certains clients vont même jusqu’à diffuser en direct les relations sexuelles, avec des enfants aussi jeunes que 10 ans.[v]  D’autres touristes préfèrent seulement prendre des photos des enfants nus, sans nécessairement avoir de contact sexuel avec eux. Les parents de ces enfants qui sont utilisés sous-estiment souvent l’impact qu’ont ces gestes sur la santé mentale et physique de l’enfant. C’est pour cette raison qu’une partie du programme d’intervention du gouvernement philippin s’applique à sensibiliser les parents aux impacts psychologiques qu’a la pornographie infantile sur leurs enfants. Bien que le gouvernement philippin ait de bonnes lois en matière de prostitution infantile, il a de la difficulté à s’ajuster aux critères internationaux quant à la prévention de la production de pornographie infantile. En effet, même si le gouvernement a ratifié le Stockholm Agenda for Action[vi], il éprouve beaucoup de difficultés à rencontrer les standards internationaux en ce qui a trait à la lutte contre la pornographie infantile, car il ne possède toujours pas de lois à ce sujet[vii]. De plus, en n’interdisant pas explicitement les actes décrits dans le Stockholm Agenda for Action dans ses lois, il manque à ses obligations internationales, et s’expose à la critique des autres pays ayant ratifié la convention.

Le fait que le gouvernement philippin lutte contre tous ces crimes et qu’il punisse davantage les personnes qui exploitent sexuellement les enfants, il ressort un nouveau problème : la migration des touristes sexuels vers d’autres États de la région de l’Asie du Sud-est. Ainsi, dans un esprit de collaboration et de mondialisation, les pays de la région négocient de plus en plus d’accords entre eux[viii] afin d’éliminer ce problème majeur de la région.


[i] Daniel S. Campagna et Donald L. Poffengerger, The Sexual Trafficking in Children: An Investigation of the Child Sex Trade (Dover, Auburn House Publishing Company, 1988), p. 151.

[ii] Sol F. Juvida, «Philippines-Children : Scourge of Child Prostitution», (1997) En ligne. http://www.ips.fi/koulut/199742/6.htm (page consultée le 26 octobre 2009).

[iii] Voir Juvida, « Philippines-Children: Scourge of Child Prostitution ».

[iv] Voir ECPAT International. Global monitoring : Report on the status of action agaisnt sexual exploitation of children – Philippines, p.16

[v] ECPAT International, Global monitoring: Report on the status of action against sexual exploitation of children – Philippines, 2006, p.12.

[vi] Il s’agit d’un protocole adopté en 1996, qui regroupe 122 pays, l’organisme End Child Prostitution in Asian Tourism (ECPAT), l’UNICEF et d’autres organisations qui découlent de l’ONU, qui vise à lutter contre l’exploitation sexuelle des enfants en général (incluant la pornographie infantile).

[vii] Voir ECPAT International. Global monitoring : Report on the status of action against sexual exploitation of children – Philippines, p.23.

[viii] Par exemple, un accord avec la Malaisie et l’Indonésie a été négocié en 2002 dans le but de combattre le crime transnational, incluant le trafic des humains ainsi que le tourisme sexuel.

Bibliographie

Campagna, Daniel S. et Donald L. Poffengerger, 1988, The Sexual Trafficking in Children: An Investigation of the Child Sex Trade, Dover: Auburn House Publishing Company.

ECPAT International, 2006, Global monitoring: Report on the status of action against sexual exploitation of children – Philippines , Bangkok: ECPAT International

Juvida, Sol F., 1997,  Philippines-Children : Scourge of Child Prostitution, En ligne. http://www.ips.fi/koulut/199742/6.htm (page consultée le 26 octobre 2009).

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