L’identité Thaï face à la mondialisation des échanges. L’envers de la médaille

Par Aurélien Clément

La Thaïlande s’est considérablement ouverte à la mondialisation et est véritablement devenue une destination touristique phare ces dernières années. Les autorités thaïlandaises ont beaucoup mis l’accent sur le caractère typique des traditions identitaires Thaï en parallèle du patrimoine naturel du pays afin d’attirer le flux touristique de masse. En effet, dans la parfaite continuité ethnocentriste du gouvernement, les agences touristiques mettaient particulièrement en avant l’omniprésence de la religion bouddhiste non seulement dans le paysage, mais aussi dans le quotidien sous forme de rites, sans parler des pratiques culturelles telles que le massage Thaï, la boxe Thaï ou encore la gastronomie Thaï… Ces caractéristiques sont encore bien présentes de nos jours dans les campagnes de publicités nationales mais on remarque une nouvelle tendance qui consiste à valoriser les autres cultures minoritaires au sein de l’Etat Thaï  jadis âprement réprimées puisque considérées comme un obstacle à l’unité nationale. Est-ce que l’Etat Thaï assimilationniste ne se tournera pas quelque peu vers la reconnaissance du foisonnement culturel présent dans son territoire ? Ne verrait-il pas justement à travers cette diversité culturelle un moteur pour le tourisme ?

Il semble que si, pousser par l’appât du gain une certaine tolérance apparaît de la part du gouvernement, surtout envers les tribus montagnardes qui représentent un fort potentiel attractif de par l’authenticité de leurs cultures . Seulement, livrées à une telle exploitation de leurs images, ces minorités ethniques sont en fait aussi susceptibles de se voir devenir victime de cette instrumentalisation. Déjà dans les années 1970-1980, ces minorités ethniques avaient été prises à partie dans le contexte de Guerre froide entre les troupes américaines et l’expansion du communisme fortement stimulé par la Chine [1].

On sait la nocivité du tourisme sur les littoraux. Les hôtels de luxent qui défigurent le paysage. Mais à cet aspect du tourisme mondial s’ajoute aussi surtout dans le cas de la Thaïlande, le problème du tourisme sexuel. Si les autorités thaïlandaises ont été drastiques quant au trafic de drogue et de stupéfiant sur son territoire du Triangle d’Or, elles restent tout à fait impassibles devant l’étendue du phénomène de prostitution sur son sol. En effet, malgré une législation l’interdisant formellement, la prostitution et le tourisme sexuel  prospère du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest grâce à la corruption et la passivité non seulement de la police mais surtout de l’appareil étatique quasi complet. L’État ferme les yeux, car cette pratique représenterait plus de 13% du PIB et représente un caractère attractif pour quelque 14,5 millions de touristes pour l’année 2007. En bref, il compte sur la prostitution pour d’une part toucher de l’argent avec le marché interne et d’autre part pour stimuler le tourisme.

Ce laxisme a aussi pour conséquence l’implantation de réseaux internationaux de trafic d’être humain, de proxénétisme ou encore d’esclavage moderne. Ces phénomènes sociaux culturels bénéficient en Thaïlande d’une conjoncture politique et d’un cadre législatif tellement permissif que ces problèmes pourtant d’envergure mondiale sont niés et se développent en toute impunité. Par exemple, la Thaïlande n’a pas ratifié la convention internationale contre le trafic d’êtres humains, ni le protocole contre la vente, la prostitution et la mise en scène pornographique des enfants [2], donc si une grande fermeté a été déployée par les gouvernements pour lutter contre les trafics de drogue et l’opiomanie, strictement rien n’est engagé contre ces fléaux qui minent profondément l’image de la Thaïlande de manière certainement durable.

Par ailleurs, l’État créé une situation surréaliste et hypocrite lorsqu’il annonce sa volonté de lutter contre la propagation du Sida pour protéger ses citoyens tandis qu’a coté de cela, il ne réglemente pas la prostitution et reste de marbre lorsqu’il faudrait secourir des femmes citoyennes thaïlandaises victimes d’esclavage sexuel dans un pays étranger [3]. Autant de paradoxes qui participent à l’évolution de l’image que projette le pays sur la scène internationale. Avec ces prises de positions politiques laxistes telles, la Thaïlande se s’expose à voir à court terme son image nationale assimilée à ce genre de pratiques qu’elles couvent sans réagir. Tout comme sa lutte contre le trafic de drogue dans le Triangle d’Or ou contre le Sida à l’échelle nationale, quand la Thaïlande se conformera-t-elle aux normes de la communauté internationale qui réglemente la prostitution et interdit ses dérives comme l’esclavage moderne, le trafic d’êtres humains et le proxénétisme à grande échelle ? Déjà depuis des dizaines d’années, en parallèle du « Pays du Sourire », la Thaïlande véhicule cette connotation défavorable dont elle devra bientôt se défaire certainement sous la pression des ONG et de la Communauté internationale.

D’autre part, à l’image de la globalisation de la prostitution et de ses activités affiliées, les réseaux terroristes se sont aussi mondialisés à vitesse accélérée, surtout depuis les attentats du 11 septembre. Ainsi, les différents entre les autorités et la population malaise musulmane dans les régions du sud de la Thaïlande se sont envenimés. En état d’urgence depuis 2004, les autorités Thaïes face à cette adversité, appuyée par des réseaux terroristes de grande envergure vont peut être enfin cesser leurs politiques assimilatrices créer de grandes rancoeurs pour adopter une attitude favorisant d’avantage l’intégration et la tolérance culturelle et religieuse, génératrice de bien moins de violence.

Références

[1] Chouvy Pierre Aranud, Les territoires de l’opium. Conflits et trafics du Triangle d’Or et du Croissant d’Or, Olizane, Paris, 2002. En ligne.

[2] Bangkok Post, Autant de victime que de bourreaux, Courrier International, N°917, pp 41.

[3] Ibid.

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