Le militarisme de Ferdinand Marcos

Par Marie-Anitha Jaotody

Le milieu des années 60 aux Philippines est marqué par une tension entre l’élite foncière et l’élite politicienne, les deux factions cherchant à obtenir l’exercice du pouvoir à l’Assemblée nationale afin de conserver leurs intérêts; Ferdinand Marcos se fait élire en 1965 puisqu’il n’appartient à aucun de ces camps [1]. Toutefois, la présidence de Ferdinand Marcos aux Philippines sera caractérisée par un rôle prépondérant des militaires et un autoritarisme important dans l’exercice du pouvoir jusqu’à sa chute dans les années 80.

Une fois au pouvoir l’objectif premier de Ferdinand Marcos est la relance de l’économie et des réformes constitutionnelles pour faire perdurer sa présidence. En effet, les années 60s marquent le début d’un décollage économique important en Asie du Sud, désirant avoir la main mise sur les capitaux, le président Marcos consolide la concentration du pouvoir en renforçant le rôle de l’État dans le secteur de l’économie. Cette initiative lui permet de stabiliser son pouvoir en assurant une redistribution des richesses à ses plus proches collaborateurs.

Dès le début de son deuxième mandat, les manipulations constitutionnelles donnent lieux à une concentration de plus en plus marquée du pouvoir. Cette concentration soulève la protestation des membres du parti communiste philippin, celle des mouvements étudiants et des guérillas maoïstes. En guise de réponse, Marcos édicte la loi martiale en 1972 et arrête ou exile ses opposants politiques [2], finalisant ainsi la consolidation du pouvoir autour de lui et ses proches.

Pour maintenir son système répressif, Ferdinand Marcos s’appuie sur le pouvoir militaire en réorganisant sa structure, il crée une section antiémeute et des écoles qui dispensent des formations militaires (d’ailleurs, lors de la mise en place de la loi martiale en 1972, l’armée joue un rôle central dans les arrestations). De plus, le régime de Marcos bénéficie également du soutien des États-Unis. En effet, comme F. Marcos justifie la Loi martiale par la lutte contre le communisme, il est soutenu financièrement par les Américains dans le cadre de leur politique d’Endiguement.

Au départ, la répression est courante, mais reste peu violente, car l’opposition est faible et peu organisée. L’utilisation de mesures draconiennes n’est pas nécessaire pour les mater [3]. Toutefois, avec le temps les opposants se radicaliseront et s’organiseront plus efficacement. Outre la population étudiante et ouvrière, l’Église s’oppose également au pouvoir de F. Marcos (Federation of Free Farmer) [5]. Au début des années 70, un mouvement étudiant plus radical se crée et forme une alliance avec les ouvriers de Manille (Proletarian Labor Congress et Maoïste CPP). Ceux-ci dénoncent, entre autres, les réformes agraires initiées par le gouvernement, l’interventionnisme de l’État et l’alliance conclue avec les États-Unis dans le cadre de la Guerre du Vietnam. Ces oppositions seront accentuées par la crise économique du début des années 80 qui affectera gravement sur la population, fragilisant le pouvoir de Ferdinand et lui faisant perdre les élections en 1986, contre Corazon Aquino.


[1] McCoy, Alfred. 1994. « Rent-seeking Families and the Philippine State: A History of the Lopez Family. » An Anarchy of Families: State and Family in the Philippines. Quezon City: Ateneo de Manila University Press.

[2] Boudreau, Vincent. 2004. « Authoritarian attack and dictatorial rise ». Resisting Dictatorchip : Repressions and Protest in Southeast Asia. Cambridge : Cambridge University Press : 37-83

[3] Wurfel, David. 1988. Filipino Politics: Development and Decay. Ithaca: Cornell University Press.

[4] Youngblood, Robert. 1990.  Marcos against the church. Ithaca : Cornell University Press.

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